Le réchauffement des relations entre Cuba et les pays occidentaux séduit de plus en plus de touristes français qui souhaitent profiter d'une certaine authenticité, de peur de voir se développer dans quelques années un tourisme de masse qui pourrait défigurer l'île.

Cinq mois après le dégel annoncé entre Washington et La Havane, et deux ans après les prémices d'un réchauffement, les voyagistes français constatent un engouement réel de leur clientèle pour cette destination ensoleillée.

«On avait connu des hauts et des bas, mais là c'est reparti de manière incroyable. Certains tours opérateurs font jusqu'à plus de 40 % de chiffre d'affaires en ce moment», indique René-Marc Chikli, président du Syndicat des voyagistes français (SETO), qui regroupe quelque 70 voyagistes tels TUI France, Fram, Club Méditerranée, Voyageurs du monde ou encore Kuoni France.

«Les Français qui recherchent de l'authenticité et de la découverte culturelle voient dans Cuba une opportunité de voyage», ajoute M. Chikli, même si la clientèle balnéaire est aussi au rendez-vous. Selon lui, l'inquiétude principale des touristes français aujourd'hui est de voir l'île se transformer en nouveau «Miami Beach».

Un constat que partage Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde, qui enregistre depuis six mois un bond de son activité vers Cuba, passant du top 20 au top 5 des pays du groupe, avec une activité multipliée par trois.

«Il y a un vrai effet ''Il faut qu'on y aille avant pour voir ce charme fou qui va disparaître''», explique-t-il. «Toute la problématique est de savoir si l'attractivité de l'île va rester aussi forte dans la mesure où son charme suranné va probablement se dégrader», assure le PDG du groupe, leader des voyages sur mesure et d'aventure.

De l'avis des voyagistes, le potentiel touristique de l'île est cependant très important, tant en termes d'architecture, que d'activités balnéaires ou de culture, et il y a peu de chances que son attractivité baisse du jour au lendemain. Par ailleurs, le dégel des relations fait tomber la peur qui pouvait exister chez certains touristes.

Infrastructures

Chez TUI France (Nouvelles Frontières), les premiers effets de l'ouverture du pays se font déjà sentir sur l'offre de circuits, et le groupe attend beaucoup du développement de l'offre de voyages sur mesure.

Le voyagiste Fram, qui indique avoir été le premier voyagiste français à proposer la destination il y a 25 ans, souligne quant à lui que Cuba a «toujours été une demande très prisée des Français, notamment pour son climat et pour la gentillesse des Cubains».

«Notre position historique nous permet d'être dans le bon peloton pour profiter de cette ouverture», souligne un représentant de la société. Fram envoie 3000 touristes français chaque année à Cuba, ce qui est peu par rapport à ses 400 000 clients annuels mais représente «un bon nombre par rapport à la capacité hôtelière de l'île», indique le groupe.

Car comme le souligne René-Marc Chikli, pour qu'une destination se développe, il faut une «conjonction entre la capacité hôtelière et la capacité aérienne». Ce qui n'est pas encore le cas selon lui pour Cuba, compte tenu notamment du développement encore limité des vols reliant la France à La Havane.

D'ici quelques années, le développement de l'infrastructure hôtelière de l'île et des dessertes aériennes pourrait faire de Cuba un concurrent redoutable pour les Antilles françaises et pour la République dominicaine.

Les investisseurs sont déjà nombreux à se presser sur l'île, comme le note Jean-François Rial. «Aujourd'hui, il y a parfois des problèmes de service et celui qui va à Cuba doit accepter l'à peu près, mais il va y avoir comme en Birmanie un déferlement de styles d'hébergement dans toutes les gammes, je connais déjà des dizaines d'investisseurs qui veulent rénover des hôtels de charme», assure-t-il.