La fièvre Pokémon Go a de quoi donner le tournis. Une semaine seulement après son lancement, le 6 juillet, le jeu a fracassé le record de téléchargements chez Apple. Le 14 juillet seulement, 25 millions de personnes ont joué à Pokémon Go, et ce, uniquement aux États-Unis, selon l'entreprise de sondage en ligne SurveyMonkey. Aujourd'hui, le jeu a été lancé dans plus de 35 pays, dont le Canada, depuis le 17 juillet officiellement.

Ces millions de joueurs représentent une manne de clients potentiels pour l'industrie touristique, estime Frédéric Gonzalo, expert en marketing. «Pokémon Go est une manière intéressante et efficace d'attirer une clientèle qui ne visiterait pas forcément ton établissement. La beauté du jeu est qu'il force les utilisateurs à sortir, à se déplacer pour trouver les Pokémon et les Pokéstops.»

Une fois les joueurs à la porte des commerces ou des musées, il n'en tient qu'aux entreprises touristiques de trouver une façon de transformer ces chasseurs de monstres virtuels en clients bien réels.

«On voit apparaître plusieurs initiatives intéressantes. Par exemple, des restaurants qui donnent des rabais aux membres de l'équipe des Jaunes ou qui offrent des gratuités aux joueurs qui ont atteint un certain niveau dans le jeu», explique Frédéric Gonzalo, expert en marketing.

Ces offres spéciales sont en général annoncées sur les médias sociaux.

Tourisme Laval a décidé de prendre la balle au bond en offrant une activité Pokémon Go, au Centropolis. Pour l'occasion, le kiosque d'information était installé à l'extérieur. De la limonade était servie. Un succès, selon Marie-Josée Bougie, responsable des médias sociaux pour l'organisme. «On a répondu à plus de demandes de renseignements que d'habitude. Les gens nous demandaient où repérer des Pokéstops dans la ville. Il y en a notamment au Centre de la nature, que certains ne connaissaient pas. Forcément, ils ont découvert le Centre en allant y chasser les Pokémon!»

Des Pokémon au musée

Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) est aussi entré dans la ronde, deux jours après l'arrivée officielle de Pokémon Go au Canada. Sur sa page Facebook, l'institution muséale a invité les chasseurs à venir visiter le Jardin de sculptures. Plusieurs Pokéstops s'y trouvent.

L'invitation a soulevé des commentaires négatifs sur Facebook. Est-ce que Pokémon Go a sa place au musée?

«On veut plaire à toutes les générations et, pour nous, c'est une façon d'inciter une clientèle jeune, souvent plus difficile à atteindre, à découvrir le musée», affirme Stéphanie Drolet, responsable de la publicité et des partenariats au MNBAQ.

«Si cette approche permet de mieux faire connaître nos grandes sculptures et incite des jeunes à entrer au musée, on aura réussi.» Même sans invitation, les jeunes sont nombreux à venir chercher les Pokémon sur les terrains du musée, selon Mme Drolet.

Certains musées et parcs vont plus loin en organisant des événements spéciaux destinés aux adeptes de Pokémon Go. À Washington, le National Mall and Memorial Parks a organisé deux chasses guidées aux monstres autour des différents monuments, dont le Lincoln Memorial. Un moyen original pour les gardes-parcs de transmettre de l'information aux participants... et de garder ces derniers loin de lieux moins appropriés au jeu, comme le monument à la mémoire des vétérans du Viêtnam.

Plusieurs entreprises décident d'investir de leurs poches en achetant des leurres virtuels pour attirer les Pokémon (et les clients) chez elles. Une stratégie possible si, et seulement si, les entreprises touristiques ont la chance de posséder un Pokéstop sur leur territoire.

Yelp, qui répertorie des millions de commerces locaux dans plus de 30 pays, a d'ailleurs ajouté la catégorie Pokéstop à son moteur de recherche. Il est donc désormais possible de trouver un restaurant offrant un menu végétarien... et des munitions pour capturer des monstres.

Un avantage qui se monnaiera?

Le concepteur du jeu, la société Niantic, a déterminé l'emplacement des premiers Pokéstops sur la planète Pokémon (et, accessoirement, la nôtre). Des demandes pour faire ajouter un Pokéstop peuvent être faites sur le site internet de l'entreprise, mais pour l'instant, ces demandes à la pièce sont restées lettre morte.

Toutefois, il y a fort à parier que de grandes entreprises (Disney, Coca-Cola, pour ne pas les nommer) profiteront d'une oreille plus attentive auprès du géant Nintendo. Déjà, la chaîne de restauration rapide McDonald's a signé une entente de partenariat avec Niantic pour le Japon: 400 des restaurants au pays sont des arènes, les 2500 autres, des Pokéstops. Les détails de l'entente n'ont pas été dévoilés.

La porte est ainsi ouverte pour d'autres ententes semblables, aux États-Unis, notamment.

«Pourquoi une entreprise ne paierait-elle pas pour obtenir un Pokémon rare ou même exclusif? Je ne serais pas surpris que ça arrive», croit Frédéric Gonzalo.

En attendant, les entreprises bénies par les dieux de Pokémon en profitent. Au pays de Galles, le village de Portmeiron a connu une hausse de 13 % de son nombre de visiteurs depuis la sortie du jeu. La raison: les Pokémon rares y seraient nombreux. En Corée du Sud, la ville côtière de Sokcho voit aussi arriver les chasseurs de monstres par bus entiers. La ville est la seule du pays où il est possible d'attraper des Pokémon, car Séoul contrôle l'accès aux données géographiques essentielles au jeu. Une possible erreur informatique expliquerait la présence des petits monstres à Sokcho, où les réservations d'hôtels auraient quadruplé.