J'aimerais faire un voyage en Tunisie pour pas trop cher. Je désire partir dans environ un mois. Est-ce possible d'aller dans le désert et quelle est la journée typique dans le Sahara. Alexandre B.

Juste avant de prendre nos vacances, nous ressemblons trop souvent à notre photo de passeport. Épuisé, cerné, tout près du burn out... La première phrase lancée dans le bureau de l'agent de voyages ? La voici : « N'importe où, pourvu que ce ne soit pas cher...». En trente ans à recevoir des voyageurs, je l'ai certainement entendue des centaines de fois.Nous partons souvent en vacances vers n' importe où. Pas cher, préparé à la dernière minute, nous achetons des moments importants de notre année, d'une vie, nos vacances. On gagne notre vie à chaque semaine, le métro, les autoroutes, les ponts, la neige, les tempêtes, le patron, la fatigue, les week-ends trop courts, le hockey, Jean Charest, notre éternel petit café-muffin au même comptoir à tous les matins. Quand vient le temps de choisir vers où nous irons reposer tout cela, n'importe quoi fera l'affaire. Me reviens en mémoire, en écrivant ces lignes, une citation de Léo Ferré : «Est-ce ainsi que les hommes vivent...»

Cher Alexandre, je fais des généralités, et peut-être ne vous reconnaitrez-vous pas dans ces propos. Mais la suite, je crois bien, va vous intéresser.

Notre âme est remplie de fatigue quand on arrive à destination. Il y a eu l'avion et tout le reste de la vie. Le désert, je crois, est un des meilleurs thérapeutes du monde pour cette nécessité à faire «une mise au point du mental »

Je me suis rendu en Tunisie, il n'y a pas longtemps. J'avais beaucoup entendu parler de ce pays. J'ai été gentiment invité par l'Office de tourisme tunisien.

De Tunis, nous avons roulé du nord au sud vers Douz. J'ai rencontré Ali Abdel, l'Homme du Désert. Je suis blanc (nous étions en janvier), un peu gras, et me voilà aux portes du Sahara. Ali est beau, la peau matte et il va avec le décor... pas moi ! Dès les premières minutes, après une poignée de main ferme et amicale, je lui posais la question typique du pur occidental avide de précisions. « Dis-moi mon ami, raconte-moi une journée dans le désert... Allez, raconte-moi ! » Il leva très lentement les yeux vers moi, l'air étonné, et me dit : « ...et bien, c'est tranquille, on regarde les dunes et on écoute le silence... » « Oui, mais encore ? » «Heu... on boit le thé et on mange le pain... oui c'est cela une journée au désert »

Bon, dit comme ça, moi ça me convient...

J'ai marché trois jours au coeur du silence. En parfaite harmonie avec ce silence. Réfléchir les dernières années, prendre le temps de le faire, se déposer, au milieu de nulle part... le désert. La nuit venue, étendu sur mon sac de couchage, je regardais le ciel qui me faisait penser à notre planétarium tellement il était clair. Le ciel était vivant, je ne comptais plus les étoiles filantes... Je ne voulais pas dormir mais le spectacle devant moi eu tôt fait de m'anesthésier jusqu'au lendemain. Au lever du soleil, mon ami me réveille de sa voix qui se mêle parfaitement avec le vent matinal... «Tu veux un thé, mon ami ? »

Tout de suite après le petit déjeuner, dromadaires, hommes et femmes se retrouvent à marcher à tout petits pas sur les dunes. Des dunes et des dunes à perte de vue. C'est comme marcher sur le dos des gens. Ça me fait penser aux paroles de Richard Desjardins : «Ton dos parfait comme un désert, quand la tempête est passée sur nos corps... » Wow... Que c'est beau de se souvenir des mots quand on en a le temps. Car le désert, il s'amuse avec le temps. Il le calme, l'étire, le caresse. C'est ici que l'on s'aperçoit combien on maltraite le temps chez-nous, à courir après, à n'avoir jamais le temps de le recevoir, d'en profiter.

Alors à petits pas, l'immensité devant nous, on se demande à soi-même comment allons-nous. On entend notre coeur battre. On entend la bille du crayon rouler sur le papier de notre journal de bord. On entend l'air entrer et sortir de nos poumons. On s'entend vivre. On se dit que les gens près de la mort doivent devenir sensibles à « s'entendre vivre », et que nous, c'est le désert qui nous pousse à le faire...

Soudain, Ali Abdel, mon guide du désert, vient briser ma méditation. Il ordonne à tous de tourner... à gauche !!!

À gauche ? Devant ma surprise, il m'annonce que chaque dune a un nom, et qu'il est maintenant temps de tourner à gauche. Et, sourire en coin, il me montre son GPS... Il n'y a plus de bout du monde.

La Tunisie est un très beau pays. Beaucoup plus beau que le destin un peu triste que lui dédit nos grossistes québécois du voyage. Toutes les agences de voyages y offrent un beau séjour de deux semaines. Une semaine dans un semblant de désert qui fait croire aux voyageurs qu'ils sont devenus Lawrence d'Arabie, et une autre semaine sur la plage, dans un hôtel de type confortable. Ces voyageurs rentrent au pays en explorateurs... Ils ont fait la Tunisie. En fait, mon impression est qu'ils reviennent ici aussi ignorants de cette Terre qu'avant de partir.

Malheureusement, les offices de tourisme de Tunisie semblent vouloir encourager cette situation.

Comprenez-moi bien. J'ai été reçu comme un roi en Tunisie. Mais je ne peux m'empêcher de réfléchir tout haut.

La suite la semaine prochaine : La thalasso en Tunisie