«Les caves de dégustation sont habituellement sombres, mais nous avons voulu jouer la carte de la modernité en faisant construire un carnotset doté de baies vitrées qui permettent de contempler un des plus beaux paysages du monde, en dégustant le vin», dit Jean-Daniel Porta, producteur viticole à Villette, dans le canton de Vaud.

Le «plus beau paysage du monde» dont il est question, c'est celui du second plus grand lac d'Europe (après le lac Balaton, en Hongrie), le Léman et de sa toile de fond, les crêtes enneigées des Dents-du-Midi et les Alpes de Haute-Savoie. Quant au carnotset, il s'agit d'un mot emprunté au patois vaudois, qui désigne tout simplement un endroit où on déguste le vin. Ailleurs, on parlerait de caveau de dégustation.

Entre Lausanne et Vevey, la région du Lavaux déploie 850 hectares de viticulture en terrasse, exploités par 300 familles qui se passent le flambeau de génération en génération. Le canton de Vaud a déposé la candidature du vignoble du Lavaux à l'inscription au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Le Comité du patrimoine mondial rendra sa décision en juillet.

Parmi les 830 inscriptions répertoriées sur la fameuse liste, 162 sont des sites naturels et un bon nombre d'entre eux sont des paysages. Pour être agréé, un paysage doit avoir été façonné par l'homme et il doit avoir influencé - sinon déterminé - le mode de vie des hommes et des femmes qui l'habitent. C'est pourquoi la juridiction de Saint-Émilion (en fait, tout le domaine viticole sur lequel on produit les vins qui méritent l'appellation contrôlée Saint-Émilion) y figure. La plupart des habitants de ce village du Bordelais se consacrent à la culture de la vigne depuis le XIe siècle et, mis à part les châteaux et les maisons, le paysage n'a pas changé depuis près de 1000 ans.

Autre terroir protégé par l'UNESCO, la vallée du Haut-Douro, est le siège d'une activité viticole beaucoup plus ancienne. On y produit du vin depuis 2000 ans et le fameux Porto depuis le XVIIIe siècle. C'est une des deux régions viticoles portugaises inscrites sur la liste du Patrimoine mondial, l'autre étant le «paysage viticole de l'île de Pico», aux Açores. En 2002, les collines et les vallées du Tokaj, en Hongrie, où l'on produit le vin de pinot gris frappé de l'appellation contrôlée Tokay, est devenue le quatrième vignoble répertorié par l'UNESCO.

Si le comité responsable rend une décision favorable - et tout indique qu'elle le sera -, le Lavaux deviendra le cinquième territoire viticole inscrit sur la liste du patrimoine mondial. Les vins qu'on y produit arborent l'appellation d'un des neuf villages du territoire qui portent des noms aux consonances bien francophones; Lutry, Chardonne, Villette, Saint-Saphorin... Ce sont pour la plupart des vins blancs issus d'un cépage particulier à la Suisse: le chasselas. Au départ, le vin issu de ce type de vigne était appelé «Fendant», parce que le grain du raisin se fendait lorsqu'on pressait la baie entre ses doigts. Mais les viticulteurs du canton voisin du Valais ont fait enregistrer l'appellation, de telle sorte que le «Fendant» désigne aujourd'hui uniquement les crus produits à partir du chasselas dans le Valais. «C'est un vin tout en finesse, comparativement au Chardonnay, qui est plus lourd», explique Jean-Daniel Porta. Il comporte de faibles doses de gaz carbonique qui se manifestent au goût par une infime production de bulles. C'est essentiellement un vin d'apéritif. «C'est pourquoi, chez nous, on dit que c'est un vin de conversation''«, observe le viticulteur. Même si on trouve parfois quelques bouteilles de Fendant ou d'autres crus issus du chasselas sur les tablettes de la SAQ, ces vins demeurent à peu près inconnus au Québec. Cela, parce qu'ils sont essentiellement consommés sur place. La Suisse, qui produit environ 100 millions de bouteilles par an, n'exporte que 1% de sa production.

Comme la plupart des régions d'Europe, le Lavaux subit les effets du réchauffement de la planète. «L'an dernier, nous avons connu l'été le plus chaud de notre histoire, si bien que nous avons dû entreprendre les vendanges au début de septembre, soit un mois plus tôt que d'habitude», dit Alain Chollet, lui aussi viticulteur à Villette. Le réchauffement à l'oeuvre depuis plusieurs années incite les viticulteurs à produire des vins rouges en plantant des cépages non traditionnels pour la région comme la Syrah ou le Merlot. Les vins blancs de chasselas restent majoritaires, avec 70% de la production.

Alain Chollet n'est pas seulement producteur viticole. C'est lui qui a lancé le Lavaux Express, un petit train sur roues qui promène les touristes à travers les sentiers tracés dans les vignobles du Lavaux, entre Cully et Dézaley. Plusieurs sentiers de randonnée ont été aménagés. Ils relient les villages du domaine viticole et permettent aux promeneurs d'aller déguster les vins du cru dans les carnotsets des producteurs.



Informations: www.lavaux.ch

Les frais de ce voyage ont été payés par Swiss Airlines et par Suisse Tourisme.