«Je ne suis pas gêné de dire que le parc marin de l'île Bonaventure fait partie des 10 plus beaux sites de plongée au monde.» Steven Melanson connaît comme le fond de sa poche les eaux qui ceinturent l'île Bonaventure, au large de Percé. Il a plongé 350, voire 400 fois dans les 26 sites disséminés autour de l'île. Et chaque fois, il retombe sous le charme.

«Les falaises et le fond marin sont tellement pleins de vie qu'il y a des endroits où on ne peut même pas poser le doigt!», lance le directeur du club nautique de Percé. Les eaux sont mille fois plus riches que ceux qui restent à la surface pourraient le croire: anémones plumeuses, étoiles de mer, oursins, éponges, crabes, homards... «Parfois, par un coup de chance, on peut croiser un thon - j'en ai vu un l'été dernier qui devait peser entre 300 et 360 kg -, un poisson-lune, un requin-pèlerin. Mais les phoques, eux, sont des compagnons de plongée beaucoup plus fréquents.»

Avec les fous de Bassan, les phoques sont en effet les grandes vedettes de l'île Bonaventure. Selon Rémi Plourde, directeur du parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé et du parc national de Miguasha, on peut facilement voir plus de 200 phoques dans le secteur pendant l'été. «Un automne, j'ai déjà compté 140 phoques couchés sur la plage de la baie des Marigots!»

«Dans 95 % des cas, ce sont des phoques gris qui viennent dans le Saint-Laurent pour se nourrir», explique Esther Blier, directrice générale du Réseau d'observation des mammifères marins (ROMM).

«S'il y en a autant autour de l'île Bonaventure, c'est en raison des nombreux rochers qui émergent de l'eau et où ils peuvent se reposer sans être dérangés.»

Les phoques gris sont plus gros que les phoques communs. Plus territoriaux aussi. Mais ils n'en sont pas moins curieux comme des chiots lorsqu'ils croisent un humain chaussé de palmes barbotant dans les vagues.

C'est pour avoir la chance de nager au milieu des phoques que des centaines de plongeurs sous-marins font chaque année le trajet vers Percé. L'eau n'est pas si froide qu'on pourrait le croire: de 16 à 18 °C en juillet et août. Les sites étant peu profonds - 12 m en moyenne -, ils restent accessibles même aux plongeurs moins expérimentés.

Les marées, les vagues, le vent et les courants peuvent par contre venir compliquer la donne. «C'est la mer qui décide du lieu où on plonge», explique Steven Melanson.

Or, le jour de notre visite, la mer ne semble pas disposée à nous accueillir. Un vent tenace souffle sur la baie et les drapeaux claquent comme des fouets. Même les gros bateaux qui font des croisières autour du rocher Percé menacent de rester à quai. Scrutant la mer, Steven Melanson hésite à lancer le bateau pneumatique sur l'eau. «L'île protège les sites de plongée des grands vents, mais c'est la traversée qui risque d'être rock'n'roll.» Quand, après le dîner, les vents faiblissent, il n'hésite pas: on part.

Bonne décision! À la pointe sud de l'île, les eaux sont étonnamment calmes. Les phoques - pas fous - sont venus s'y réfugier en grand nombre. La sortie en mer s'annonce riche en rencontres, tant pour les plongeurs que pour les apnéistes. Car il est possible d'observer les phoques de la surface, même si la visibilité est loin d'être fantastique (entre 2 et 12 m selon les cas) en raison notamment des sédiments en suspension qui abondent.

«Un apnéiste qui descend a tout de même de fortes chances de voir les phoques. Les phoques sont plus portés à s'approcher, car contrairement aux plongeurs, il ne font pas de bulle, pas de bruit...»

Pour les plongeurs, les consignes sont claires: il faudra éviter de remuer les bras pour ne pas effrayer les phoques. « Ce sont surtout les palmes qui les intéressent. On peut présenter nos palmes aux phoques, mais en les regardant du coin de l'oeil. Il faut éviter le contact visuel, qui est perçu comme un signe de confrontation. »

Difficile tout de même de ne pas ouvrir les yeux tout ronds quand, pour la première fois, un phoque plus gros qu'un frigo vient mâchouiller nos palmes, intrigué. Pendant la plongée d'une trentaine de minutes, nous apercevrons cinq ou six phoques différents. Le plus craintif reste à distance ; un autre nous ignore avec superbe, couché sur le fond rocailleux. Mais le plus joueur s'amuse allègrement à croquer mes palmes bleu électrique. Je plie le genou doucement; il se rapproche sans crainte. À travers mon masque, j'ai l'impression d'observer un chiot géant s'amuser avec un jouet.

«Les phoques ont la mentalité d'un chien de 1 an, lancera d'ailleurs Steven Melanson une fois de retour à bord. Ils sont joueurs et curieux; mais il ne faut pas oublier qu'ils peuvent peser jusqu'à 350 kg, qu'ils ont des canines de 2,5 cm de long et que leur mâchoire est aussi forte que celle d'un ours.»

Il se souvient de ce jeune mâle particulièrement insistant, que des amis vidéastes et lui ont surnommé Bob. «Il devait peser entre 180 et 225 kg et mesurer plus de 1,80 m. À un moment, il a pris ma tête dans sa mâchoire pour tirer sur ma cagoule.» Les images ont été captées et mises en ligne sur Vimeo.

À savoir

Les sorties en mer sont offertes jusqu'à la mi-septembre, voire le début du mois d'octobre selon l'achalandage. Rien ne garantit toutefois que les phoques seront de la partie. «Mais on en aperçoit dans 75 % des plongées. À partir de la mi-juillet, les plus jeunes sont sevrés et on dirait que les phoques sont plus portés à interagir avec les plongeurs.»

Le club nautique offre des sorties d'initiation pour les clients qui ne possèdent pas de certification en plongée. L'activité d'une demi-journée comprend un cours théorique et une plongée à l'île Bonaventure. Le ratio ne dépasse jamais deux apprentis pour un instructeur. «L'activité est accessible à tous. Ceux qui le souhaitent peuvent terminer leur certification ici.» Prix: 150 $ (plus taxes), équipement fourni.

Prix pour une plongée de jour: 50 $.

Le parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé offre pendant l'été des causeries hebdomadaires sur les mammifères marins (y compris les phoques) à l'amphithéâtre La Saline de Percé.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE