Notre journaliste Sara Champagne passe le mois de juillet à parcourir les campings de la province. Voici son premier récit, directement du lac Saint-Jean.

On dirait une grosse boule de gomme balloune rose. C'est le soleil qui se couche sur lac. L'eau est calme, d'un bleu nuit. Le sable s'enfonce sous les orteils. On a planté des palapas. On pourrait s'y méprendre, et croire à des pays chauds. Mais c'est le lac Saint-Jean.

La vieille dame de la roulotte d'en face, Mme Villeneuve, est venue se présenter avec sa bouteille d'huile à la citronnelle. C'est son truc pour allumer un feu et éloigner les maringouins très voraces en cette soirée. Elle passe ses étés au Camping plage Blanchet, situé en retrait du village Desbiens. «Vous savez, a-t-elle expliqué avec un sourire doux, les couchers de soleil sont différents chaque soir par ici. Ils sont toujours beaux.»

Le camping compte un peu plus de 200 terrains sur un vaste emplacement. Environ le tiers est occupé par des saisonniers. Les autres sont loués à des campeurs de passage. Il y a deux roulottes offertes en location dans ce qu'on appelle la formule «prêt-à-camper», pouvant loger de quatre et six personnes pour environ 100 dollars la nuit. C'est l'équivalent d'un tout inclus dans les Caraïbes, à la difference qu'il faut avoir sa literie, qu'il n'y a pas de buffet à volonté, qu'il faut acheter une bouteille de propane à la reception pour le barbecue. Et son bois pour les guimauves sur le feu.

Des habitués

Marie se pointe dans sa robe-soleil bleue. Elle a conservé un peu de son accent du «Lac», comme ils disent par ici. Elle explique qu'elle voyage à l'extérieur du Québec durant l'hiver, et qu'elle passe un mois au camping avec ses cousines durant l'été. Elles sont installées dans des roulottes luxueuses avec vue directement sur le lac. «On pourrait passer nos vacances ailleurs, mais on n'a pas trouvé mieux, dit-elle. Alors dans le fond, pourquoi se casser la tête.»

Un autre matin à ne pas se casser la tête se lève donc sur le camping. Il n'y a que le chant des tourterelles et la brise dans les arbres pour briser le silence. Comme chaque jour, des cannetons sortent d'un marais situé à proximité et suivent leur mère jusqu'au lac. On est loin des flamants roses en plastique. Il y a des lièvres. Ce sont des «habitués de la place», curieux de voir débarquer de nouveaux visages.

L'endroit est l'un des joyaux de la région. Le terrain a été légué à l'initiative du vicaire de la paroisse, Gérard-Blanchet, des pères rédemptoristes. Pour seule condition, la congrégation a demandé aux villageois de conserver une mission familiale. Le camping est géré à titre d'organisme à but non lucratif, et durant l'été, des jeunes de la région y travaillent. Ce sont eux qui viennent à la rescousse quand on ne parvient pas à allumer le barbecue, quand on cherche son chemin, ou quand on a besoin d'une autre chaise de parterre.

Des enfants circulent à vélo sur le chemin de gravier. D'autres pataugent dans le lac sous la surveillance d'un sauveteur. Les balançoires sont populaires. Ici, les enfants ont reçu la liberté de jouer. Ils ont tôt fait de se créer des amitiés. La petite Gabrielle a présenté «Mignonne», son cochon d'Inde qui la suit partout. Elle a offert des guimauves sur le feu, et a fait visiter sa roulotte. Un autre soleil se couche sur le lac. Celui-là ressemble à un oeuf au miroir.