Enfant, j'ai dévoré les livres de mythologie jusqu'à frôler l'indigestion. Quand l'occasion de faire une croisière dans les îles grecques s'est présentée, ce forfait appelé «Splendeurs de l'Égée» - un genre d'initiation à la Grèce - est devenu, pour moi, l'occasion de partir sur les traces de ces dieux qui m'ont tant fait rêver. Bienvenue à bord du navire l' Aquamarine et sur des terres où résonnent des échos de l'Olympe - je les ai entendus.

MYKONOS

Dans le souffle d'Éole

Je pensais «rencontrer» Dionysos, dieu de l'ivresse, à Mykonos. C'est Éole qui m'y attendait: je sais maintenant pourquoi l'endroit est surnommé l'île des vents! N'empêche. Impossible de ne pas succomber au charme des maisons dont les portes et les volets bleus se détachent des murs blancs, accrochées aux flancs des collines. Serpentant entre elles, un labyrinthe de rues étroites, à visiter le matin quand les fêtards dorment encore ou en milieu d'après-midi quand ils sont à la plage. Car Mykonos, même si elle est de plus en plus fréquentée par les familles, est encore réputée pour son côté festif. Puis, quand le côté sérieux prend (temporairement) le dessus, il faut faire un saut dans l'île sacrée de Delos. Apollon y serait né. Cela laisse de nombreuses traces.

SANTORIN

Coup de foudre pour Héphaïstos

Quand on se fait raconter l'histoire de l'archipel de Santorin, il ne fait nul doute qu'Héphaïstos, dieu du feu, y a autrefois régné en maître: en 1450 av. J.-C., le volcan au centre de ces terres est entré en éruption et l'île a éclaté, se transformant en un archipel dont le principal élément est Thira, l'île aux falaises spectaculaires où se superposent couches de cendres rouges, noires et grises. À leur sommet, ce qui semble de la neige. Illusion. Ce sont ses villes. Bref, quand on arrive à proximité de ces îles, c'est l'image de l'épouse du dieu boiteux, Aphrodite, qui s'impose: ce lieu est de divine beauté. La réputation de Santorin n'est pas surfaite. J'y ai passé une demi-journée, qui s'est conclue par un coucher de soleil somptueux. En fait, Bernard ne savait plus où donner de l'objectif. Nous serions restés là plus longtemps.

CRÊTE

Zeus, père et fils

Où aurait pu naître le dieu des dieux grecs, Zeus, sinon sur la plus grande île de Grèce, la Crête? Et non seulement y a-t-il vu le jour mais un de ses enfants illégitimes, Minos, y est aussi né et y a régné. À preuve (!), le palais de Knossos, dont j'ai visité les ruines, à proximité d'Héraklion. J'y ai vu les fresques, la salle du trône, les jarres. Mais je n'ai pu m'échapper pour partir à la recherche du labyrinthe mythique que Dédale aurait construit et où le Minotaure était emprisonné. J'aurais rêvé faire une Ariane de moi-même et visiter ce... dédale. J'ai quand même eu la chance d'apercevoir le début de vieille route qu'empruntait Minos pour aller visiter son père, tous les neuf ans, au sommet du mont Ida. Une ascension qui m'appelait aussi. Pour faire coucou à Zeus, peut-être. Mais, surtout, pour marcher dans de la neige grecque!

RHODES

Caressée par Hélios

C'est là que j'ai compris ce que Bernard voulait dire quand il me répétait: «C'est pas ça, la Grèce.» Pour lui qui en était à son cinquième passage en terre hellénique, la lumière qui nous accompagnait depuis notre arrivée n'était pas grecque. J'ai su, à Rhodes, qu'il avait raison. La ville baignait dans une lumière (grecque, oui), celle d'Hélios, qui donnait vie aux remparts, à la rue des Chevaliers, au palais des Grands Maîtres. Seule déception: le colosse à l'effigie du dieu soleil. À l'entrée du port Mandraki où, selon la légende, il se dressait, se trouvent deux colonnes coiffées d'un cerf et d'une biche. Sauf que la biche a été victime d'un séisme (comme le colosse!). Elle réapparaîtra cet été et profitera des rayons d'Hélios - comme nous l'avons fait en déambulant dans des rues commerciales. Où mon portefeuille a lui aussi pris du soleil. Trop.

PATMOS

L'empreinte d'Hadès

Dominée par le monastère de Saint-Jean, l'île de Patmos est un havre de paix. Elle a pourtant été un enfer pour l'apôtre Jean, qui y a connu l'exil en 95. C'est là, dans une grotte, qu'il aurait eu la vision de l'Apocalypse. Une vision qui, aux temps anciens des oracles, aurait pu être interprétée comme les Enfers, dirigés par Hadès, ouvrant leur gueule béante pour engloutir les impies. J'ai découvert cette page d'histoire où les anciennes croyances croisent la route du christianisme lors d'une passionnante visite guidée de la grotte (qui, chargée de décorations, a perdu en sobriété et en naturel) et du monastère bâti là où se trouvait un fabuleux temple consacré à Artémis. Conseil d'amie: avant d'utiliser les appareils photo en des lieux où cela est interdit, renseignez-vous sur la légende des cailloux jaunes...



Photo: Bernard Brault, La Presse

Des bateaux de pêcheurs dans le port Venetian, à Héraklion, sur l'île de Crête.

KUSADASI (TURQUIE)

Arès et moi


Grecs et Turcs ont un passé commun marqué par les conflits. J'ai posé le pied à Kusadasi sûre d'y croiser Arès, dieu de la guerre. Il était là. Mais un Arès à ma mesure: ce sont mes démons personnels que j'ai eu à affronter dans les ruelles commerciales où le bijoutier tente de crier plus fort que le marchand de tapis. J'ai regretté de ne pas être allée à Éphèse, à quelques kilomètres de là, visiter les ruines de la mythique cité de marbre. J'ai donc tourné les talons, repris la direction du port. Et soudain, le calme. Personne pour me tirer par le bras, me dire que j'avais besoin de cette bague ou que ce châle allait faire ressortir la couleur de mes yeux. C'est là que j'ai sorti mon portefeuille. Et que j'ai eu à me battre contre mes propres démons pour ne pas le vider! L'escale Kusadasi, c'est la ruine ou les ruines (elles, recommandées)!

SUR LA MER ÉGÉE

Les humeurs de Poséidon

La mer Égée est connue pour son «tempérament» bien... trempé: quand Poséidon est en colère, ses eaux sont démontées. Mais l' Aquamarine supporte bien ces sautes d'humeur et nous avons traversé sans problème la tempête et la houle qui frappaient au moment de notre sortie du port de Mykonos. C'était le début d'une sympathique aventure de quatre jours. Même s'il n'est pas un navire de «dernière génération» (il a été inauguré en 1982) et si rien n'y est luxueux, le service est chaleureux et complet, l'atmosphère est intime (il n'accueille «que» 1168 passagers) et très conviviale. Bref, pas la peine de sortir smoking et robe longue pour les repas au restaurant - mais un petit effort est suggéré pour la soirée du capitaine!

Photo: Bernard Brault, La Presse

Un Turc boit un thé à la pomme, très populaire en Turquie.