Le profil type du touriste se rendant en Asie a été longtemps celui d'un jeune routard ayant bien besoin d'une douche, mais voici qu'émerge une nouvelle catégorie: les personnes âgées ayant de l'argent et du temps à dépenser. La Chine, l'Inde et d'autres pays d'Asie développent de plus en plus un tourisme dédié aux seniors du papy-boom qui ne veulent plus voyager en autobus climatisé, mais vivre une aventure que n'osent pas certains touristes de 20 ans.

Qu'il s'agisse d'explorer des villages reculés en Inde ou de partir à la découverte de temples en Thaïlande, ces voyageurs aux cheveux gris font aujourd'hui preuve de résistance et d'autonomie. «J'ai créé mon entreprise pour cibler de jeunes professionnels voulant passer des vacances intrépides à l'étranger, mais j'ai réalisé que je recevais beaucoup d'appels de leurs parents», témoigne Tom Barber, propriétaire de l'agence Original Travel, basée à Londres. «On les appelle en plaisantant les «SKIERS» pour «Spending the Kids Inheritance» (ceux qui dépensent l'héritage des enfants, ndlr), s'amuse-t-il.

Ces nouveaux retraités disposent souvent d'un pouvoir d'achat bien supérieur aux familles plus jeunes, qui ont en outre des enfants à élever et doivent s'installer dans la vie. Selon M. Barber, la nouveauté de cette catégorie de voyageurs réside dans leur bonne forme physique: «C'est incroyable de voir combien d'entre eux sont prêts à des safaris exaltants ou à relever d'autres défis», s'étonne-t-il. Plus de la moitié des clients de son agence qui se rendent en Chine ont plus de 50 ans et ce nombre, si l'on ne compte pas les jeunes couples venus en lune de miel, est le même pour l'Inde. «Les circuits en petits groupes peuvent être prisés par les personnes âgées parce que les conférences, les visites guidées et les discussions sont plus faciles à organiser», souligne M. Barber.

Les touristes de plus de 55 ans ont des priorités différentes de celles des jeunes voyageurs: ils dédaignent les plages indiennes de Goa, célèbres pour leurs fêtes au clair de lune, pour des itinéraires culturels avec escale dans des hôtels cinq étoiles ou d'anciens palais de Maharadjas. Les données les concernant sont encore rares, mais selon le bureau des statistiques à Londres, 103.000 touristes britanniques âgés de 55 à 64 ans se sont rendus en Inde et 51.000 ont visité la Chine en 2009. Certains globe-trotteurs revendiquent une totale indépendance, à l'image de Giselle Deuve, une Française de 81 ans, croisée avec son guide personnel sur le site des tombeaux d'Humayun, l'un des monuments historiques les plus dignes d'intérêt à New Delhi. «Je voyage toujours seule. Depuis que je suis à la retraite, je suis allée en Chine deux fois, au Vietnam au Sri Lanka et à Bali, c'est fantastique de découvrir de nouvelles choses», dit cette ancienne employée de banque à Paris. Elle assure qu'un voyage en solo rend ses vacances plus faciles et enrichissantes, d'autant que «les locaux sont très agréables avec les gens âgés». «Je fais juste attention à ce que je mange et bois pour éviter de tomber malade», glisse-t-elle.

Les professionnels du tourisme soulignent toutefois que l'amélioration des normes d'hygiène dans les hôtels en Asie a réduit le «facteur crainte» parmi les seniors. «L'Inde n'est plus un pays à problèmes et ça aide», considère Jamshyd Sethna, propriétaire de Shakti Himalaya, une agence qui organise des voyages dans de luxueux hôtels situés dans les montagnes du Sikkim ou du Ladakh. En Chine, les bons hôtels sont peu nombreux, mais la demande est forte parmi les Occidentaux. «C'est vrai que le nombre de touristes étrangers à la retraite est en augmentation par rapport à il y a cinq ans», souligne M. Yan, de l'agence de voyages China Comfort Travel, à Pékin. Selon Sean Tipton qui travaille chez ABTA, un organisme rassemblant les agences de voyage et voyagistes britanniques, les retraités «refusent aujourd'hui d'être étiquetés comme tels et dans de nombreux cas, ils sont plus aventuriers que les touristes de 20 ans».