Symbole des liens séculaires de la Russie et de la Côte d'Azur, la cathédrale orthodoxe russe de Nice, toujours enjeu d'une bataille juridique entre l'association cultuelle qui la gérait et Moscou, fête cette semaine son centenaire, avant d'entamer une cure de jouvence.

Inaugurée le 17 décembre 1912 après dix années de construction sous l'impulsion de l'impératrice Maria Fédorovna et de son fils Nicolas II, Saint-Nicolas est aujourd'hui l'un des édifices touristiques les plus visités de Nice.

Coiffée de ses cinq bulbes aux tuiles vernissées caractéristiques et ornée de majoliques bleu vert rehaussant la pierre blanche et la brique des murs, elle est considérée comme l'un des plus beaux monuments russes hors de Russie. Renfermant également une impressionnante iconostase en bois recouvert de bronze et de cuivre ciselé, doré à la feuille, et quelque 300 icônes, Saint-Nicolas peut accueillir jusqu'à un millier de fidèles.

Cet édifice, classé monument historique en 1987, «représente tout à fait le style +vieux russe+, typique du centre de la Russie», la richesse des décors contrastant avec la rigueur formelle du plan, note le recteur de la cathédrale, l'archiprêtre Nicolas Ozoline.

Elle fut construite à l'endroit même où, en 1865, mourut le tsarévitch Nicolas, oncle de Nicolas II, venu à Nice pour fêter ses fiançailles et y soigner une santé défaillante. Un buste en bronze du tsarévitch sera inauguré mercredi dans le parc entourant la cathédrale, après l'office pontifical célébrant le centenaire de l'édifice.

L'ambassadeur de Russie en France, Alexandre Orlov, et le chef de l'intendance du Kremlin, Vladimir Kojine, figureront parmi les invités de marque. Ce dernier devrait confirmer le démarrage de travaux intérieurs et extérieurs de grande ampleur «au cours du premier trimestre 2013», selon Pierre de Fermor, qui préside l'association des Amis de la cathédrale russe de Nice.

«La cathédrale est le symbole de l'amitié entre la France et la Russie, notre patrie de coeur. Ce centenaire, c'est donc quelque chose de magnifique», s'enthousiasme ce cousin du prince Nicolas de Russie, actuel doyen de la Maison impériale de Russie, dont les membres fréquentent assidûment la Côte d'Azur depuis le XIXe siècle.

Aujourd'hui, selon M. de Fermor, près d'un quart des 70 000 Russes vivant en France ont élu domicile sur la Côte d'Azur.

Ce proche des Romanov espère que la cathédrale va rester entre les mains de la Fédération de Russie car, selon lui, celle-ci «va pouvoir financer un entretien parfait et en profondeur» des lieux.

Mais la bataille juridique qui oppose depuis plusieurs années l'Acor, l'association cultuelle qui a géré les lieux pendant près de 90 ans jusqu'en 2011, à Moscou, devenu propriétaire, n'est pas terminée. La Cour de Cassation doit en effet se réunir le 15 janvier 2013 avant de statuer.

En novembre 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait obligé l'association qui souhaitait continuer à occuper les lieux à remettre les clefs à la Russie, devenue officiellement propriétaire au terme d'un bail emphytéotique de 99 ans. L'ancien recteur de la cathédrale, Jean Gueit, avait affirmé qu'il ne rendrait les clefs qu'à l'archevêque Gabriel (basé à Paris), qui relève du patriarcat oecuménique de Constantinople. Mais il avait dû se plier à la décision de justice finale.

La cathédrale est désormais rattachée au diocèse orthodoxe russe de Chersonèse du Patriarcat de Moscou et de toute la Russie.

Me Antoine Chatain, qui défend les intérêts de l'Acor, se veut résolument «optimiste» quant à l'issue de la cassation, invoquant une convention passée entre la France et la Russie qui interdit toute revendication d'un des deux États sur un bien appartenant à une personne privée de l'autre État et dont la possession est antérieure à 1948. «Or, avant 1948, le propriétaire de la cathédrale était bien l'Acor: c'est elle qui était inscrite au cadastre, c'est encore elle qui payait les taxes et qui a été reconnue en 1987 comme propriétaire par le ministère de la Culture», souligne-t-il.