La masse de nuages gris est informe, immobile, et elle s'étend à l'infini au-dessus du balcon de mon appartement. Voilà trois jours qu'il pleut sur Montréal. En plein dans ma semaine de vacances. Il me faut du soleil et vite. Je prends donc la route de Punta Cana, en République dominicaine, le paradis des tout-inclus.

À l'aéroport, un coup d'oeil suffit pour comprendre que je ne suis pas seul. Marie-Josée Racicot ne s'est pas creusé la tête avant de décider du lieu de ses vacances. Cette résidante de Saint-Jean-sur-Richelieu voulait une chose plus que toute autre: du soleil.«Ça nous aurait coûté le même prix de passer une semaine de vacances au Québec, explique-t-elle en attendant l'embarquement pour Punta Cana. Et il aurait très bien pu pleuvoir ou faire froid.»

Rencontrée à bord du même vol, Claudia Bernard abonde en ce sens. Elle aurait pu passer une semaine en camping, ou encore dans la Vieille Capitale. Mais la facture aurait été presque la même. D'ailleurs, à choisir entre des palmiers et des sapins, elle n'a pas hésité une seconde.

«Au Québec, on a de super beaux endroits à visiter, mais je trouve que c'est cher, dit-elle. Quand on va à Québec pour une fin de semaine, avec les hôtels et les restaurants, c'est pratiquement le même prix qu'une semaine dans le Sud.»

La tendance ne se dément pas: les voyages dans le Sud en mai, juin et juillet sont plus populaires que jamais, dit Vincent Bolduc, propriétaire de l'agence Espace Sélect Voyages. L'entrepreneur estime que ses ventes de forfaits vers le Sud ont grimpé de 15% en basse saison depuis deux ans. Ses clients s'envolent vers le Mexique, la République dominicaine et Cuba, attirés par les prix alléchants ainsi que par le charme indéniable des plages sablonneuses et des palmiers.

«C'est une tendance confirmée par le maintien en été de liaisons vers ces destinations-là par des voyagistes comme Transat, Air Canada ou Mexicana, ajoute Michael Archambault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat à l'UQAM. Avant, ça se terminait vers la fin avril.»

Notre périple dans le Sud connaît toutefois un faux départ. L'avion n'a pas encore atterri à l'aéroport de Punta Cana que le pilote nous met déjà en garde: il fait 21 degrés, il pleut et on attend des orages. «Exactement comme à Montréal», ajoute-t-il, pince-sans-rire.

Notre chauffeur de taxi doit zigzaguer sur la route de notre hôtel: les rues sont partiellement inondées. Notre séjour en République dominicaine tombera-t-il à l'eau? Heureusement non! Le soleil est déjà de retour à son poste le lendemain matin. Les fins de journée sont certes ponctuées de quelques averses. Mais après des heures de chaleur torride, cette pluie rafraîchissante est la bienvenue.

Nous logeons au Barcelo, un vaste complexe de cinq hôtels où l'on trouve un terrain de golf, un casino, des magasins et - faut-il vraiment le préciser? - une longue plage bordée de palmiers.

La fenêtre de notre chambre s'ouvre sur une cour gazonnée. Depuis le bain-tourbillon installé sur le balcon, on aperçoit les marcheurs qui déambulent doucement sur le sable, en bordure d'une mer turquoise. La brise fait bruisser les feuilles des palmiers.

Peu de Québécois à l'horizon. Pendant l'été, les hôtels de la République dominicaine se remplissent d'Argentins, de Chiliens et d'autres habitants de l'Amérique du Sud qui fuient l'hiver dans leur hémisphère.

J'enfile mon maillot et je pars explorer la plage, qui s'étend sur des kilomètres à droite comme à gauche. Bateaux à moteur et petits voiliers s'entrecroisent sur l'eau. Des travailleurs de l'hôtel font sensation en ramenant à terre de longs poissons qu'ils ont pêchés au harpon. Les vacanciers se prélassent sur les chaises longues, se jetant à l'eau lorsque la chaleur devient inconfortable. À cette période de l'année, le soleil est si haut qu'on ne voit pratiquement pas son ombre à midi.«Après avoir passé l'hiver à Montréal, j'ai besoin de recharger les batteries!» s'exclame Bruno Bélanger, les pieds pleins de sable, aux côtés de son épouse Martine.

Ce premier tour d'horizon terminé, je m'active à accomplir ma principale mission: me débarrasser de mon teint hivernal. Je ne lésine pas sur la crème solaire, racines écossaises obligent. Il faudra rester au soleil le temps d'au moins trois ou quatre chapitres de mon bouquin pour que le blanc clair de ma peau se transforme en blanc rosé.

Cela fait, j'emprunte un petit catamaran pour voir la plage de la mer. Elle semble encore plus large d'ici. Des centaines de personnes y fourmillent. À droite comme à gauche, on aperçoit la silhouette des nombreux hôtels. Pas de doute, on est loin de l'île déserte.

Mais en basse saison, la foule est beaucoup moins nombreuse qu'en hiver. Trois des cinq hôtels du Barcelo sont fermés et le centre des congrès est vide. Il y a tout de même des restaurants pour tous les goûts, deux buffets ouverts matin, midi et soir et, autre figure imposée, un bar dans une piscine.

Lorsqu'ils se lassent de la plage, les clients peuvent suivre un cours d'aérobie, jouer au tennis ou au basketball. Un préposé sympathique prête des masques et des tubas à ceux qui préfèrent nager avec les poissons. Et en cas de pluie, il y a toujours le bar, où les mojitos, Cuba libre et piña colada sont servis à volonté.

Notre hôtel propose aussi un éventail d'activités payantes, variant de 10$ à 150$. Ceux qui traînent quelques dollars américains dans leur poche peuvent recevoir un massage, nager avec des dauphins, explorer les environs en véhicule tout-terrain, ou encore taquiner le thon et le marlin en haute mer.

Mais l'essentiel - le soleil, la plage, la mer - est gratuit. Et par-dessus le marché, il n'y a pas de cuisine à faire, pas de vaisselle à laver ni de chambre à nettoyer.

«C'est le principe du tout-inclus qui nous attire, explique Luc Biron. Tu ne touches à rien, tu ne fais rien si tu n'en as pas envie, tu ne t'occupes de rien, tu vas manger quand tu veux, tu n'as pas besoin de tout traîner.»

Je sirote donc un verre de rhum en contemplant le coup de soleil sur ma cuisse droite. Manque de crème. Erreur d'amateur. Qu'à cela ne tienne, j'aurai un beau teint rosé à mon retour à Montréal. Je raconterai à mes amis cette vie facile, ma balade en voilier, le soleil brûlant de la plage, le vent dans les palmiers. C'est bien pour cela qu'on part en vacances, non?

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Tapis rouge pour les familles

Les familles sont de plus en plus nombreuses à profiter de l'été pour filer vers le Sud, affirment les voyagistes. Il faut dire que les hôtels déroulent le tapis rouge, proposant des rabais pour les enfants en bas âge.

Pour Sophie Tremblay, mère de Méganne et Thomas, c'est l'occasion rêvée «d'acheter la paix», selon ses propres termes. Dans le passé, cette petite famille a déjà fait une quinzaine d'heures de route pour se rendre dans le sud des États-Unis. Et il n'est pas question de répéter l'expérience.

«Maintenant, souligne Mme Tremblay, quatre heures d'avion suffisent pour arriver à destination. Avec de jeunes enfants, la vie est beaucoup plus simple et les vacances plus reposantes dans un tout-inclus. Les enfants ont faim, on va au restaurant. Ils veulent bouger, il y a des activités pour eux.»

Peu de familles mettent le cap sur le Sud entre les mois d'avril et de juin, constate André Gingras, président de l'agence Accès Monde. Mais la demande explose dès le début des vacances scolaires.

«Dans certains hôtels, les enfants ne paient pas, dit M. Gingras. Il n'y a que le coût du vol. Vous pouvez avoir un beau quatre-étoiles avec soleil garanti, alors qu'à bien des endroits accessibles en voiture de Montréal, l'eau est encore froide, et c'est plus cher de louer une maison ou une chambre d'hôtel.»

* Les frais de ce voyage ont été payés par l'Office de tourisme de la République dominicaine.

Photo: David Boily, La Presse

Des jeunes Dominicains s'amusent sur la plage, près du village de Friusa.