Partout au Québec et tout au long de l'été, les communautés des Premières Nations tiendront leur pow-wow annuel.

DANSER À WENDAKE

WENDAKE - Lorsque Line Gros-Louis a vu sa petite-fille Cassiopée dans son habit traditionnel, prête à exécuter la danse des clochettes, elle a failli pleurer. «C'est un peu comme de la voir en robe de mariée.»

Il faut dire que Cassiopée Tremblay, 14 ans, a travaillé pendant un an sur son régalia, cet habit d'apparat coloré que porte chaque danseur du pow-wow. Sur sa jupe bleu ciel, elle a cousu quelque 150 clochettes - faites d'autant de couvercles de boîtes de tabac recourbés - qui s'entrechoquent en tintant au moindre mouvement. Toute la famille lui a donné un coup de main. La robe a été cousue par sa mère. La collerette de peau ornée de fleurs appartenait à sa grand-mère et elle portait à son cou un collier de perles fait par sa petite soeur.

Pour la première fois de sa vie, Cassiopée a participé aux compétitions de danses du pow-wow de la nation huronne-wendat de Wendake, qui a eu lieu le week-end dernier dans la communauté située près de Québec.

Véritable compétition

Ce rassemblement annuel attire chaque année de nombreux danseurs et joueurs de tambours des Premières Nations du Québec et du Canada, mais aussi des États-Unis. Cette année, ils étaient 177 inscrits venus de 32 communautés, sans compter les petits de 2 à 5 ans qui ont participé sans pour autant entrer dans la compétition. Car il s'agissait bel et bien d'une compétition. Ce n'est pas le cas de tous les pow-wow, mais celui de Wendake compte parmi les rares pow-wow du Québec où des bourses sont accordées. Ainsi, samedi et dimanche, les danseurs se sont affrontés (amicalement toujours) par groupe d'âge pouvant aller de 6 ans à plus de 60 ans.

Le vendredi a plutôt été consacré à des démonstrations de danses aussi variées que colorées, sans bourses à la clé. Pour le spectateur, toutefois, les bourses et l'identité de ceux qui les remportent importent peu.

L'expérience du pow-wow est ailleurs. Elle est surtout dans les contacts humains qui se tissent rapidement et dans l'hospitalité que ressentent immédiatement ceux venus de l'extérieur.

Aucune question posée dans le respect n'est malvenue. Les danseurs sont fiers de parler de leur régalia ou de leurs traditions, pour plusieurs méconnues. Le voyageur en quête d'authenticité - le mot est à la mode ces temps-ci - sera comblé. Et ce qui est vrai ici l'est fort probablement autant pour tous les pow-wow présentés aux quatre coins de la province pendant l'été.

«On souhaite que tous quittent le pow-wow avec un sentiment de respect et d'affection, après avoir appris à se connaître et à se comprendre», a d'ailleurs lancé le Grand chef Konrad Sioui, dans son allocution d'ouverture. 

Ce sont donc d'abord ces rencontres humaines qui marquent le visiteur, tout comme le spectacle de tous ces danseurs mouvants et émouvants, qui s'exécutent dans un crescendo irrésistible de tambours et de chants. Impossible de ne pas craquer devant Suarez, 7 ans, qui participe à ses premières compétitions avec tout le sérieux que le moment impose. Car pour les membres des Premières Nations, le pow-wow revêt un caractère sacré et spirituel indéniable. La danse n'est autre qu'une forme de prière. Ou de prières au pluriel, dans le cas des danseuses de clochettes. Selon la tradition, elles cousent sur leur régalia chaque jour, un an durant, une clochette chargée d'une intention: 365 clochettes, 365 prières, mais aussi 365 larmes versées pour les guerriers tombés...

Les danseuses du châle, avec leurs tissus frangés qui virevoltent, évoquent quant à elles la légende de la femelle papillon qui a perdu son compagnon, parti au combat. Éplorée, elle fait le tour du monde, roche par roche, pour faire son deuil...

«C'est une danse de deuil que je fais pour honorer nos ancêtres et pour honorer mon frère, parti il y a quelques années au pays des bonnes chasses», explique la danseuse Sarah Cleary, originaire de Mashteuiatsh, sur les rives du lac Saint-Jean.

Le monde entier à Wendake

Les visiteurs du pow-wow de Wendake viennent de partout: du Québec, mais le week-end dernier, ils arrivaient aussi de Suède, du Japon, de France ou d'Iran. Tous sont invités à se joindre aux danses intertribales. Le vendredi, ils ont été des dizaines à répondre à l'invitation de la troupe de danse traditionnelle Sandokwa pour former une grande danse de l'amitié dans le cercle de danse sacré. Parmi eux, Marie-Christine Pinel et Jacques Hillion, venus de Rimouski pour assister à leur premier pow-wow. «C'était très émouvant de participer à cette danse. Il y a quelque chose qui agit quand on est ici», lance Marie Christine Pinel, rencontrée devant la table de dégustation de Rolland Sioui, un des phares du pow-wow de Wendake.

Depuis plus de 20 ans, Rolland Sioui fait découvrir les viandes de gibier aux visiteurs. Ours, orignal, perdrix... il les fait cuire selon la méthode traditionnelle, au bout d'une ficelle, «comme le faisait [sa] grand-mère en 1875».

