En visite au Jardin botanique de l'Université de Rome l'an dernier, Isabelle Royer et John Doyle, de Saint-Mathieu-de-Beloeil, sont intrigués par des cris rauques. Avec étonnement, ils aperçoivent trois grands oiseaux verts qui se posent sur un immense pin. «Pas de doute, c'était des perroquets, raconte M. Doyle. Nous les avons approchés pour faire des photos. Ils semblaient se nourrir dans une cavité de l'arbre et échangeaient de la nourriture entre eux. Des perroquets à Rome! Étonnant, non?»

Mesurant une quarantaine de centimètres, les oiseaux du couple Royer-Doyle sont des perruches à collier, un joli perroquet vert au bec rouge, très prisé comme animal de compagnie. Mais comme plusieurs oiseaux de cage, tôt ou tard certaines d'entre elles réussissent à s'enfuir de leur prison, quand elles ne sont pas libérées intentionnellement par leur maître. Le phénomène est tellement répandu chez les perroquets en cage qu'au cours des dernières décennies, plusieurs espèces se sont installées en toute quiétude en milieu urbain et prennent même de l'expansion. Le phénomène est mondial, même la lointaine Australie n'y échappe pas.

Par exemple, on compte plusieurs centaines de perruches à collier à Rome, Paris et Barcelone. Elles se chiffreraient par milliers à Bruxelles et, en Angleterre, notamment à Londres, elles seraient plus nombreuses encore. En terre d'Albion, on en a compté plus de 6000 dans un seul dortoir. Au point d'ailleurs que le gouvernement anglais a inscrit l'automne dernier la perruche à collier sur sa liste des oiseaux nuisibles, rejoignant ainsi d'autres espèces introduites comme la bernache du Canada et un autre perroquet, la conure veuve. S'il n'est pas démontré que les perroquets urbains nuisent à la faune indigène, ils sont parfois accusés de causer des dégâts, notamment à certaines cultures. Et en cas de dommages, la loi britannique permet de les éliminer sans avoir à se procurer un permis spécial.

On compte aussi des colonies de perroquets plus ou moins grandes à Amsterdam et à Leiden, aux Pays-Bas, de même qu'à Francfort, en Allemagne, ou encore à Istanbul, en Turquie.

Très populaire en animalerie, où elle porte souvent le nom de «quaker», la conure veuve s'est installée à Barcelone dans les années 70, et la capitale de la Catalogne en compte aujourd'hui des milliers. Un oeil averti en verra plusieurs survoler les rues au cours d'une journée ou encore batifoler au sommet des platanes.

Toujours l'an dernier, lors d'une visite dans la ville de Gaudi, on pouvait en compter des dizaines dans le parc en face de la cathédrale en construction du célèbre architecte, la Sagrada familia, probablement le lieu le plus visité en Espagne. Non seulement les conures se mêlent-elles aux pigeons pour manger les graines offertes par les badauds, mais on y découvre aussi des nids coloniaux de 2 à 3 m de diamètre, nids qui sont d'ailleurs toujours en expansion. Les «cotorras», de leur nom en espagnol, sont en outre accusés de piller les champs de tomates.

New York, Chicago, San Francisco et Miami

Les perroquets urbains sont aussi bien présents dans de nombreuses villes nord-américaines. La conure veuve est régulièrement signalée dans des villes comme New York ou Chicago, où elle résiste facilement à l'hiver si elle trouve de la nourriture à se mettre dans le bec. Au moins une ou deux conures veuves ont déjà survécu à nos froidures hivernales dans la région de Montréal.

Plusieurs grandes villes du sud des États-Unis, notamment Phoenix, Dallas, San Francisco et Los Angeles, comptent aussi de nombreux perroquets en liberté, souvent de plusieurs espèces. On parle de la perruche Alexandre, semblable mais encore plus jolie que la perruche à collier, comme de l'amazone à tête jaune et de la conure nanday. Au moins cinq de ces espèces ont des populations établies à demeure selon les autorités scientifiques.

Considérée comme une des principales plaques tournantes du commerce des oiseaux aux États-Unis, la ville de Miami est devenue au fil du temps un havre pour les perroquets urbains. Le climat y favorise leur survie. On en trouve aujourd'hui une bonne douzaine d'espèces, dont plusieurs milliers de conures veuves. L'espèce la plus répandue, et cela un peu partout en Floride, est cependant la petite perruche ondulée, dont la population profite allègrement des mangeoires et des nichoirs qui leurs sont offerts. Considérée comme un des oiseaux de compagnie les plus populaires, la perruche, originaire d'Australie, se plaît uniquement en climat chaud. Mais on en compte aussi quelques colonies... à Paris.