Voilà deux ans que je n'y étais pas retourné. La première fois, on m'avait promis et livré le paradis: des plages de sable blanc, du vent à en perdre haleine, et nous seuls pour en profiter.

La bande à Jean-Luc Brassard - Oui oui! Le skieur devenu adepte du surf cerf-volant - m'avait initié à son plus beau secret: un endroit où pratiquer ce sport qui ne s'embarrasse que de flots déserts, tiré par une voile gigantesque, harnaché à des cordes plus longues que des cordes à linge.

Après de longues négociations, le groupe avait accepté que je dévoile dans ces pages le lieu magique où le vent ne se couche - presque - jamais: «Quelque part à Cuba, à l'ouest de Cayo Coco.»

C'était déjà en dire beaucoup. Trop?

À l'aube de mon second voyage, en novembre dernier, la rumeur a commencé à courir sur le Net: une école, non, deux écoles de surf cerf-volant du Québec avaient décidé d'installer leurs pénates dans notre éden. Le mot s'était répandu, nous ne serions plus seuls.

Les boîtes de courriel de la bande se sont mises à enfler, pleines de blasphèmes et de prophéties cauchemardesques. Il n'y a rien de pire, pour le kitesurfer, qu'une plage barrée de voiles, de cordes et de débutants. Je l'avoue, je me sentais plutôt coupable.

J'imaginais en me rendant à l'aéroport, des files de cerfs-volistes traînant leur planche, tout content de piétiner l'oasis que je leur avais dévoilée.

«Bah, c'est quand même grand, l'Atlantique...» ai-je pensé pour me rassurer.

Une plage bien occupée

Sur place, le hasard voulut que je rencontre dès le premier soir l'un des instructeurs chargé de nous gâcher la vie. Un drôle de type, bâti d'un seul bloc, et reconnu pour s'enfiler à toute heure des quantités invraisemblables de café.

Combien formerez-vous d'élèves au cours des deux prochaines semaines?

Un peu plus de 35 personnes...

Il m'aurait abattu sa planche sur la tête que le coup aurait moins porté. Trente-cinq élèves pour lui, autant pour la seconde école... Soixante-dix débutants, plus une trentaine de kiters expérimentés. Notre fine plage serait, au cours du présent voyage, un joyeux bordel.

Il y a quelque chose de pas très chouette dans le fait de promettre à de nouveaux cerfs-volistes qu'ils pourront apprendre tranquillement, tout en multipliant le nombre d'inscrits. Je ne dirais pas que leur sécurité est compromise, mais leur plaisir, oui.

Du vent et des voiles

Au premier matin, le vent était au rendez-vous, les voiles aussi. Vers 11 h, près d'une quarantaine de kites zigzaguaient dans le ciel; des bleus, orange fluo et fuchsia. Sur l'eau, quelques téméraires atterrissaient avec fracas après un «tail grab-one footer de malade mental, man!»

Pas facile pour un débutant, à travers ce fatras, de garder un semblant de cap...

Un baigneur, l'un des rares courageux à s'être glissé dans l'onde malgré un petit 20 degrés et un vent à écorner les boeufs, m'a apostrophé en fin de journée: Est-ce qu'il existe des règles de navigation? Y a-t-il des zones réservées pour les kiters... Ou pour les baigneurs?

Oui, en principe, on essaie de se tenir au large...

Bien l'instructeur, là, comment il s'appelle? Je lui en ai parlé et il m'a suggéré de nager avec un gilet «réflectorant» pour plus de sécurité...

C'est sans doute l'effet du café.

La morale de cette histoire, c'est que le jardin d'Éden existe toujours, mais qu'il est très en demande, ces jours-ci...

Alors pour ceux que l'aventure tente, il paraît que dans le Yucatan, un peu au sud de Cancun...