Cet ex-enseignant au secondaire est un raconteur hors pair, qui peut expliquer comment survivre en forêt - tuer un porc-épic en le frappant sur le nez et manger sa chair exempte de bactéries - ou narrer ces chasses collectives à l'orignal, pour rapporter de la viande aux aînés qui ne peuvent plus chasser. L'an dernier, entre deux histoires, il a servi en petites bouchées plus de 100 lb de viande.

À l'autre bout du terrain, sa fille Isabelle anime un stand où petits et grands peuvent découvrir des jeux traditionnels amérindiens, écouter des légendes ou fabriquer un bâton de parole. Entre le père et la fille se dresse une quarantaine de tentes où on peut découvrir (et se procurer) de l'artisanat des Premières Nations: lithogravure, colliers, jouets, châles, livre de recettes de gibier ou bâtons de crosse traditionnels...

Pour sustenter danseurs et visiteurs, cinq camions de cuisine de rue s'étaient déplacés, dont celui du restaurant Sagamité, qui offrait poutine de pintade, burger de wapiti ou burrito de cerf. À savoir: aucun alcool n'est vendu ou toléré sur les sites des pow-wow.

En trois jours, le pow-wow de Wendake aura attiré plus de 20 000 visiteurs. Dimanche midi, alors que les danseurs faisaient leur entrée sur le cercle sacré, les spectateurs ont pu voir un aigle voler au-dessus du site. Les tambours l'avaient probablement attiré. Un signe de protection (et peut-être aussi de grande réussite) pour toute la communauté de Wendake. La nature a parlé.

Photo Alain Roberge, La Presse

Steeve Gros-Louis, de la troupe de danse traditionnelle Sandokwa

SUR LA ROUTE DES POW-WOW

Jusqu'à la fin du mois de septembre, pas une semaine ne passe sans que quelque part, au Québec, une nation autochtone présente son pow-wow. De l'Abitibi à la Gaspésie en passant par Montréal et la Montérégie, c'est la fête! Il suffit de choisir un évènement à inscrire sur notre route des vacances. En voici cinq hauts en couleur.

Odanak

Du 6 au 8 juillet

Pour la 59e année, le village abénakis d'Odanak, situé à l'est de Sorel-Tracy, présente son pow-wow traditionnel. Ici, point de compétitions avec bourse à la clé, mais des démonstrations de chants et de danses, des mets typiques à déguster, des courses de portage ou de canoë et un feu de joie autour duquel se rassembler au son des tambours. À savoir: l'accès est gratuit, ce qui est rare pour un pow-wow. L'occasion est belle pour visiter du même coup le musée des Abénakis (entrée payante).

powwowodanak.com

Mashteuiatsh

Du 13 au 15 juillet

Membre de la grande famille des Algonquins de l'est du Canada, la communauté Pekuakamiulnuatsh présente depuis 12 ans le Grand Rassemblement des Premières Nations sur les rives du lac Pekuakami (lac Saint-Jean). Cette grande fête d'origine millénaire est rythmée par les battements du teuehikan, le tambour traditionnel. On peut y admirer plusieurs danses traditionnelles ilnu et intertribales, ainsi que des compétitions d'endurance et de canotage. Démonstrations artistiques et cuisson de gibier figurent aussi au programme. Tarif journalier: 15 $ par adulte, 7 $ pour les 6 à 16 ans et les 65 ans et plus, gratuit pour 5 ans et moins.

kuei.ca

Kahnawake

14 et 15 juillet

C'est dans l'île Tekakwitha, à 30 minutes du centre-ville de Montréal, qu'est présenté depuis 28 ans l'un des plus grands pow-wow de la province, tant en matière de participants que d'achalandage. Baptisé Échos d'une nation fière, ce pow-wow attire des centaines de danseurs qui viennent participer aux compétitions dans l'espoir de décrocher une bourse. Des dizaines de stands présentent l'art et le savoir-faire iroquois, en plus d'offrir des plats typiques ou réinventés (un taco amérindien ou un burger de bison, quelqu'un?). À savoir: l'animation est principalement en anglais. Entrée: 8 $ par personne, 4 $ pour les aînés, gratuit pour les 5 ans et moins.

kahnawakepowwow.com

Manawan

Du 3 au 5 août

Cette communauté atikamekw, située près de Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière, présente depuis 13 ans son pow-wow sans compétition formelle, mais où les démonstrations sont colorées. Les visiteurs peuvent y découvrir musique, danse, artisanat, régalia et repas traditionnels. Une particularité: un forfait de deux nuits est offert par Tourisme Manawan pour jumeler l'entrée au pow-wow et un séjour en tipi (avec guide et repas) sur le site Matakan, dans une île au coeur du lac Kempt. Frais d'entrée au pow-wow: 10 $ par adulte.

www.facebook.com/Pow-Wow-Manawan-88193162861

Montréal

Du 8 au 15 août

Non, le festival Présence autochtone, présenté pour cette 28e année dans le Quartier des spectacles, n'est pas un pow-wow à proprement parler. Mais c'est un évènement tout indiqué pour découvrir notamment les danses et les musiques traditionnelles des différentes Premières Nations du Québec et du Canada, voire des Amériques en entier. Plusieurs artistes et artisans amérindiens et inuits s'installent près du grand tipi illuminé pour faire partager leurs savoir-faire. Au programme: cinéma, concerts, création d'oeuvres en direct...

www.presenceautochtone.ca

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Pour le calendrier complet des pow-wow: www.tourismeautochtone.com

Photo André Gill, fournie par Tourisme autochtone

Le pow-wow d'Odanak est l'occasion de découvrir plusieurs traditions abénakises.