Emblème du Shanghai des années 30, l'Hôtel de la Paix devrait retrouver sa splendeur passée, grâce aux efforts d'architectes, d'historiens et à de gros investissements, à quelques mois de l'ouverture de l'exposition universelle.

L'édifice Art deco du Bund, la mythique artère de Shanghai longeant la rivière Huangpu, avait vu passer Charlie Chaplin, Noel Coward -- qui termina en ses murs sa pièce «Private Lives» -- et bien d'autres hôtes ou invités des soirées huppées organisées par son propriétaire Victor Sassoon.

Mais la guerre, la révolution et une série de rénovations ni faites ni à faire avaient eu raison de son éclat. L'ancien Cathay, un des établissements les plus luxueux de l'Orient, était devenu ombre de lui-même.

Aujourd'hui, toute une équipe s'affaire à essayer de terminer à temps pour l'Exposition universelle de 2010, qui ouvre en mai, une rénovation de 500 millions de yuans (50 millions d'euros).

«Nous pensions que ce serait un projet qui irait tout seul. Cela ne s'est pas passé comme ça», explique Ian Carr, du cabinet Hirsch Bedner Associates, qui a mené d'autres travaux de restauration prestigieux, comme le Savoy de Londres.

«On n'avait aucun moyen de savoir ce qui était d'origine, ce qui était un artifice, ni à quel moment cela avait changé», ajoute-t-il.

Les beaux jours du Cathay s'envolèrent en août 1937 avec l'explosion à sa porte de deux bombes japonaises.

Guerre mondiale, guerre civile, en 1941 l'hôtel ferme et ne rouvre, sous le nom d'hôtel de la Paix, qu'en 1956 pour des délégations soviétiques en visite.

Dix ans plus tard, la Révolution culturelle éclate et les employés dotent hâtivement les lieux de nouveaux plafonds pour cacher des symboles impériaux que n'auraient pas manqué de détruire les Gardes rouges.

Dans les années 80, des marbres disparaissent, victimes d'un rafraîchissement de l'établissement.

Et pendant tout ce temps, le mobilier original est peu à peu vendu.

Pour «trouver une piste sérieuse» et savoir comment étaient vraiment les lieux d'origine, l'équipe de Carr entame un travail de détective: elle contacte les architectes de 1929, Palmer and Turner, traque la famille Sassoon aux Bahamas, et fait passer des appels dans La Presse de Shanghai pour trouver toute personne susceptible d'avoir des informations.

Pratiquement en vain.

Certains estiment que cela n'a finalement que peu d'importance: «les gens ont aujourd'hui des goûts différents. Je ne suis pas sûr que les touristes adoreraient le style des années 1920», dit Lu Jiansong, spécialiste du patrimoine à l'Université Fudan de Shanghai.

L'historien Peter Hibbard a un tout autre point de vue et a apporté sa pierre au projet, avec de nombreuses photos et coupures de presse d'époque, et même un précieux film.

«Cette ville peut tromper tout le monde. Il est si difficile de savoir ce qui est faux, ce qui est vieux, neuf. C'est un mystère total», relève-t-il.

La tâche de Carr a été encore compliquée par des sensibilités et des approches différentes de la question de la part du nouveau gérant, Fairmont Hotels and Resorts, du propriétaire, le groupe Jinjiang contrôlé par la municipalité, et les autorités du patrimoine.

Sans oublier un hôte difficile de l'hôtel, China Telecom, qui a refusé de quitter ses bureaux du deuxième étage et obligé les restaurateurs à des contorsions.

Pourtant, grâce à un plan des années 1920, l'équipe estime avoir redonné aux chambres leurs dimensions et leur harmonie d'origine, après tant de changements erratiques qui avaient notamment vu des salles de bains installées devant les fenêtres.

Mais le clou du nouvel hôtel, dont les lampes Lalique et les balustrades de bronze ont été toilettées, devrait être son hall surplombé d'une coupole transparente, masquée au fil des ans.