Fondé en 1901 autour d'une pulperie et fermé en 1927, Val-Jalbert, petit village d'entreprise, nous plonge dans l'époque où les journaux prenaient leur essor, où les familles avaient entre sept et neuf enfants et où l'électricité était un privilège rare. Incursion dans le temps des moulins à pulpe.

La chute Ouiatchouan fait 72 mètres de hauteur, soit 20 de plus que les chutes du Niagara! Le jour, elle se fracasse en mille crinières d'écume blanche. Le soir, elle passe du rose au blanc, vire au jaune, tourne au vert, sous l'effet d'un éclairage habile. Chose certaine: c'est la splendeur du village et, sans elle, Val-Jalbert n'aurait jamais vu le jour.

Cure de jouvence

Plutôt que de prendre des rides, le Village historique de Val-Jalbert résonne plus que jamais des échos de son ancienne prospérité. Au terme d'une cure de revitalisation étalée sur quatre ans, au coût de 19,7 millions, financée par des fonds provinciaux et fédéraux, il offre de nouveaux hébergements quatre étoiles et maintes activités et animations, sans jamais sacrifier son authenticité d'origine.

Trottoirs de bois et wi-fi

Des trottoirs de bois mènent les visiteurs à leur chambre, située à l'étage du magasin général ou dans un petit jumelé pour anciennes familles d'ouvriers. À l'intérieur, les murs lambrissés, typiques des années 20, d'un blanc immaculé et ornés de vieilles photos du village, dissimulent les installations hôtelières à la fine pointe: mini-frigo, machine à café, micro-ondes, téléviseur au plasma, planche à repasser, etc. La connexion wi-fi est offerte gratuitement. Le plancher est en bois naturel. La douche vitrée, sans seuil, contient un strapontin, une tête de pluie et une douche téléphone. Tout est accessible en fauteuil roulant.

Tout là-haut

Un téléphérique - ou 1764 marches! - nous hisse jusqu'à un point de vue de géant: Val-Jalbert à nos pieds et le lac Saint-Jean, juste à côté, sorte d'immense bleuet dont on ne verrait que la calotte. Un petit sentier mène encore plus haut, jusqu'aux chutes Malignes, 49 mètres de bouillons blancs, en amont de la grande Ouiatchouan.

Les Malignes alimentent un réservoir qui servait de bassin de flottage, du temps de l'usine à pâte, pour la pitoune venant des affluents environnants.

Un nouveau belvédère, 64 marches plus haut que le vieux moulin, nous accueille sur un plancher de verre, en plein coeur du déferlement. On se sent bien petit!



Un village modèle

Le tout nouveau «spectacle d'immersion», présenté dans la salle des défibreurs du moulin (salle sans fauteuils, mais riche de vestiges), résume 100 ans d'histoire en 25 minutes, avec force effets sonores et lumineux, ainsi que des projections sur 360 degrés.

On y apprend que Val-Jalbert était, à l'époque, considéré comme un village modèle, en avance sur son temps, avec un plan d'urbanisme précis et des maisons d'architecte, flanquées d'un jardin, munies de l'électricité, de l'eau courante, et même du chauffage central à air pulsé. Il y avait un réseau d'égouts et un bureau de poste avec téléphone. Les rues étaient larges, éclairées et bordées d'arbres.

Dans ses belles années, le village comptait 180 travailleurs à l'usine et 80 maisons. (Une quarantaine sont maintenant rénovées.) Les emplois étaient bien rémunérés, mais comptaient leur lot d'inconvénients: surdité causée par le bruit, doigts arrachés par une machine...

Le curé du village ne manquait pas de travail: il y a eu 67 mariages entre 1911 et 1929, et on compte 267 sépultures dans le petit cimetière, dont celles de 124 bébés de moins de 1 an... En 1918, la grippe espagnole a fait 14 morts en 16 jours, emportant beaucoup d'enfants et de femmes enceintes.

