Alors que plusieurs voyagistes américains décident de bouder la Russie comme destination voyage, les acteurs de l'industrie touristique québécoise sont plus nuancés.

Tout en dénonçant la politique anti-gai du gouvernement de Vladimir Poutine, ils estiment que la population russe ne doit pas payer le prix pour les décisions des dirigeants politiques.

«Dans la plupart des pays, il y a des politiques qui déplaisent. Soit on n'y va pas, soit on y va pour voir ce qui se passe réellement. Et habituellement on réalise que les gens sont accueillants. Ce sont bien souvent les dirigeants qui posent problème, mais les citoyens de ces pays sont foncièrement bons», croit Jacques Rodier, président de Traditours, qui organise depuis plusieurs années des voyages en Russie pour nombre de Québécois.

Il ne faut pas que la Russie se referme sur elle-même, insiste-t-il, tout en balayant du revers de la main l'idée du boycott comme piste de solution. «Lorsqu'on voyage, on peut avoir la chance de discuter avec les citoyens russes et leur dire que chez nous les gens vivent librement. Ensuite, ça peut changer les choses», souligne M.Rodier.

Boycotter la Russie comme destination voyage pourrait même se retourner contre le Canada, affirme Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.

Il souligne que les Russes sont devenus des voyageurs internationaux importants, qui dépensent beaucoup, notamment au Canada. Il croit que le Canada pourrait subir les contrecoups d'un boycott.

Les boycotts touristiques n'ont de toute façon pas d'effet, tranche-t-il. «Ça n'a jamais fonctionné. C'est symbolique, mais je suis sceptique du réel impact que ça peut avoir. Certains disent qu'il faut aussi bouder Cuba et ne pas encourager une dictature communiste. Mais habituellement dans un embargo, c'est la population qui souffre et rarement les dirigeants du pays», souligne l'expert en tourisme.

Aux membres de la communauté gaie qui viennent à l'une de ses huit agences de voyages, Jean Collette leur suggère néanmoins d'éviter la Russie.

«À partir du moment où il y a un risque de se faire mettre à l'amende ou même d'aller en prison en se tenant simplement la main, il vaut mieux éviter cette destination. Si la Russie n'a pas compris qu'on est en 2013, il vaut mieux aller ailleurs», indique celui qui porte également le chapeau de président de l'Association des agents de voyages du Québec.

Il ne croit cependant pas que tous les touristes doivent boycotter cette destination. «Pourquoi pénaliser le bon jack russe sympathique et pas du tout homophobe? Ce n'est pas blanc ou noir dans la vie, il y a beaucoup de gens progressistes en Russie», insiste celui qui représente 834 détenteurs de permis d'agents de voyage dans la province.

Les intervenants consultés estiment que le nombre de Canadiens qui visitent la Russie est relativement faible en comparaison à d'autres destinations. Selon la Chaire de tourisme Transat de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, 70% des déplacements des touristes canadiens se font soit aux États-Unis, au Mexique, dans les Caraïbes ou en Europe continentale.

Les 30% restants s'effectuent en Asie et en Amérique du Sud, la Russie ne figurant pas parmi les destinations touristiques les plus prisées des Canadiens.

- par Étienne Fortin-Gauthier, La Presse Canadienne