Devant les dessins d'Allen Grégoire, exposés au Musée huron-wendat à Wendake, près de Québec, les questions surgissent, les symboles se combinent, l'imagination se met en marche. Une façon pour lui de transmettre sa culture, son patrimoine.

Chacun des dessins de l'artiste autochtone Allen Grégoire est inspiré d'une légende. Celle qui explique pourquoi le castor a un ongle fendu en deux, pourquoi la martre arbore une tache blanche sur la poitrine... Et les caractéristiques animales, tout comme les caractères humains, sont prétextes aux images les plus fantasmagoriques, minutieusement dessinées.

Pour faire le portrait d'une tante de son père, coiffée d'une terre de sapins où se tiennent deux cerfs (La mère terre, un très beau dessin à l'encre), il aura fallu près de quatre ans à Allen Grégoire. «Elle avait un air soucieux, interrogatif, et je trouvais que ça cadrait avec mes questionnements sur le sort que les hommes vont réserver à la planète», explique le sculpteur innu, qui vit de la vente des objets qu'il fabrique selon le savoir-faire traditionnel, dont un échantillon (calumets, bijoux, outils) se trouve en vitrine de l'exposition présentée dans la salle du bas du Musée. Allen Grégoire a fondé en 2004 l'Alliance des artisans Pekuakamiulnuatsh avec six artisans de Mashteuiatsh, près du lac Saint-Jean.

Ses sculptures sur andouiller et os d'orignal, dont certaines ont pris des mois à réaliser, jouent avec les différentes couches de couleurs du panache pour créer des ombres et des perspectives dans ses bas-reliefs singuliers. Il y représente des scènes de genre, montrant des hommes qui cultivent la terre, tendent des peaux ou tirent des traîneaux. Ses sculptures sur pierre, quant à elles, représentent des ours, des oiseaux, des visages.

Besoin de transmettre

En collaborant avec La Boîte Rouge vif, qui tente de stimuler la création au sein des peuples autochtones, il a ressenti le besoin, il y a plusieurs années déjà, de transmettre les histoires de son peuple pour que son savoir, sa sagesse et sa poésie ne se perdent pas.

«Je veux qu'un enfant pose des questions en voyant le dessin et que l'adulte n'ait pas le choix de lui raconter ce qu'il sait. Sinon, ce savoir se perd, ce n'est écrit nulle part», souligne-t-il. Devant les dessins pointillistes La femme et la martre ou Le carcajou et les outardes, on a effectivement envie de lui demander de raconter (ce que s'empresseront de faire les guides du Musée si vous vous rendez sur place).

Le seul texte de légende affiché dans l'exposition raconte que des esprits aux visages étroits hantent son peuple, à la fois protecteurs et joueurs de tours. «On peut les voir de profil, mais lorsqu'ils sont de face, ils disparaissent. On les appelle les emprunteurs. La nuit, ils prennent de petits outils, des bouts de toile», raconte l'artiste né sur la Côte-Nord, qui habite maintenant Pointe-Bleue.

Une de ses oeuvres vient d'être sélectionnée par la Monnaie royale canadienne. En 2005, trois de ses oeuvres ont été choisies pour représenter la culture innue au Musée du Louvre la même année.

L'exposition Ashini Eshken mak Mikuan (qui signifie «pierre, panache et plume» est présentée au Musée huron-wendat (1, place de la Rencontre, à Wendake) jusqu'au 24 avril.

Photo Yan Doublet, Le Soleil