Les longues files de passagers sont monnaie courante à la douane de Montréal-Trudeau. L'aéroport, qui se classe bon dernier au pays depuis trois ans en ce qui concerne les passagers qui ont attendu plus de 20 minutes avant de voir un douanier, souhaite perdre son titre peu enviable en se dotant de bornes libre-service. Ces nouvelles machines ne font toutefois pas l'unanimité. Quand rapidité ne rime pas toujours avec sécurité...

Les voyageurs qui ont atterri à Montréal-Trudeau au cours des deux dernières années ont dû faire preuve de plus de patience à la douane que ceux qui ont débarqué dans les autres aéroports du pays. Pour réduire ce temps d'attente, Aéroports de Montréal installera au début de l'été des bornes permettant aux usagers d'effectuer un passage automatisé. L'efficacité de cette technologie est toutefois remise en question par le Syndicat des douanes et de l'immigration qui, en plus de douter de la capacité de ces guichets libre-service à réduire l'engorgement, y voit une menace pour la sécurité nationale.

Selon les données compilées par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), plus de 525 000 passagers qui sont entrés au pays par Montréal-Trudeau ont attendu plus de 20 minutes avant de pouvoir passer devant un douanier en 2010-2011. Un nombre beaucoup plus important qu'à l'aéroport Pearson de Toronto, où quelque 185 000 passagers ont attendu plus de 20 minutes. Pourtant, l'aéroport de Toronto accueille beaucoup plus de passagers que celui de Montréal (10 007 362 passagers à Pearson contre 4 342 453 à Trudeau).

«Ce n'est pas nous qui calculons les temps d'attente, mais on est conscients qu'il y a une problématique», mentionne Christiane Beaulieu, vice-présidente aux affaires publiques pour Aéroports de Montréal (ADM). Elle ajoute du même souffle que Montréal-Trudeau pourrait doubler son nombre de guérites, de 26 à 52. Mais l'ASFC ne compte pas assez de douaniers à Montréal pour les occuper. Voilà pourquoi ADM a décidé de se procurer des stations libre-service, testées dans le cadre d'un projet-pilote à l'aéroport de Vancouver depuis décembre 2009.

Ces nouveaux guichets ne parviendront toutefois pas à faire perdre à Montréal-Trudeau son titre peu enviable de bon dernier, estime le Syndicat des douanes et de l'immigration. Il y a environ un mois, le président du syndicat Jean-Pierre Fortin a visité l'aéroport de Vancouver pour observer les voyageurs en attente de passer à la douane. Résultat: l'attente était beaucoup plus longue du côté des bornes qu'aux guérites, a-t-il noté. «Avec ces machines, ce n'est pas plus efficace, mais c'est beaucoup plus compliqué et c'est plus long.» Selon lui, pour les gens qui voyagent rarement, ces bornes peuvent certainement devenir un vrai casse-tête.

De plus, M. Fortin craint que ces stations libre-service permettent à des passagers fautifs de passer entre les mailles du filet. C'est que les voyageurs n'ont qu'à insérer dans la borne leur passeport, leur carte de déclaration dûment remplie et les reçus d'achats faits à l'extérieur du pays. Puis, ils doivent répondre à quelques questions et se présenter ensuite devant un agent des services frontaliers qui vérifiera leurs documents. «Il n'y a rien qui remplace le flair d'un agent, affirme le président du Syndicat des douanes, qui ajoute que la borne ne pourra pas détecter la nervosité ou le regard fuyant d'un voyageur qui a quelque chose à cacher. On est prêts à collaborer pour tenter de diminuer le temps d'attente, mais pas sur le dos de la sécurité nationale.» Et l'intention du gouvernement Harper de supprimer plus de 1000 postes à l'ASFC risque d'empirer la situation, dit-il.

«Le projet ne compromet ni la sécurité nationale du Canada ni celle du public, assure pour sa part Luc Nadon, porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il simplifie une partie du passage à la frontière en permettant aux passagers admissibles de s'acquitter des formalités technologiques et administratives en utilisant le guichet. Dans tous les cas, les agents de l'ASFC continueront de vérifier l'identité des voyageurs admissibles qui choisissent d'utiliser le guichet», tient-il à ajouter.

Vancouver plus efficace?

Par ailleurs, si le président du Syndicat des douanes se questionne sur la réelle efficacité des bornes installées à Vancouver, l'Agence assure pour sa part qu'elles ont contribué à désengorger les files à la guérite de façon significative. «Avant le lancement du projet Passage automatisé à la frontière, les temps d'attente aux lignes d'inspection primaire étaient de 20 à 51 minutes en moyenne, Luc Nadon. Avec le Passage automatisé à la frontière, les temps d'attente dépassent rarement 20 minutes.»

Nombre de passagers qui ont attendu plus de 20 minutes à la douane des grands aéroports canadiens en 2010-2011

[Villes | Voyageurs affectés | Voyageurs au total]

1. Halifax | 1241 | 374 197

2. Winnipeg | 2523 | 327 704

3. Edmonton | 30 465 | 728 395

4. Calgary | 55 364 | 1 965 021

5. Ottawa | 89 449 | 639 481

6. Vancouver | 154 549 | 4 239 577

7. Toronto | 184 181 | 10 007 362

8. Montréal | 525 703 | 4 342 453

Source : Agence des services frontaliers du Canada