Nous avions quitté Akureyri, deuxième ville d'Islande, trois heures plus tôt, roulé à travers un paysage où se succédaient landes, montagnes basses et terres ocres au relief lunaire. Nous avions contourné le lac Myvatn et nous arrivions à Grimstadir. Enfin, nous le pensions! Mais au carrefour de la Nationale 1 et de la route 864, où «normalement» aurait dû se trouver le village dans lequel nous avions réservé une chambre, il n'y avait... rien.

En consultant la carte, nous nous sommes aperçus que l'agglomération en question devait se trouver à un ou deux kilomètres en amont de la 864. Nous nous sommes engagés sur cette route qui, en fait, est une piste de terre sablonneuse, et l'inquiétude a commencé à nous gagner. Il n'y avait aucun village en vue. Tout juste une ferme!

Nous venions de prendre la leçon numéro 1 du cours d'Islande 101: les cartes routières de cette immense île quasi déserte (300 000 habitants pour un territoire quatre fois plus grand que la Suisse) signalent les fermes, comme les nôtres indiquent les villages ou les petites villes. Sans ça, les cartes n'auraient pas grand-chose à indiquer!

C'est justement dans cette ferme que nous avions réservé une chambre. Avec son anneau dans l'oreille, ses pantalons de treillis et ses tatouages, notre hôte, Halvar, ressemblait davantage à un chanteur hip-hop qu'à un éleveur de moutons. Il nous a conduits à notre chambre qui se trouvait dans une annexe de la maison. Les deux lits simples séparés par une étroite rivière occupaient presque toute la place. Pour ouvrir les valises, nous devions les placer sur les lits. Tarif: 120 $ la nuit, petits déjeuners inclus. Nous devions partager la salle de bain avec les occupants de deux autres chambres, dont une hébergeait quatre personnes, en l'occurrence un couple d'Italiens accompagnés de leurs deux grands ados.

Halvar nous a demandé si nous voulions prendre le repas du soir. La réponse coulait de source: le restaurant le plus proche se trouvait à côté de l'épicerie la plus proche, au bord du lac Myvatn, à 40 kilomètres d'ici. Pour 35 $ par personne, Halvar nous a servi une salade, suivie de quelques tranches de gigot de mouton accompagnées de purée de pommes de terre. Le dessert était un proche parent islandais de notre pouding chômeur. De la bonne cuisine familiale! Halvar nous a offert une bière pour la modique somme de 7 $. Pendant que nous mangions dans la cuisine de l'annexe, la famille italienne est arrivée et le père a préparé un repas de pâtes. «La vie est chère, ici: à quatre personnes, nous ne pouvons pas nous permettre de manger au restaurant tous les jours», nous a expliqué la mère. C'était la leçon numéro 2 de notre cours d'Islande 101.

Nous avions choisi cette ferme-auberge plutôt qu'un hôtel, parce qu'en Islande, on ne trouve pas d'hôtel, même modeste, à moins de 200 $ par nuit. La destination a longtemps figuré en tête de la liste des pays les plus chers du monde sur l'indice Big Mac (il a été dépassé par la Norvège, l'an dernier). Nous nous sommes donc familiarisés avec les supermarchés Bonus, équivalent local de nos Métro et autres Provigo. On trouve un marché Bonus dans tous les villages (les rares agglomérations indiquées en gros caractères sur la carte de l'Islande) et dans toutes les petites villes (les agglomérations encore plus rares sont signalées en très gros caractères sur la carte). Nous nous sommes aussi familiarisé avec les VinBuddin (littéralement: magasins de vins).

Deux jours plus tard, après quatre heures de voiture sur la Nationale 1 (durant lesquelles nous avons croisé six véhicules et doublé deux camions) et une demi-heure de route en lacet dans un fabuleux paysage de montagnes, nous sommes arrivés à Seydisfjördur, gros village encastré au fond d'un fjord sublime, entre deux falaises qui s'élèvent à plus de 700 mètres.

Dans la jolie salle du restaurant de l'hôtel Aldan, nous avons commandé une soupe de poisson. La soupe coûtait 15 $ et elle était délicieuse, mais il n'y avait pas l'ombre d'un morceau de poisson ou la moitié d'une crevette dans le liquide crémeux. Le «poisson du jour» était annoncé à 32 $ sur la carte du midi. L'hôtel - un trois-étoiles - affichait ses chambres à 17 800 couronnes, soit 240 $ la nuit.

Mais nous devions loger à 40 kilomètres de là, à Reydarfördur, un autre village blotti au fond d'un de ces «fjords de l'Est» si souvent mentionné par l'auteur culte de polars islandais, Arnaldur Indridasson. Et nous étions déterminés à préparer nous-mêmes notre repas et à l'arroser de vin. Nous avons donc rendu visite au VinBuddin local, où nous nous sommes heurtés à des portes closes. Il n'ouvre qu'une heure par jour, de 17 h à 18 h. En Islande, l'alcool est encore tabou. Heureusement, à Egilsstadir, la «grande» ville voisine (2000 habitants), le VinBuddin est ouvert tous les après-midi. Beaucoup de vins «du Nouveau Monde» - Chili, Australie et Californie - vendus un peu plus chers qu'au Québec (entre 10 % et 20 % de plus).

Comme chez soi

À Reydarfördur, nous logions chez Hja Marlin, un «guesthouse» très confortable qui ne nous coûtait que 108 $ pour la nuit. Ce soir-là, et tous les autres, nous avons préparé nos repas et nos sandwichs pour la journée de randonnée du lendemain. Comme dans les fermes-auberges, les hôtes des «guesthouses» islandais ont généralement accès à la cuisine et on leur ménage un espace dans le réfrigérateur. Sauf dans la région de Reykjavik, où ils peuvent grimper, les prix flottent dans une fourchette de 100 $ à 120 $ la nuit. Beaucoup de maisons d'hôtes et de fermes consentent une réduction (une dizaine de dollars par personne) aux clients qui arrivent avec leurs sacs de couchage. Les tenanciers s'épargnent ainsi une brassée de lavage! On dénombre 120 fermes-auberges dans le pays et beaucoup plus de maisons d'hôtes.

Nous n'avons passé qu'une nuit à l'hôtel: la dernière. Nous avions fait une randonnée dans le parc national de Skaftafell, au pied du plus grand glacier d'Europe, le Vatnajökull. Il était plus de 18 h lorsque nous sommes redescendus de la montagne. Le long de la Nationale 1, toutes les fermes-auberges et toutes les maisons d'hôtes affichaient complet. Finalement, nous avons trouvé un hôtel à un peu plus de 200 $ la nuit après avoir parcouru une soixantaine de kilomètres et essuyé une quinzaine de «Désolé, c'est complet!».

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Les frais de transport ont été payés par Club Voyages Westmount.