L'un des plus prestigieux hôtels particuliers de Paris et propriété du Qatar, l'hôtel Lambert, a été ravagé mercredi par un incendie qui a causé des dégâts «irréversibles» à ce joyau architectural du XVIIe siècle.

Oeuvre de jeunesse de l'architecte Louis Le Vau, l'hôtel Lambert est situé à la proue de l'île Saint-Louis, l'un des quartiers les plus anciens et les plus chics de la capitale française.

L'incendie, qui s'est déclaré en pleine nuit et dont ignore encore les causes, a été maîtrisé par les pompiers après six heures de lutte.

«Le feu s'est propagé assez vite puisque le bâtiment est vide et en pleine rénovation», a expliqué à l'AFP le lieutenant-colonel des pompiers, Pascal Le Testu.

«Au final, la toiture est entièrement ravagée, la structure est fragilisée puisqu'un escalier et un fronton sur la partie centrale se sont en partie effondrés», a-t-il ajouté.

Quant à la célèbre galerie d'Hercule, peinte par Charles Le Brun, l'un des auteurs de la galerie des Glaces du château de Versailles, «elle n'a pas été touchée par les flammes, mais a été a priori sérieusement endommagée par les fumées et par l'eau», a précisé M. Le Testu.

L'incendie «a porté des atteintes très graves à un élément essentiel du patrimoine de Paris, dont certaines sont irréversibles», a déploré la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, après avoir visité le bâtiment.

Au nombre de ces dégâts, la ministre a cité le Cabinet des Bains, peint par Eustache Le Sueur au XVIIe siècle, «car le toit s'est effondré et (il) a été entièrement détruit».

La ministre n'a pas pu chiffrer les dégâts, estimant seulement qu'un montant «au moins équivalent à celui du chantier de restauration en cours» serait nécessaire. Ce chantier de rénovation a été chiffré à 47 millions d'euros, selon Mme Filippetti.

Selon la ministre, le propriétaire, la famille de l'émir du Qatar, a d'ores et déjà assuré au gouvernement français et à la Ville de Paris qu'elle mettrait «tout en oeuvre pour restaurer ce magnifique élément du patrimoine».

Datant du XVIIe siècle et classé monument historique, cet hôtel avait été racheté par le frère de l'émir du Qatar en juillet 2007 pour 60 millions d'euros. Les Qataris voulaient en faire une résidence de grand luxe avec un ascenseur à voitures, ce qui avait déclenché une polémique et une bataille judiciaire.

Rénovation compromise

Après près de trois années de bataille, le projet avait été amendé et finalement validé par un accord préparé sous la médiation du ministère de la Culture et de la mairie de Paris.

«C'est vraiment une catastrophe, car nous nous sommes battus pour que les fresques de la galerie Hercule soient conservées dans le projet de rénovation et là tout est parti en fumée ou bien noyé sous les eaux», s'est désolée auprès de l'AFP Sophie Pons, sur le trottoir une bonne partie de la nuit comme plusieurs autres voisins.

L'achat de cet hôtel s'inscrivait dans la politique d'investissements des Qataris en France.

Immobilier de prestige, fleurons de l'industrie ou encore escapades dans le monde du sport, les investisseurs du Qatar ont multiplié ces dernières années leurs emplettes sur le territoire français, avec un goût prononcé pour des joyaux nationaux.

Le tableau de chasse est déjà impressionnant : des grands magasins Printemps, des participations dans les groupes Total, Vivendi, Lagardère, Vinci, Veolia Environnement et LVMH.

Des capitaux qataris ont également mis la main sur le club de football emblématique du PSG (Paris Saint-Germain) et sur le Paris Handball, ainsi que sur une partie des droits de la Ligue 1 de football jusqu'en 2016 pour les dernières nées (beIn Sport 1 et 2) du groupe de télévision Al-Jazeera.

Selon le ministère français des Affaires étrangères, le Qatar a investi au moins 15 milliards de dollars (plus de 11 milliards d'euros) en France en cinq ans.

En 2010, le Qatar est devenu le pays le plus riche au monde en termes de PIB par habitant, grâce à de phénoménales réserves de gaz et de pétrole.