Les baleines n'ont plus de secrets pour les scientifiques de la Station de recherche des îles Mingan, qui offrent au public de participer à une journée de recherche en mer, dans leur laboratoire flottant. Une expérience unique. Récit.

Après des jours et des jours de grisaille, il fait un temps splendide ce matin-là lorsque nous arrivons au quai de Mingan, vers 7h. Les scientifiques, qui jusqu'ici ne sont pas sortis souvent en mer à cause des conditions météo, sont aussi ravis que nous de prendre le large.

 

L'équipe prend place à bord de deux zodiaques. À nos côtés, Frédéric Paquet, professionnel de recherche et capitaine du Mistral. Il travaille à la station depuis 2001, et nous apprendrons bien vite qu'il sait repérer une baleine à des kilomètres à la ronde.

Après avoir navigué dans l'Archipel-de-Mingan et croisé quelques phoques gris, nous mettons le cap sur la pointe nord de l'île d'Anticosti. C'est là que, la veille, deux rorquals communs ont été aperçus. L'objectif : repérer le plus de cétacés possible, les identifier et noter leur emplacement afin de mettre à jour la base de données de la station de recherche.

Dans l'autre embarcation, des chercheurs tenteront de prélever des échantillons de peau sur des petits rorquals, dans le cadre d'un projet de recherche sur la génétique des mammifères marins. Pratiquer ces biopsies permet de connaître leurs liens de parenté et leur degré de contamination. Le niveau de produits chimiques que l'on retrouve chez les cétacés est tellement élevé qu'une baleine échouée sur le rivage est considérée comme un déchet dangereux, explique Frédéric. Le prélèvement se fait à l'aide d'une arbalète, dont l'embout permet d'enlever un petit morceau de peau de l'animal.

rendez-vous avec la souffleuse et gronier

La tuque bien enfoncée sur les oreilles, nous nous dirigeons vers l'île d'Anticosti quand, soudain, notre capitaine change de cap. Il a aperçu un souffle, au loin. Lorsque les baleines expirent, l'air se mélange à la vapeur d'eau et forme un jet, qui permet de les repérer de loin. Du moins, pour un oeil expérimenté. J'ai eu beau scruter l'horizon, je n'ai absolument rien vu.

Arrivés plus près, nous apercevons rapidement un dos de baleine à la surface, à seulement quelques mètres du zodiaque. Surprise! Il s'agit une baleine à bosse, jusqu'ici inaperçue dans le secteur cette année. À bord d'une si petite embarcation, impossible de rester de glace devant ce géant des mers, qu'on aperçoit de si près pour la toute première fois.

Et cette baleine n'est pas seule. Rapidement, une autre vient la retrouver. Frédéric les identifie en quelques secondes, simplement en apercevant les taches sur leurs nageoires et leur flanc. Il doit s'agir de la Souffleuse et de Gronier, lance-t-il. Au moment de plonger, les deux cétacés lèvent leur majestueuse queue hors de l'eau, à seulement quelques mètres du bateau. Nous en avons le souffle coupé. Et la journée ne fait que commencer.

En voyant leur queue, Frédéric peut confirmer leur identité. Il note minutieusement leur position et l'heure à laquelle elles ont été aperçues.

La plupart des baleines sont des habituées des lieux. Elles reviennent chaque année dans le golfe du Saint-Laurent ou dans l'estuaire, ce qui permet de les identifier plus facilement. Les baleines à bosse ont d'ailleurs une queue tachetée, toutes différentes les unes des autres. Avec de bonnes photos, impossible de se tromper.

Nous reverrons souvent les deux comparses au cours de la journée. À un moment, la Souffleuse a même agité sa nageoire hors de l'eau, devant notre zodiaque, non sans provoquer quelques éclaboussures. Impossible pour l'instant de savoir avec certitude pourquoi les baleines s'agitent ainsi. Le son de la nageoire qui frappe sur l'eau est peut-être un moyen de communiquer entre elles, avance Frédéric.

Un peu plus tard, nous apercevons deux autres rorquals à bosse. Le premier, Tic Tac Toe, est facilement identifiable grâce au X que l'on peut voir sur sa queue. Quant à l'autre, les photos prises permettront, une fois de retour à la Station, de les comparer avec d'autres clichés afin de l'identifier. Sur le site de la Station, nous apprendrons plus tard qu'il s'agissait d'Aramis, son jeune baleineau.

Après une pause dîner, nous repartons en direction de l'île d'Anticosti, vers l'endroit où les rorquals communs ont été vus la veille. Nous en verrons trois, qui sont toutefois un peu plus difficiles à approcher que les baleines à bosse. Malgré son nom, le rorqual commun n'a rien d'ordinaire : mesurant de 18 à 22 mètres, il s'agit de la deuxième baleine la plus grosse au monde, après la mythique baleine bleue.

À l'île aux perroquets

Mais rapidement, le vent se lève et vient jouer les trouble-fête. Les vagues prennent de l'ampleur, ce qui rend plus difficile le travail d'identification. Nous perdons la trace des rorquals communs. Notre capitaine décide de rentrer en milieu d'après-midi, satisfait de sa journée. Sur le chemin du retour, nous passons par le secteur de l'île aux Perroquets, ce qui nous permet d'observer de nombreux oiseaux, dont la grande vedette des îles Mingan, le macareux, un sympathique oiseau au bec coloré qui a des allures de pingouin.

Nous rentrons finalement au quai en fin d'après-midi, grisés par le soleil et l'air salin. La tête remplie d'images, nous envions ces scientifiques qui partent en mer comme d'autres rentrent au bureau chaque matin.

Pour ceux qui désirent prolonger l'aventure, l'équipe de chercheurs offre aussi au public des stages d'une à deux semaines. Les fonds amassés servent à financer les activités de la Station de recherche. Rien de mieux pour s'évader du quotidien. Daphnée Dion-Viens

À savoir

QUOI : une journée en mer avec les scientifiques de la Station de recherche des îles Mingan, qui étudient les mammifères marins

QUAND : de la mi-juin à la mi-octobre

combien : 110 $ par personne

QUoi apporter : un repas consistant, des vêtements chauds (n'oubliez pas la tuque!), des lunettes de soleil, beaucoup d'eau et, bien sûr, votre appareil photo. La combinaison de survie est fournie.

informations : Station de recherche des îles Mingan

mics@globetrotter.net

www.rorqual.com

Tél. : 418 949-2845