Peut-on faire un safari en Afrique en restant écolo ou acheter des souvenirs au Pérou sans exploiter les artisans? Ces enjeux étaient au centre d'un colloque consacré cette semaine à Paris au tourisme responsable.

«Lors d'un voyage, un certain pourcentage des recettes ne parvient pas aux autochtones. Je dirais que seules 15-20% des dépenses (des touristes) leur reviennent», explique Philippe Callot, enseignant-chercheur en marketing et tourisme, en marge de ce colloque organisé par la Coalition Internationale pour un Tourisme Responsable.

Le commerce équitable avec les habitants locaux est l'une des préoccupations du tourisme responsable, au même titre qu'un meilleur respect des cultures locales et de l'environnement (ressources naturelles...). Ce tourisme est donc l'art de voyager en accord avec les principes du développement durable prônés par les Nations unies.

Pourquoi s'en soucier? D'abord parce que, si le tourisme est une des premières industries de la planète (12% du PIB mondial) et croît rapidement, le secteur n'en est pas moins responsable de 4,6% des émissions globales de gaz à effet de serre, selon les chiffres des Nations unies.

Si l'on y réfléchit bien, «prendre l'avion (très polluant) pour aller faire de l'écotourisme au Costa Rica, c'est complètement idiot», relève M. Callot.

La définition du tourisme «responsable» est cependant à géométrie variable. Pour certains, il englobe le tourisme «humanitaire» et son corollaire, l'action bénévole. Cela peut consister, par exemple, à partir avec une ONG au Népal pour aider à construire des infrastructures, auquel cas les coûts de financement du projet s'ajoutent aux dépenses pour se nourrir et se loger.

D'autres, au contraire, en ont une conception plus restrictive: «Il faut distinguer entre le tourisme responsable, qui consiste à avoir une attitude responsable lors de voyages classiques, et les voyages humanitaires ou qui génèrent des revenus pour une ONG», explique le PDG du groupe Voyageurs du Monde, Jean-François Rial, porte-voix d'un tourisme soucieux des populations locales.

Dilemmes

A priori, le tourisme responsable, c'est plutôt «le voyage sur mesure, individuel», où l'on part «tout seul ou à deux, à trois... mais pas en bus de vingt ou cinquante personnes», explique Eric La Bonnardière, cofondateur d'Evaneos.com, qui fait l'interface entre voyageurs et agences locales.

Dans ces cas-là, «le voyageur a un impact (négatif) sur l'environnement ou sur les populations qui reste assez faible», souligne-t-il.

Bien qu'Evaneos.com revendique des tarifs «abordables», les voyages «responsables» ont un coût supérieur à une semaine en séjour tout-inclus dans un hôtel-club de Majorque...

Le tourisme responsable n'est-il alors qu'un phénomène de mode destiné à donner bonne conscience aux voyageurs occidentaux aisés?

«Il peut être perçu comme un voeu pieux, mais nous lui donnons un contenu assez précis par notre adhésion au label ATR (Agir pour un Tourisme Responsable)», explique le patron de Voyageurs du Monde.

Lancé en 2008, ce label est reconnu par l'État et encadré par le Code de la Consommation. «Il impose, par exemple, que lors des treks au Népal, le portage des sherpas népalais soit limité en kilos et convenu avec eux», illustre Jean-François Rial.

Le tourisme responsable reste néanmoins encore embryonnaire: «Pour l'instant, c'est assez marginal, même si de plus en plus de voyagistes dits ''de masse'' s'y intéressent», concède M. Rial.

Et si «la prise de conscience a augmenté» ces dernières années, «la sensibilité du client reste quand même assez faible face à de tels sujets», reconnaît-il.

«La crise économique que traverse le secteur du tourisme n'a pas facilité l'expansion» du voyage responsable, «ça intéresse le client... si ça reste pas très cher», résume le PDG de Voyageurs du Monde.