Un industriel clairvoyant

Le fondateur du village, Damase Jalbert, était un homme d'affaires né à Cap-Saint-Ignace. Son capital ne pouvait se comparer à celui des grandes sociétés forestières, mais il a eu la perspicacité, comme elles, d'acquérir un territoire et d'y établir une pulperie, avec des actionnaires totalement canadiens-français. Le secteur des pâtes et papiers était en croissance fulgurante, avec la multiplication des journaux aux États-Unis et en Europe. Damase Jalbert est malheureusement mort en 1904, et son village est passé à des intérêts américains. L'usine et son agglomération sont toutefois revenues en des mains québécoises en 1909 (la Compagnie de pulpe de Chicoutimi).

Mise en ballots

Comment les billes de bois étaient-elles transformées en pâte de bois (ou pulpe)? Quelques écrans tactiles nous l'expliquent, en nombreuses images. Les troncs étaient écorcés. Puis, une meule (actionnée par une turbine mue par l'eau de la chute) les réduisait en pâte "mécanique". Cette sorte de "gruau" était tamisé deux fois, pressé et roulé en ballots de 450 livres. Des trains les distribuaient dans toute l'Amérique du Nord. Ils partaient pour l'Europe sur des bateaux, par le port de Chicoutimi.

Objets du passé

Dans le musée du moulin, on peut examiner le matériel quotidien des travailleurs de Val-Jalbert: chemises à carreaux, rudes pantalons, boîtes à lunch, gamelles... On y découvre aussi les outils des patrons: livres de compte, feuilles de paie, ainsi qu'un hallucinant horodateur mécanique.

Soeur sainte Claire d'Assise

Au couvent-école, les soeurs Notre-Dame du Bon-Conseil demeuraient à l'étage et enseignaient au rez-de-chaussée, dans quatre salles de classe. Parmi les pupitres d'écoliers, pianos et harmoniums rescapés de cette époque, une religieuse - excellente comédienne! - nous fait gaillardement la morale comme dans le bon vieux temps. «Les soeurs ont été nombreuses à se succéder à Val-Jalbert, martèle soeur sainte Claire d'Assise. La vie au village était considérée comme tellement douce que les autorités du couvent, par souci de justice, veillaient à répartir également le privilège d'y enseigner.»

Saveurs du terroir

Au Restaurant du moulin, on se délecte de fraîchissimes denrées du terroir: volaille aux pleurotes, saumon à l'aneth et poivre des dunes, omelette au fromage Perron, côte braisée aux baies cassinoïdes d'Origina... Le chef Carl Murray, petit-fils d'un ouvrier de la pulperie, converse volontiers avec les clients.

Mini-centrale électrique

C'est maintenant ou jamais qu'on peut admirer la chute Ouiatchouan dans toute sa majesté, car l'année prochaine, elle aura perdu environ le tiers de son débit, n'en déplaise aux visiteurs et aux ouaouarons peuplant ce milieu humide.

Une mini-centrale électrique de 16 mégawatts, un projet controversé, est en effet en voie de réalisation. «Elle fera dévier, du sommet de la chute, 4 mètres cubes d'eau par seconde durant le jour, explique un animateur. Le débit de la Ouiatchouan, de 12 m3/s par une journée type, se réduira alors à 8 m3/s.»

La nuit, la minicentrale fonctionnera à plein régime, en maintenant toutefois au moins 0,3 m3/s de débit, concession faite à l'écosystème.

Repères

Un forfait pour deux, incluant le souper table d'hôte, une nuitée dans le village et un petit-déjeuner, coûte 279$, taxes en sus. Le forfait famille correspondant: 350$. Le camping juste avant l'entrée du village, lui aussi remis à jour, propose des mini-chalets pour une famille de quatre, chauffés, avec petite cuisine et salle de bains, pour 79$ par jour.

Info: www.valjalbert.com