Tantôt farouche, tantôt sournoise, la truite bleue exige une qualité d'eau fraîche, oxygénée et claire. D'où la présence de ce poisson unique dans la rivière Sainte-Marguerite.

Le temps est frais, les arbres parés de leurs coloris d'automne; nous sommes à la fin du mois de septembre, en pleine saison de la chasse.

Mais ce matin-là, Conrad Lortie et Jean Moffat arpentent les rives de la rivière Sainte-Marguerite, un des tributaires de la rive nord du Saguenay, avec leurs longues bottes et leurs cannes à mouche. On devine qu'ils ne sont pas en train de «caller» l'orignal. Pourtant, la pêche au saumon et à la truite mouchetée est terminée depuis un petit moment un peu partout au Québec.

Conrad Lortie, 67 ans, professeur à la retraite, arrive de Québec, tandis que son copain Jean Moffat, 59 ans, a fait le voyage d'Alma. C'est que la Sainte-Marguerite, comme trois autres rivières qui se jettent dans le fjord, abrite un poisson méconnu, unique au Québec: la truite bleue.

En raison du comportement migratoire de cette truite mouchetée bien particulière, une saison de pêche spéciale a été instaurée de la mi-septembre à la mi-octobre, alors qu'ailleurs en province, le plus populaire de nos salmonidés peut s'adonner en toute quiétude aux grands ébats de la reproduction.

«Pour les amateurs que nous sommes, c'est exceptionnel. Le paysage est magnifique, les pêcheurs, peu nombreux et le poisson, habituellement au rendez-vous», dit Jean Moffat. Mais le succès se mérite. Pas question ici de remplir son congélateur. La limite quotidienne permise est de cinq prises, dont une seule peut dépasser les 36 cm.

Tout autre poisson doit être remis à l'eau.

La Sainte-Marguerite s'étale sur une centaine de kilomètres de longueur, et ses eaux vives, parfois très encaissées, se prolongent souvent sur des centaines de mètres de largeur. On y pêche le saumon en saison. Les rendez-vous d'automne avec la truite bleue ont lieu sur une quarantaine des 75 fosses que compte la rivière.

Seule la pêche à la mouche est permise. «Sans jeu de mots, il ne faut pas se leurrer, explique M. Moffat. C'est un défi. La truite est farouche. On entre dans l'eau doucement en évitant de se faire voir par le poisson, puis on lance la mouche délicatement, mais on retire le fil par saccades. C'est à ce moment précis que la truite se manifeste. Un moment d'excitation suprême.»

Même si le poisson boude, le bruit de l'eau, les couleurs automnales et la tranquillité des lieux parviennent à combler tout pêcheur digne de ce nom. Et puis, vous pouvez changer de fosse autant de fois que vous voulez. Ce n'est pas l'espace qui manque.

L'automne dernier, 868 truites bleues ont été capturées dans la Sainte-Marguerite. Jean Moffat n'hésite pas à partager ses secrets de pêcheur: si le débit est élevé, il vaut mieux privilégier les fosses 1 à 4, près de Sacré-Coeur. Au petit matin, pointez-vous sur la 1, la 4, la 8A ou la 29. Ses mouches préférées: Mudller Minnow, Wolly-Bugger et Mud-Lapin, une mouche qu'on trouve facilement dans la région. «Mais rappelez-vous, dit le pêcheur dans un grand éclat de rire, la meilleure mouche est toujours celle qui est à l'eau!»

Un omble unique

La truite bleue est un omble de fontaine, la fameuse truite mouchetée. Il s'agit de lignées anadromes qui normalement naissent en rivière et y vivent deux ans, pour ensuite séjourner dans l'eau salée très riche en nourriture.

À maturité, les poissons reviennent se reproduire dans leur rivière natale. À sa rentrée en eau douce, la livrée de la truite est argentée. Mais celle qui a séjourné dans le Saguenay a souvent des reflets bleutés, d'où son nom populaire.

Les biologistes ont réalisé il y a quelques années le caractère unique de la truite bleue, qui ne migre pas vers l'eau salée, contrairement au saumon et à la truite de mer. Elle vit plutôt dans la couche d'eau douce du Saguenay qui recouvre les eaux plus salines en profondeur, explique le biologiste Marc Valentine, du bureau du ministère des Richesses naturelles et de la Faune, à Jonquière. Avec son équipe, il a aussi réussi à réintroduire l'espèce avec succès dans la Rivière-à-Mars, à La Baie.

