Malgré un nouveau record en 2016, Lufthansa a perdu son rang de premier transporteur aérien européen en passagers transportés au profit de Ryanair, la compagnie à bas coût irlandaise, selon des chiffres annoncés mardi par le géant allemand.

Avec 117 millions de voyageurs transportés l'an passé, soit un bond de 15%, Ryanair a pour la première fois de son histoire damé le pion au groupe Lufthansa, maison mère des enseignes Lufthansa, Eurowings, Swiss et Austrian Airlines.

Ce dernier a annoncé mardi une hausse de 1,8% à près de 110 millions de passagers en 2016, un niveau record obtenu en dépit de plusieurs grèves l'an passé, notamment des pilotes de Lufthansa.

Du point de vue du chiffre d'affaires et des bénéfices, le mastodonte allemand reste certes loin devant son concurrent irlandais, mais «ces chiffres montrent que les passagers sont de plus en plus intéressés par l'offre de Ryanair. Cela doit constituer un signal d'alarme pour Lufthansa», indique à l'AFP Cord Schellenberg, expert du secteur aérien basé à Hambourg.

Selon lui, «le modèle des compagnies à bas coût est probablement le bon sur un certain nombre de liaisons en Europe, Lufthansa n'a pas vraiment d'autre choix que de copier ce modèle».

C'est d'ailleurs ce que tente de faire le groupe allemand avec le développement de sa filiale à bas coûts Eurowings, qui assure les liaisons à l'intérieur de l'Allemagne et en Europe, en dehors de celles qui décollent ou atterrissent des aéroports de Munich et Francfort.

200 millions de passagers en 2024

Fragilisée au début des années 2010 par plusieurs avertissements sur résultats, Ryanair a mis sur pied en 2013 un nouveau programme clientèle pour redresser l'image d'une compagnie habituée jusqu'alors à rudoyer ses passagers au prétexte de leur offrir les meilleurs prix.

Ce tournant stratégique, qui consiste à améliorer le service aux passagers en permettant par exemple un deuxième petit bagage gratuit en cabine ou en attribuant gratuitement un numéro de siège, porte ses fruits: la société irlandaise engrange depuis des hausses de bénéfices et de son nombre de passagers.

Et face à la décision des Britanniques de sortir de l'UE, accompagnée d'une dégringolade coûteuse de la livre, le directeur général de la compagnie, Michael O'Leary, fervent opposant au Brexit, a prévenu que Ryanair allait freiner son développement au Royaume-Uni, au profit de la France, l'Italie, la Belgique et de l'Allemagne.

La compagnie a ainsi commencé à desservir ces derniers mois l'aéroport de Toulouse-Blagnac (France) ainsi que le Luxembourg. Elle prévoit en outre l'ouverture en mars d'une base à Francfort, plus grande plateforme aéroportuaire d'Allemagne et hub historique de... Lufthansa.

«Ryanair va continuer à améliorer l'expérience de ses clients, les prix vont continuer à baisser», affirme à l'AFP un porte-parole de la compagnie irlandaise, qui s'est fixée pour objectif de transporter plus de 200 millions de passagers par an d'ici 2024.

Augmentation des capacités

Le nombre de passagers transportés «n'est qu'un chiffre parmi beaucoup d'autres», juge de son côté un porte-parole de Lufthansa, qui affirme que la croissance «modérée» des derniers mois s'explique par une profonde refonte des capacités de transport du groupe et l'abandon d'un certain nombre de liaisons déficitaires.

«Nous voulons croître de manière rentable», assure-t-il.

La bataille avec Ryanair pour le titre de premier transporteur européen n'est pas pour autant terminée.

La compagnie belge Brussels Airlines, rachetée à 100% fin décembre par Lufthansa, doit venir grossir les rangs du groupe allemand d'ici 2018.

En outre, la compagnie à bas coûts Eurowings doit monter en puissance ces prochains mois, notamment grâce à l'arrivée prochaine d'une trentaine d'avions loués à la compagnie aérienne allemande Air Berlin. Ces appareils doivent permettre d'étendre significativement les capacités d'Eurowings.

«Au total, tous ces éléments devraient apporter une contribution de l'ordre 11 à 12 millions au nombre annuel de passagers transportés» par le groupe, selon Lufthansa.

Parmi les autres acteurs du secteur, le groupe IAG, maison mère de plusieurs compagnies dont British Airways, a transporté quelque 100 millions de passagers en 2016, l'alliance Air France-KLM 93,4 millions et la compagnie britannique EasyJet 74,5 millions.