Le goût du risque du patron de Virgin, Richard Branson, lui a permis de collectionner les succès d'affaires et les exploits technologico-sportifs, mais a aussi engendré de sérieux revers dont l'accident de son vaisseau spatial est le plus retentissant.

«Le risque fait bien sûr partie des vols dans l'espace. (...) Nous comprenons les risques sous-jacents, et nous n'allons pas continuer aveuglément», déclarait lui-même le magnat britannique, au lendemain de l'accident du SpaceShipTwo qui a causé la mort de son pilote et grièvement blessé son copilote en Californie.

Ce risque, ce sexagénaire souvent présenté comme flamboyant l'a tutoyé tout au long de sa carrière d'entrepreneur, de la signature du turbulent groupe punk the Sex Pistols sur son label musical Virgin Records à la fin des années 1970 au lancement de Virgin Atlantic quelques années plus tard.

Longtemps aux abois, cette compagnie aérienne constitue désormais l'un des porte-étendards de la nébuleuse Virgin, un empire créé ex-nihilo sous l'impulsion de Branson. Et qui compte aujourd'hui plus de 400 sociétés employant plus de 50 000 personnes pour un chiffre d'affaires proche de 20 milliards d'euros en 2012, du transport ferroviaire au fitness, en passant par les télécommunications et les médias.

Comme de nombreuses firmes, Virgin Atlantic n'appartient que partiellement (51%) à la maison-mère Virgin Group, souvent désireuse de s'associer à des notabilités des secteurs où elle opère, Delta Air Lines en l'espèce.

Mais au final, Richard Branson, anobli par la reine Elizabeth à la fin du siècle dernier, a amassé une fortune personnelle estimée à près de cinq milliards de dollars par le magazine spécialisé Forbes.

De quoi lui valoir une certaine admiration au sein des milieux d'affaires et au-delà, d'autant que «sir Richard», armé d'une équipe de communicants hors pair, sait opportunément rappeler qu'il est parti de rien après avoir quitté l'école à 17 ans pour fonder un magazine pour étudiant.

Défis en pagaille

«Lancer une nouvelle affaire est toujours une aventure», résumait Branson il y a quelques mois dans une tribune au magazine américain Entrepreneur où il distribue ses conseils.

Mais chez lui, «l'aventure» est parfois à prendre au pied de la lettre, tant il a multiplié les exploits para-sportifs, cultivant au passage son image de tête brûlée, définitivement à part dans l'establishment.

Il a ainsi été le premier, avec l'aérostier suédois Pers Lindstrand, à traverser l'océan Atlantique en ballon en 1987, puis l'océan Pacifique quatre ans plus tard.

Le «milliardaire volant» comme l'a longtemps surnommé la presse britannique, a failli y laisser sa peau, comme en 1996 lorsqu'il tente de réaliser le tour du monde en ballon sans escale et qu'il s'écrase en Algérie.

Mais en 2004, il établit un nouveau record pour la traversée de la Manche à bord d'une voiture amphibie, puis fait plusieurs tentatives de tour du monde en montgolfière avec son ami Steve Fossett, mort depuis dans un accident d'avion, et monte une expédition vers des fosses sous-marines inexplorées.

Dans ce contexte, l'annonce il y a dix ans de son projet de compagnie de vol spatial commercial et ses promesses d'en être passager n'étonnent qu'à moitié... mais le défi technologique semble, cette fois en tous cas, avoir été trop élevé.

«L'envolée de Branson pour l'espace devait être le dernier acte de bravoure du Superman de Virgin, confirmant le génie de la marque Virgin et polissant le mythe du superhéros», vient d'écrire Tom Bower, biographe critique de Branson dans le Daily Mail. En lieu et place de gloire mondiale, Branson se bat désormais pour la survie. Non seulement la marque Virgin est menacée, mais sa réputation personnelle aussi».

L'échec, le créateur touche-à-tout l'a déjà connu, de la déconfiture de sa marque de boisson gazeuse Virgin Cola aux fermetures en série de ses grands magasins de livres et disques Virgin Megastore.

Il est aussi coutumier des critiques comme celles qui avaient accompagné son exil à Necker (une des îles vierges britanniques) où il organise des fêtes pour la jet-set.

Branson devra cette fois démentir ceux qui l'accusent d'avoir poussé d'autres à prendre des risques inconsidérés, et répondre à l'enquête officielle du Bureau national américain de la sécurité dans les transports (NTSB).