Le British Museum a provoqué vendredi la colère d'Athènes en annonçant avoir procédé au prêt inédit, à un musée russe, d'un des éléments des marbres du Parthénon dont la Grèce revendique la propriété et le retour dans ses collections.

La sculpture du dieu grec de la rivière Ilissos, une figure d'homme couché, a été dévoilée vendredi au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg (nord-ouest de la Russie) où le public pourra la contempler à compter de samedi et jusqu'au 18 janvier.

Alors que Mikhaïl Piotrovski, le directeur de l'Ermitage qui fête son 250e anniversaire, y a vu «un geste émouvant et important» témoignant «du haut niveau de confiance entre les deux musées», Athènes a rapidement réagi en dénonçant une «provocation à l'égard du peuple grec», selon les mots du premier ministre Antonis Samaras.

«Le Parthénon et ses sculptures ont été l'objet d'un pillage (...). Nous les Grecs nous identifions à notre histoire et notre culture. Ces sculptures ne peuvent en aucun cas être séparées, prêtées, données !», s'est-il indigné dans un communiqué. Le ministre de la Culture Kostas Tasoulas a réagi dans des termes analogues.

C'est la première fois qu'un des nombreux éléments de décor du Parthénon, emportés hors de Grèce à partir de 1803 par le diplomate britannique Lord Elgin, quitte les salles du British Museum où ils sont exposés.

«Le devoir des administrateurs est de permettre aux citoyens d'autant de pays que possible de partager leur héritage commun», a déclaré le président des administrateurs du British Museum, Sir Richard Lambert.

Interrogé par la BBC sur l'éventualité d'un prêt du même type à la Grèce, le directeur du British Museum, Neil MacGregor a rappelé que «la volonté des administrateurs avait toujours été de prêter (les éléments) des collections, à condition que la pièce supporte un déplacement, soit exposée dans un endroit sûr et qu'elle sera restituée».

Il a cependant affirmé que «le gouvernement grec avait toujours refusé un tel emprunt». Pour Athènes, un prêt reviendrait à entériner la propriété de Londres sur les marbres du Parthénon.

La Grèce réclame depuis 1983, date d'une campagne lancée par l'actrice, puis ministre de la Culture Mélina Mercouri, le retour des sculptures, qui ont décoré l'Acropole d'Athènes pendant plus de deux millénaires avant l'intervention de Lord Elgin, diplomate britannique auprès de l'Empire ottoman.

Tandis que Lord Elgin affirmait avoir obtenu de l'Empire ottoman, qui gouvernait la Grèce à l'époque, l'autorisation d'emporter les frises, Athènes considère cet enlèvement comme un vol.

Le gouvernement grec s'est adjoint, pour examiner les voies possibles de réclamation, les services de l'avocate britannique Amal Clooney, épouse de l'acteur George Clooney, qui a fait en octobre une visite très médiatique en Grèce.

Le gouvernement grec attend la réponse de Londres à une récente demande de médiation, encouragée par l'UNESCO, qu'il a adressée à la Grande-Bretagne.

Le premier ministre grec et le ministre grec de la Culture voient cependant un point positif dans l'initiative du British Museum : «ce prêt rend caduque une position jusqu'ici intangible côté britannique : que les sculptures ne sauraient jamais sortir de Grande-Bretagne».

Une place a été réservée au dernier niveau du musée de l'Acropole, ouvert en 2007, avec vue panoramique sur le temple antique du Ve siècle av. J.-C., pour le retour des marbres. Le British Museum possède environ 60% des 75 mètres de frise du Parthénon, pièce majeure des marbres du temple.