«N'est-ce pas le comble pour un aveugle d'aller passer ses vacances à Las Vegas, paradis des néons, des écrans lumineux et des spectacles hauts en couleur? Et bien Chantal Nicole a tellement aimé qu'elle y est même retournée deux fois plutôt qu'une, entre deux voyages en Asie ou en Océanie. Bienvenue dans l'univers de ceux et celles qui voyagent sans les yeux, mais non sans plaisir.

Italie, Hawaii, Tunisie, Maroc, Thaïlande, Cambodge, Laos, Australie, Égypte, Pérou, Chine, Inde, Sri Lanka, Liban, Syrie, Jordanie, Bali, alouette: ce n'est certainement pas en lisant la liste des pays visités par Chantal Nicole que l'on pourrait se douter que cette dynamique femme de 40 ans est presque totalement aveugle depuis la naissance et ne possède qu'une vision périphérique très limitée.

«Je ne peux peut-être pas partir un mois en Inde toute seule, mais ce n'est pas une raison pour rester chez moi!», dit-elle.

À ceux qui se demandent quel plaisir elle peut bien éprouver en allant dans des pays dont elle ne verra jamais le paysage, elle réplique qu'elle voyage «autrement», tous les autres sens en alerte.

«Je vais peu en Europe parce que je ne pourrais pas y apprécier l'architecture et les musées et que j'en reviendrais sûrement un peu frustrée. Mais au Moyen-Orient, en Asie, c'est tout l'environnement qui parle: il y a de la musique, des bruits, des odeurs que je ne connais pas. Je n'ai pas besoin de voir pour entendre les appels à la prière en Inde, les mobylettes au Viêtnam.»

À Las Vegas, elle a aimé toucher les hiéroglyphes d'un hôtel d'inspiration égyptienne, ou encore entendre et sentir l'humidité de l'orage recréé à l'intérieur de l'hôtel MGM toutes les demi-heures.

Chantal Nicole se concentre aussi sur l'histoire et la culture: «Je n'ai pas de paysages à admirer quand je suis dans l'autobus, alors j'écoute bien le guide et je pose beaucoup de questions.»

C'est en grande partie pour cela qu'elle privilégie les voyages organisés, mais aussi parce que cela lui assure le minimum d'encadrement dont elle a besoin.

Des souvenirs, bons et mauvais

Des mauvais souvenirs, elle en a peu, à l'exception de sa visite du Machu Picchu, où elle a dû passer la journée à monter et descendre des escaliers en pierre glissants. Mais généralement, tout est bien balisé et accessible, dit-elle. «Et tout ne peut pas être adapté: on ne pourrait tout de même pas mettre des rambardes partout dans un site historique comme le Machu Picchu.»

Maintenant, elle rêve d'aller au Kenya ou en Namibie. «Je vais peut-être être déçue de ne pas voir les animaux en faisant un safari, mais entendre un lion qui rôde la nuit près de son hôtel, ça doit être exceptionnel.»