Le plus gros paquebot du monde, l'Harmony of the Seas, fait escale mardi à Marseille, un symbole pour une ville qui ambitionne de tutoyer Rome et Barcelone sur le marché disputé des croisières en Méditerranée.

Le mastodonte flottant, de 362 mètres de long, 66 m de large et 72 m de haut, soit l'équivalent d'un immeuble de 20 étages, a fait son entrée vers 8h30 dans le port de Marseille.

«Marseille est en train de devenir un port d'escale de référence pour nos passagers internationaux qui découvrent la Méditerranée», reconnaît auprès de l'AFP Emmanuel Joly, directeur commercial France et Espagne de la Royal Caribbean, qui exploite le navire.

«Pour Marseille, nous pensons que c'est une excellente nouvelle puisque les escales de l'Harmony ont permettre à nos passagers de découvrir la cité phocéenne et ses alentours, ce qui va se traduire par un apport financier direct», poursuit-il, évoquant aussi un impact «différé», avec des touristes qui reviennent plus tard pour des séjours plus longs. Avec près de 2400 membres d'équipage, le paquebot peut transporter jusqu'à 6400 passagers.

Marseille était pourtant encore absente il y a 15 ans des circuits des croisiéristes. La ville s'est depuis hissée parmi les dix premiers ports de croisière au monde, avec 1,45 million de croisiéristes accueillis en 2015, en hausse de 10,7%.

En Méditerranée, Marseille reste loin de Barcelone (2,5 millions de passagers) et Rome (2,27 millions) et des ports des Baléares (1,99 million). Mais elle a doublé son trafic en cinq ans, une croissance inégalée, selon les chiffres de l'organisation professionnelle des ports de croisière de Méditerranée, Medcruise.

Il y a encore vingt ans, «la gare maritime était une simple tente. Aujourd'hui, il y a deux gares maritimes, financées par les armateurs» entre le Vieux-Port et l'Estaque, raconte Dominique Vlasto, adjointe au maire chargée du tourisme.

Pollution atmosphérique

Dans une ville pauvre, frappée par un chômage important, la mairie voit ce tourisme de masse comme une manne, même si des écologistes, dont récemment l'association Robin des Bois, ont dénoncé la contribution de ces navires à la pollution atmosphérique.

«Les deux tiers des croisiéristes qui font escale restent chez nous, à Marseille. Un tiers va visiter le reste de la métropole» ou au-delà, se félicite Mme Vlasto. En moyenne, chaque croisiériste dépense autour de 68 euros à terre, d'abord en shopping et en souvenirs, ensuite en boissons et visites, détaille-t-elle.

Les croisières sont également devenues cruciales pour le Grand port maritime de Marseille, le premier de France, confronté à la crise industrielle. Contrairement à ses rivaux de Méditerranée, il a encore de la marge pour accueillir les paquebots, loin des terminaux pétroliers, situés à l'Ouest, à Fos-sur-Mer.

«Tout est déjà fait» pour pouvoir accueillir en même temps jusqu'à 8 paquebots, dont les plus gros du monde, souligne Jean-François Suhas, président du Club de la Croisière Marseille Provence, qui réunit les acteurs du secteur. «On a la marge pour 3 à 3,5 millions de passagers» annuels sans autres aménagements majeurs.

La remise en service de la forme 10, la plus grande cale sèche de Méditerranée, vaste comme quatre terrains de football, va aussi permettre d'offrir aux compagnies des services de réparation et d'entretien de navires.

Mais pour Marseille, l'enjeu est d'accueillir non plus de simples escales mais des «têtes des lignes», c'est-à-dire que les croisières commencent ou se terminent à Marseille, analyse Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme. De quoi démultiplier les retombées économiques, notamment en nuits d'hôtels et restaurants.

Pour cela, il faut encore développer les lignes aériennes directes, surtout vers les États-Unis et les noeuds aéroportuaires du Moyen-Orient, juge M. Suhas.

Si le Mucem, la rénovation du Vieux-Port, les excursions vers Cassis, Aix-en-Provence, Arles, et Avignon, sont autant d'arguments en faveur de Marseille, «la question des embouteillages et de la fluidité de l'accès au centre-ville reste un point noir», estime aussi Didier Arino. Et l'image de la ville reste également un point sensible, les croisiéristes étant très sourcilleux sur les questions de sécurité, notent aussi les différents acteurs.