Les pilotes d'Air France, en grève depuis huit jours, ont rejeté lundi une «ultime» proposition de la direction de la compagnie de suspendre temporairement le projet de développement en Europe de sa filiale low cost Transavia, à l'origine du conflit.

Plus de la moitié des avions de la compagnie sont cloués au sol dans le cadre de cette grève, la plus longue menée par des pilotes depuis 1998.

Pour tenter de trouver une issue à la crise, le PDG du groupe franco-néerlandais AF-KLM, Alexandre de Juniac, avait fait aux syndicats une «ultime proposition»: «suspendre jusqu'à la fin de l'année le projet de création de filiales de Transavia en Europe, hors France et Pays-Bas». D'ici là, il y aura «un dialogue approfondi» pour «construire avec les syndicats les garanties nécessaires», avait promis M. de Juniac.

Dénonçant une «ultime provocation», le premier syndicat de pilotes d'Air France, le SNPL AF Alpa, a qualifié cette annonce d'«écran de fumée» qui «ne résout aucun problème».

Les pilotes ont été ulcérés par la mise en garde de M. de Juniac, qui a prévenu qu'en cas de refus, il serait «contraint de dénoncer l'accord de création de Transavia France», qui limite la flotte de la low cost et encadre le détachement des pilotes volontaires d'Air France (avec l'octroi de primes).

Comparant M. de Juniac à un «pompier pyromane», le syndicat, qui avait reconduit ce week-end son mouvement jusqu'au vendredi 26, appelle les pilotes à rester mobilisés et à se rassembler mardi en uniforme à proximité de l'Assemblée nationale à Paris.

Nouvel appel de Manuel Valls

Air France avait prévu d'assurer lundi 42% de ses vols en moyenne, avec un taux de grévistes de 65%, quasi inchangé depuis le début du conflit. Les vols long-courriers à Roissy étaient plus durement affectés, avec seulement un tiers des vols d'assurés.

Pour mardi, la compagnie escompte une légère amélioration, avec 48% des vols assurés et un taux de grévistes de 57%.

Perçu par les pilotes comme la porte ouverte à une «délocalisation» de l'emploi français, le déploiement en Europe de Transavia, créée en France en 2007, vise à répondre à la concurrence des compagnies à bas coûts.

Le groupe AF-KLM veut faire passer la flotte de Transavia France de 14 à 37 avions et souhaitait ouvrir de nouvelles bases Transavia en Europe dès 2015, avec des pilotes sous contrats locaux.

Pour Transavia France, les pilotes posent comme condition la mise en place d'un contrat unique pour les pilotes aux commandes des gros avions, quelle que soit la marque du groupe (Air France, Transavia ou Hop!). Mais la direction martèle que faire bénéficier les pilotes Transavia «des conditions d'Air France» conduirait la low cost «à l'échec».

Le gouvernement a multiplié ces derniers jours ses appels à la fin du conflit. «J'en appelle à la responsabilité de chacun, et notamment des pilotes», a déclaré lundi Manuel Valls lors d'un déplacement en Allemagne. «Il faut que cette grève s'arrête le plus vite possible», a-t-il plaidé, soulignant les risques que le mouvement faisait peser sur les comptes de la compagnie.

L'État français est actionnaire d'Air France-KLM à hauteur de près de 16%.

Selon la direction du groupe, chaque jour de grève provoque «des pertes d'exploitation pouvant aller jusqu'à 20 millions d'euros par jour».

AF-KLM, dont les coûts d'exploitation restent élevés malgré des économies drastiques depuis 2012, a fait de Transavia la pierre angulaire de son nouveau plan stratégique «Perform 2020», qui prévoit de refondre les réseaux court et moyen-courrier.

Ce plan succède à «Transform 2015», qui a permis à AF-KLM d'abaisser ses coûts d'un milliard d'euros au prix de 8.000 suppressions d'emplois au sein du seul groupe français.