Au début de sa carrière, au milieu des années 90, Jonathan Bicker s'est mis à prendre beaucoup l'avion. Le psychologue de l'Université de Washington a été frappé de voir combien les gens qu'il rencontrait dans les aéroports et les avions avaient l'air stressé, voire frustré.

«J'ai réalisé que l'anxiété des airs n'avait jamais été étudiée», explique en entrevue depuis Seattle M. Bicker, qui ne parle pas ici de la phobie de prendre l'avion, mais du stress occasionné par toute l'expérience liée à un vol. «Les lignes aériennes veulent montrer que leurs vols sont sécuritaires, agréables et abordables. Ils ne veulent pas attirer l'attention sur le stress des voyages en avion. J'ai approché plusieurs compagnies pour qu'elles m'aident dans mes recherches sur le sujet, mais aucune n'a jamais été intéressée.»

En marge de ses travaux sur l'anxiété des fumeurs qui tentent d'arrêter, le psychologue de la côte Ouest a élaboré une échelle de stress des voyages aériens. Il a présenté son prototype d'échelle en 1999 dans une conférence, puis a fait cinq études avec des groupes de cobayes qui ont mené, en 2005, à la publication d'une étude dans le Journal of Counseling Psychology. En 2008, les autorités aériennes américaines (FAA) lui ont demandé de publier une autre étude, avec des résultats mis à jour, dans leur revue International Journal of Applied Aviation Studies.

L'avion est-il plus stressant que les autres modes de transport? «Nous avons étudié les gens qui étaient stressés en avion et en voiture et cela semble deux mécanismes très différents, dit M. Bicker. En voiture, on garde le contrôle. En avion, on le cède au pilote, aux agents de bord. Par contre, en voiture, on doit partager la route avec les autres véhicules et subir les bouchons de circulation. Notre chemin est souvent entravé, mais au moins on peut changer d'itinéraire ou même s'arrêter et descendre de la voiture.» Le psychologue américain n'a pas étudié le train, trop peu utilisé aux États-Unis.

Pourquoi alors les voyageurs des classes supérieures sont-ils moins stressés? «Je ne suis pas sûr que ce soit vrai, dit M. Bicker. Nous n'avons pas pu jusqu'à maintenant étudier les différences de stress entre la classe économique et les classes supérieures. Mais nous avons fait des analyses en fonction du revenu et les passagers plus riches sont souvent plus stressés que les autres et se mettent plus souvent en colère. Ce qui leur est plus néfaste que le stress classique, car une fois en colère, ils perdent le contrôle.

Plus fréquente que la peur de voler

L'anxiété de l'air est deux fois plus fréquente que la peur de voler, 30% au lieu de 15%, selon M. Bicker. La colère de l'air, elle, a une prévalence mitoyenne, 20%. Les hommes sont plus portés à la colère que les femmes. Les personnes âgées sont plus anxieuses que colériques, tout comme les voyageurs assidus qui effectuent plus de huit vols aller-retour par année. «Mais les voyageurs d'affaires, ceux qui volent très souvent, ne sont généralement ni colériques ni anxieux en avion, constate M. Bicker. Je crois qu'ils ont plus de stratégies d'adaptation à leur disposition, comme, par exemple, la possibilité d'obtenir une place sur un autre vol quand ils arrivent en retard à un transit.»

Peut-on compenser le stress en se changeant les idées avec un livre, un film ou en buvant un peu d'alcool? «La plupart des gens pensent que oui, mais c'est une forme d'évitement inefficace qui éloigne temporairement les difficultés du stress, assure M. Bicker. Ce que nous recommandons, c'est de reconnaître qu'on est anxieux, en colère, qu'on ne se sent pas bien. Il faut s'abandonner au moment présent pour l'apprivoiser. On peut y arriver en se concentrant sur sa propre respiration, ou en fixant les avions qui se déplacent sur le tarmac. Ils vont très lentement, c'est hypnotisant.»

Jonathan Bicker a maintenant 5000 participants à son étude sur l'anxiété des airs. Il veut suivre certains d'entre eux sur plusieurs années pour voir comment le phénomène varie en fonction de l'âge et de certains événements, comme le fait d'avoir des enfants ou d'être marié.

Prendre l'avion vous stresse-t-il?

Si vous ressentez un certain inconfort lors d'un voyage en avion, peut-être souffrez-vous de l'anxiété des airs. Pas assez pour vous empêcher de prendre un vol, mais suffisamment pour sentir la moutarde vous monter au nez juste à y penser. Pour savoir où vous vous situez, répondez aux questions suivantes.

Indiquez de 0 (complètement en désaccord) à 5 (complètement d'accord).

1 > Je me sens mal quand il y a trop de gens à l'aéroport.

2 > Je panique quand j'ai peur d'être en retard pour un vol.

3 > Je ressens une tension physique si mon vol est retardé.

4 > Je me sens mal si mon avion reste trop longtemps sur le tarmac en attente du départ ou d'une porte de débarquement libre.

5 > Je n'aime pas que des bébés ou de jeunes enfants soient sur mon vol.

6 > J'en veux à mes voisins s'ils parlent trop fort.

7 > Les passagers qui veulent un traitement spécial m'agacent.

8 > J'ai souvent peur que mes bagages soient perdus, volés ou endommagés.

9 > J'ai envie de dire ma façon de penser aux passagers qui empiètent sur mon espace personnel durant un vol.

10 > J'ai souvent peur que mon vol soit annulé.

11 > J'ai souvent peur que d'autres passagers soient dangereux dans l'avion.

12 > Les passagers qui tentent d'embarquer avant que leur rangée soit appelée m'agacent.

13 > J'ai envie de sermonner les passagers qui apportent beaucoup de bagages de cabine.

14 > J'ai souvent peur de manquer un vol en correspondance.

Comment calculer votre résultat: Additionnez le total des questions 1, 2, 3, 4, 8, 10, 11 et 14; il s'agit de votre résultat d'anxiété des airs. Additionnez le total des questions 5, 6, 7, 9, 12 et 13; il s'agit de votre résultat de colère des airs. Dans les études de Jonathan Bicker, dont les échantillons ne sont pas nécessairement représentatifs de la population, la moyenne des résultats se situe entre 1,89 et 2,46 pour l'anxiété des airs et entre 1,94 et 2,25 pour la colère des airs.

SOURCE: Université de Washington