Quand l'omble arrive dans le fjord au printemps, il atteint environ 11 cm de longueur. Sa taille aura doublé en fin d'été, quand le poisson quitte les eaux extrêmement froides du Saguenay pour se réfugier en rivière. Mais il sera encore trop jeune pour se reproduire.

À son deuxième été dans le Saguenay, il pourra atteindre de 30 à 36 cm de longueur et sera alors en âge de frayer une première fois. Règle générale, peu de reproducteurs sont présents dans les fosses ouvertes aux pêcheurs l'automne. Mais la surprise est toujours possible. En 2012, il s'est capturé un spécimen de près de 4 kg dans la Sainte-Marguerite.

Pour en savoir plus

La pêche à la truite bleue sur les rivières Sainte-Marguerite, Rivière-à-Mars et Saint-Jean est gérée par des sociétés à but non lucratif. On y pêche le saumon et l'omble de fontaine pendant l'été. La rivière Éternité fait partie du parc national du Fjord-du-Saguenay, mais la pêche s'y termine le 8 septembre.

www.rivieresainte-marguerite.com

www.peche.riviereamars.com

www.rivierestjean.com

www.sepaq.com

> Hébergement

Il existe plusieurs possibilités d'hébergement. On peut se renseigner sur le site de chaque rivière. Pendant notre séjour, nous avons logé en chalet, près de Sacré-Coeur, à la Ferme 5 Étoiles qui offre aussi un service de pension.

> Guide

Même si les préposés à l'accueil sont très serviables, il est habituellement fort utile de réserver les services d'un guide pour votre première expérience de pêche à la truite bleue, ne serait-ce que pour vous familiariser avec la rivière. Chaque organisation fournit une liste de noms. Il faut réserver. Les forfaits peuvent varier sensiblement d'un guide à l'autre. Les services de Sylvain Gagnon, de La Boîte à mouches à Chicoutimi, ont coûté 350$ (taxes incluses) pour un après-midi et deux pêcheurs.

www.laboiteamouches.ca

> Droits de pêche: environ 25$ par jour.

S'équiper pour la mouche

Difficile de dire combien de Québécois sont des adeptes de la pêche à la mouche. L'an dernier, plus de 700 000 personnes ont acheté un permis. Ce qui inclut environ 13 000 amateurs de saumon, les seuls qui doivent obligatoirement se servir d'une canne à mouche pour prendre leur poisson. Mais il pourrait y en avoir davantage. Chose certaine, pas besoin d'une fortune pour s'équiper, car on trouve du matériel à tous les prix.

> Équipement de base

Le moulinet

La canne

De la soie (ici à l'extrémité calant)

Le bas de ligne (pour fixer la mouche)

L'indispensable veste de pêche

Une épuisette

Un coupe-ongle pour couper son fil

Les mouches essentielles pour débutant: Muddler Minnow, Magog Smelt, Kiwi Bunny, Wolly Bugger (ces mouches noyées imitent de petits poissons).

Des cuissardes résistantes et des bottes confortables

Pour vos premiers lancers de la saison...

La truite bleue se taquine à la mouche, une technique qui fait chaque année de nouveaux adeptes. Pour la maîtriser, pas besoin de s'attaquer d'emblée à ce poisson mystérieux. Des dizaines de rivières se prêtent à merveille à la pêche à la mouche. Au printemps, on y prend de l'omble de fontaine, plus rarement de la truite arc-en-ciel et de la truite brune. Au cours de l'été, l'achigan, le brochet ou encore la perchaude prennent le plus souvent la relève. Certaines de ces rivières ne sont intéressantes que sur une partie de leur cours. Plusieurs sont administrées par des associations locales ou coulent dans des réserves fauniques.

Voici une courte liste de cours d'eau relativement accessibles de la grande région métropolitaine.

Rivière du Nord, Laurentides www.parcrivieredunord.ca

Rivière Doncaster, Laurentides www.parcdoncaster.com

Rivière Yamaska-Nord, Montérégie www.acpe.cc

Rivière Châteauguay, Montérégie

Rivière Saint-François, Cantons-de-l'Est, Chaudière-Appalaches et Centre-du-Québec

Rivière Nicolet, Centre-du-Québec www.pechenicolet.com

Rivière Noire, Centre-du-Québec - www.parcdesgrandescoulees.com

Rivière Shawinigan, Mauricie

>>> Consultez notre carte des rivières

À vos lignes!

La Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs vous invite à consulter son nouveau site, qui permet aux amateurs de pêche de découvrir rapidement les endroits de pêche à gué, les rampes de mise à l'eau, les quais publics ou encore les espèces de poissons de la région. On y trouve 1544 points d'accès.

carte.allonspecher.com

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE