À Paris, deux des expositions les plus courues de l'heure sont celles consacrées à l'oeuvre du peintre Vassily Kandinsky et à la «période parisienne» du sculpteur Alexander Calder, toutes deux au Centre Pompidou, alias Beaubourg, alias le Musée national d'art moderne. Tellement courues, en fait, qu'elles seront désormais ouvertes tous les soirs jusqu'à 23 h, week-ends compris, tout l'été!

«Il vaut mieux ne pas jouer le rôle du temps, il travaille mieux que nous», a déjà affirmé Vassili Kandinsky (1866-1944). Le peintre ne se doutait sans doute pas que le temps et le Centre Pompidou allaient aussi bien travailler pour lui, quand on considère la grande manifestation que le musée lui consacre - après Munich et avant New York (du 10 septembre 2009 au 18 janvier 2010, au Solomon R Guggenheim Museum)! Rien de moins qu'une centaine de tableaux de grand et très grand format, présentés dans une scénographie qui met particulièrement bien en valeur les couleurs et les formes chères à Kandinsky.

C'est en effet sur de vastes murs très pâles, presque blanc, que sont accrochés les nombreux tableaux encadrés, eux, simplement de noir ou de brun, selon un ordre chronologique qui permet de vraiment mesurer l'évolution du peintre au fil de ses... déménagements. Né à Moscou en 1866, il quitte tout à 30 ans pour vivre et peindre successivement à Munich, de nouveau à Moscou, puis à Weimar, à Dessau, à Berlin et à Paris, traversant notamment deux guerres mondiales, la révolution d'Octobre, le mouvement Bauhaus, l'Exposition internationale de Paris de 1937...

De plus en plus géométriques, de plus en plus abstraits - et avec des titres dont on s'inspire encore aujourd'hui pour parodier l'art abstrait (Impression 6, Improvisation 27, Composition 8...) -, les toiles de Kandinsky vont aussi exploser de couleurs, des plus transparentes aux plus opaques. En privilégiant les grands tableaux (trois plus petites salles réunissent livres et manuscrits rédigés par Kandinsky, dessins, photos, sans oublier le fabuleux portfolio remis au peintre par ses amis du Bauhaus pour son 60e anniversaire, etc.), l'exposition du Centre Pompidou (qui n'avait pas consacré d'expo au peintre depuis 25 ans!) provoque un choc. Choc devant le caractère à la fois cérébral et spirituel des toiles: le peintre-théoricien associe formes et couleurs à divers états humains, qu'on ressent parfois de plein fouet en entrant dans les vastes salles claires où les grands tableaux sautent littéralement aux yeux.

Calder

L'exposition consacrée à Calder est beaucoup moins ambitieuse (bien que proposée sur deux étages) puisqu'elle se limite aux années parisiennes du sculpteur américain, de 1926 à 1933. Mais quelles années joyeuses et ludiques - en passant, voilà une exposition qu'on peut visiter avec des enfants sans craindre qu'ils s'ennuient. Si on connaît Calder au Québec pour sa magnifique sculpture métallique géante (24 mètres!) dans l'île Sainte-Hélène, l'expo de Beaubourg met au contraire l'accent sur de plus petites oeuvres, de minuscules objets «patentés» par Calder pour créer le Grand Cirque Calder, avec des centaines de figurines faites de matériaux de récupération (bien avant que le mot soit à la mode!) aux mécanismes très rudimentaires. C'est la première fois depuis 1970 que le Cirque peut être vu ailleurs qu'à New York. Si on y ajoute les dessins, jouets, photographies, sculptures abstraites et «mobiles», c'est quelque 300 «objets» conçus par Calder qui sont réunis à Paris: arrivé dans la Ville lumière à titre d'illustrateur, Calder la quittera, devenu sculpteur. Ce qui plaira vraiment à tous, c'est le film Le grand cirque de Calder, tourné en 1955, où on voit le sculpteur justement se faire son cirque, si je puis dire, avec un humour incroyable. Pour bien voir ce moyen métrage ravissant, attendez d'être dans la seconde galerie (niveau 4), où le film est mieux projeté et où on peut s'asseoir à terre pour le regarder avec plaisir (on le présente également dans la première, mais dans de moins bonnes conditions). Même chose pour le gracieux film Calder sculpteur de l'air (2009), mieux projeté dans la seconde galerie. Mais quelle que soit la galerie où vous les regarderez, cela ne changera rien à l'essentiel: vous allez rire aux éclats!

______________________________________________________________________________________________________

Au Centre Pompidou de Paris: Kandinsky, jusqu'au 8 août 2009 et Calder jusqu'au 20 juillet 2009. Ouvert de 11 h à 23 h, sauf le mardi (fermé). Billet: 12 euros (environ 20 $). On peut acheter des billets «coupe-file» par internet (www.centrepompidou.fr) et il y a toujours moins de visiteurs après 17 h.

Les frais de ce voyage ont été payés par la Maison de la France. Transport assuré par Air France.