Ça paraît tout simple: on prend un paquebot de 3000 passagers et 1300 membres d'équipage amarré à Miami et on l'amène huit jours plus tard de l'autre côté de l'Atlantique, aux îles Canaries. Simple, vraiment? C'est tout le contraire: rien que servir des repas variés et de qualité à tout ce monde pose d'importants défis de logistique.

«Les paquebots sont davantage conçus pour des escales plus rapprochées. Même sur le Pacifique, on navigue rarement plus de quatre ou cinq jours de suite. Plus d'une semaine, ça demande beaucoup d'organisation. Ne serait-ce que pour servir 13 000 repas... par jour!», explique Julian Brackenbury, directeur de l'hébergement sur le Celebrity Reflection.

Mais les croisiéristes n'ont pas le choix. Leurs hôtels flottants naviguent dans les Antilles l'hiver, puis passent aux destinations européennes l'été. Entre les deux, l'Atlantique. Pour faire le pont avec succès, on remplit le monstre à ras bord de nourriture, d'eau, de carburant. Et d'artistes pour amuser les passagers durant ce long passage.

Pas moins de 420 «palettes» de vivres ont ainsi été chargées à bord du Reflection avant son départ de Miami, fin avril. C'est que son premier vrai ravitaillement allait se faire à Barcelone, 13 jours plus tard, la petite île de Tenerife, d'abord abordée, n'étant pas propice à un réapprovisionnement majeur.

Tout cet approvisionnement est commandé de six à huit semaines à l'avance et doit être chargé dans un ordre très précis dans les soutes du navire.

Puis, c'est le grand départ.

Malgré les jours qui se succèdent, les fruits et les légumes éviteront de tourner de l'oeil. Les pains et pâtisseries sont faits sur place, les viandes et poissons gardés sous vide. Selon Mark Tomley, responsable des cuisines, la conservation des aliments n'est pas un problème.

Pas moins de 11 restaurants pour les passagers et 3 pour le personnel devront tout de même planifier leurs menus en fonction du temps qui passe. Des restos qui ont chacun leur cuisine, afin d'éviter toute contamination.

L'Opus, le plus important et un des plus luxueux à bord, est une véritable ruche lors du coup de feu. Les commandes se font par ordinateur depuis la salle à manger, en cuisine, les serveurs se déplacent dans des allées à sens unique pour éviter les collisions, et peuvent suivre étape par étape où en sont leurs plats sur écran. Comme le restaurant est sur deux étages, il abrite deux cuisines, pour que tout reste chaud.

L'approvisionnement en eau représente un autre défi, puisqu'il y a à bord 4300 personnes qui boivent, mais aussi se douchent, font laver leurs vêtements, vont à la piscine, s'attendent à des espaces communs impeccables. On emplit donc les réservoirs du navire à ras bord au départ. Mais cela ne suffit pas.

Le Reflection a été lancé en octobre 2012. Il dispose ainsi d'équipements dernier cri, comme une usine d'épuration des eaux dont bien des villes seraient jalouses. Des eaux qui, une fois traitées, serviront à la buanderie, à laver les ponts, etc. Une unité de désalinisation de l'eau de mer est aussi installée, comme complément.

Le carburant est lui aussi engrangé en quantité phénoménale. Trois génératrices (plus une de secours) diesel produisent 125 000 chevaux-vapeur. On calcule que chaque passager transatlantique coûte 20$ par jour rien qu'en carburant.

La croisière s'amuse

Une fois ces contingences physiques réglées, il faut bien divertir les passagers. Regarder passer les vagues pendant huit jours, c'est bien, mais il en faut un peu plus.

Damien de Lorenzis est responsable des activités à bord. Il en propose entre 85 et 95 chaque jour! Un tiers de sports, un tiers de musique, un tiers d'un peu de tout: conférences, films, ateliers informatiques, etc.

«Pour la Transatlantique, j'engage plus de monde, afin d'éviter de présenter deux fois le même spectacle, explique ce Torontois d'origine. Sur cette croisière-ci, 90 personnes travaillent exclusivement aux divertissements: les artistes, les humoristes, les musiciens, les danseurs, mais aussi les techniciens de scène, les preneurs de son, bien d'autres encore.»

D'autres, comme les acrobates qui, dit-il, ont souvent fait leurs classes à l'École du cirque de Montréal et au Cirque du Soleil. C'est d'ailleurs une entreprise de Montréal, Proship, qui fournit les musiciens. Des permanents qui, comme la plupart des autres employés, passent six mois continus à bord avant de prendre deux mois de congé. Quant aux conférenciers, plus nombreux sur les longs déplacements, ils offrent souvent leurs prestations en échange d'un passage gratuit.

La visite des parties réservées du bateau, comme les cuisines, représente également un divertissement très prisé des passagers. Celle du poste de pilotage l'était également, mais l'accès leur en est maintenant interdit, depuis le naufrage l'an dernier du Costa Concordia au large des côtes italiennes. Pas question de troubler le pilote!