S'envoler pour le Sud plusieurs fois par semaine, dormir à Paris, faire ses courses à Rome... La vie d'agent de bord fait encore rêver. Mais qui a vraiment envie de passer 12 heures par jour dans un avion, de manipuler des chariots lourds, de répondre aux besoins et aux frustrations de centaines de passagers pas toujours polis? Notre journaliste Marie-Eve Morasse s'est envolée avec l'équipage du vol TS-474 à destination de Punta Cana plus tôt cet hiver, histoire d'en savoir plus sur la vie en altitude.

Patience, patience

«Heille, Martine, c'est où les toilettes?» Le vacancier vient à peine de s'enquérir du nom de l'agente de bord que, déjà, il lui parle comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Inébranlable, Martine Plante lui indique poliment le chemin. «Il ne faut pas qu'on s'offusque chaque fois que quelqu'un nous parle comme ça, sinon on finirait la journée enragée», souligne Mme Plante, qui est dans le métier depuis 23 ans.

Parfois, certains passagers laissent leur savoir-vivre à la porte d'embarquement. «Il n'y a sans doute aucun autre métier où on se fait accrocher les fesses quand les gens veulent nous parler. C'est peut-être parce que nous sommes plus hauts par rapport aux passagers. Mais c'est pareil au restaurant et, personnellement, quand je veux parler au serveur, je ne lui donne pas une tape sur le derrière», affirme avec humour Louis Philippe Couto, agent de bord depuis 13 ans.

Son conseil à ceux qui prennent l'avion: «La politesse peut vous mener loin.» Un remerciement et voilà votre coupe de vin un peu plus remplie!

Une agente de bord d'Air Canada estime quant à elle que la plupart des passagers se comportent bien. «En avion, les gens se comportent parfois un peu comme des enfants. Un passager peut se plaindre parce que la femme d'en avant ne veut pas remonter son siège, ou une personne va faire une crise parce qu'il n'y a plus de Coke Zéro. Les gens sont un peu comme dans une cage ensemble. Durant les vols plus longs, comme les vols transatlantiques, les gens sont fatigués...»

Les agents de bord ont plus d'un truc pour ménager la susceptibilité des voyageurs. À bord du vol d'Air Transat au retour de Punta Cana, une passagère assise à l'arrière de l'appareil n'a guère le choix du repas. «Madame, j'ai le plaisir de vous annoncer que, ce soir, ce sont des pâtes primavera qui sont au menu», lui annonce avec humour l'agente de bord, avant de lui offrir un sucre à la crème supplémentaire «pour compenser».

Dans la rangée d'à côté, un couple âgé avale de travers la pénurie de poulet à 35 000 pieds. «Bon, c'est ça, on est servis en dernier parce qu'on est en arrière et il ne reste plus rien», dit la dame en maugréant, qui revient pourtant d'un tout-inclus, où la nourriture ne manque guère. Même la bouteille de vin rouge offerte à titre gracieux par l'agente de bord peine à la satisfaire. «Je ne bois pas de vin», lance-t-elle en boudant, avant de la refiler à son mari. L'agente de bord esquisse un sourire entendu en ma direction. Contrairement aux repas de poulet, la patience des agents ne doit jamais manquer.

Jamais sans mon lunch

« Quand tu commences dans le métier, tes collègues te disent de ne pas toucher à ça, parce que la moitié, c'est du sel et du gras! » Les passagers ont beau manger avec résignation la nourriture qu'on leur sert en vol, la plupart des agents de bord, eux, ne s'y contraignent pas. « C'est un peu comme si c'était radioactif, dit en riant une agente de bord qui préfère garder l'anonymat... Tu manges ça en dernier recours, et encore. J'aimerais mieux mourir de faim! »

La plupart des compagnies aériennes fournissent des repas aux équipages, mais bien peu d'agents de bord y goûtent. Bagels, sandwichs, légumes frais et saumon garnissaient les boîtes à lunch des agents de bord lors du vol que nous avons fait en leur compagnie. « On apporte toujours notre lunch. On n'a pas le goût de toujours manger la même chose », affirme Annie Caron. « De toute manière, on ne passerait plus dans les allées si on mangeait toujours les repas fournis », ajoute à la blague une de ses collègues.

Pour l'horaire et les découvertes

La plupart des agents de bord, surtout ceux qui ont le plus d'ancienneté, vous le diront : ils n'échangeraient leurs horaires de travail avec personne. « Les gens nous disent : "Tu es au chômage, toi, tu es toujours à la maison" », raconte Julio Meneses, chef de cabine à Air Transat. Les agents de bord travaillent souvent de longues heures d'affilée, mais leurs périodes de repos se comptent souvent en jours. « On travaille moins que quelqu'un qui fait du 9 à 5, poursuit Julio Meneses. Mais c'est certain que, lorsqu'on part, ça fait un vide à la maison. »

Un vide pour ceux qui restent, mais une pause du quotidien parfois bienvenue pour ces travailleurs. « Quand, à la maison, on a notre claque, on dit : "Bon, maman va aller faire un petit séjour de 24 heures à Paris, boire son verre de vin" », dit en riant Martine Plante, mère d'une jeune fille.

Mère de deux enfants, Annie Caron se réjouissait au début du mois de décembre d'avoir deux jours à passer à Paris à l'approche des Fêtes, histoire de faire quelques emplettes. « Je vais souper, je fais un tour au marché du Trocadéro. Je me couche et je reviens le lendemain à la maison », dit-elle.

Toutes deux reconnaissent que dans le métier, l'ancienneté facilite la vie familiale. « Si on travaille sur appel, on doit avoir une famille pour nous aider ou une nounou qu'on peut appeler à la dernière minute. Je me revois il y a 23 ans, je prenais les vols dont les mamans ne voulaient pas », dit Martine Plante.

Travailler à bord des avions est un véritable mode de vie, soulignent plusieurs agents de bord. « C'est souvent un rêve d'enfant. Quand j'étais jeune, je voyais ça glamour, les uniformes, l'équipage, et je me disais qu'un jour, je ferais ça », dit Chantal Dagenais, agente depuis 25 ans.

En attendant que l'avion décolle de Punta Cana, ses collègues et elle font la liste des avantages de leur métier. Rapporter du parmesan de Rome, des crèmes de Paris et de bonnes bouteilles de vin italien ou français!