Plusieurs le considèrent comme le plus féroce des prédateurs de nos forêts. Mais ceux qui craignent l'ours noir le connaissent-ils vraiment? À la réserve faunique des Laurentides, mais aussi ailleurs au Québec, des activités d'observation permettent de démystifier cet invétéré glouton.

Les ours sont des gloutons invétérés; une pléthore de dessins animés nous l'a prouvé. Il ne faut donc pas se surprendre que ce soit par le ventre qu'on attire les Yogi, Paddington et autres Winnie en chair et en os.

Du vendredi au dimanche, jusqu'à la fin août, on peut voir les ours noirs faire bombance à la brunante, à la réserve faunique des Laurentides. Des activités d'observation sont proposées depuis des années dans ce territoire 15 fois plus grand que l'île de Montréal.

Dans cette vaste étendue de lacs, de collines et de vallées, l'ours noir règne en maître. Des 70 000 ours noirs recensés au Québec, 40 000 se trouvent au centre du Québec, dont 1500 dans la réserve faunique des Laurentides, selon la guide naturaliste Marie-Hélène Chabot.

Avant d'accéder aux miradors d'observation, les visiteurs se rassemblent au Centre de services du Camp Mercier pour une conférence sur l'ours noir. Photos, illustrations, crâne ou fourrure: tout est mis à profit pour présenter celui que tous - nous sommes près d'une vingtaine dans le groupe - ont hâte d'admirer.

C'est l'occasion de défaire quelques mythes sur l'animal.

«Non, ne faites pas le mort si vous croisez un ours. C'est un animal curieux qui pourra vouloir vous sentir, vous retourner... et il pourrait vous blesser avec ses griffes.»

«Il vaut mieux garder un contact visuel avec l'ours, lever les bras pour signaler notre présence et parler d'une bonne voix, sans crier, pendant qu'on agrandit la distance entre lui et nous», explique Marie-Hélène Chabot.

À savoir: l'ours est surtout actif à l'aube et au crépuscule. En mi-journée, il se repose. Et il digère.

Après la présentation, le groupe prend la route dans un long convoi. Pas d'autobus ici. Les participants doivent utiliser leur véhicule pour franchir, sur la route 175, les quelque 65 km qui séparent le Centre de services du site d'observation, situé près du lac Fritzjalds.

Depuis les deux miradors haut perchés, entourés d'une clôture électrifiée, on peut voir un grand espace nu, bordé par une forêt de conifères. À intervalles réguliers, des pierres plates sont posées sur le sol. C'est sur celles-ci que Marie-Hélène Chabot va déposer la collation censée attirer les ours: un mélange de gâteaux industriels et de confiture.

Ces aliments si peu naturels ne risquent-ils pas de rendre l'ours malade (et dépendant)? Non, dit la guide, car la quantité de cette préparation ingérée par les ours est minime par rapport à leur diète quotidienne, et les activités d'observation ne sont pas offertes tous les jours.

En sifflant - pour prévenir les ours de sa présence -, la guide marche d'une roche à l'autre et y dépose une généreuse quantité de mixture. Avant de remonter à bord de son camion, elle frappe entre eux les seaux désormais vides. Le signal est donné. La collation est servie et les ours peuvent arriver.

Il ne faudra pas attendre cinq minutes avant de voir arriver le premier client: un mâle immense qui s'affale plus qu'il ne s'assied devant une pierre à une cinquantaine de mètres à peine du mirador, dans un repli du terrain. Il engouffre la nourriture à pleines pattes. Un lièvre, pas peureux, s'approche dans l'espoir - vain - de chiper quelques miettes.

Bientôt, un deuxième ours, plus jeune que le premier, s'aventure dans la zone dégagée pour s'attaquer à la pile de gâteaux laissée sur une roche. Un troisième apparaît à la lisière de la forêt pour disparaître aussitôt. On ne le reverra qu'une heure plus tard.

Au total, cinq ours différents viendront profiter de la collation en deux heures d'observation.

Pour quiconque est déjà allé au zoo, voir un ours n'a rien d'exceptionnel. Mais dans son habitat naturel, loin de la civilisation, c'est lui le roi et chaque nouvelle apparition a déclenché une vague d'excitation dans les miradors.

Les lunettes d'approche, essentielles, sont passées de main en main avec frénésie.

Seule déception: aucun ours n'a osé s'approcher de la pile de nourriture laissée à quelques mètres du mirador. «Il faut être très calme et silencieux pour que ça arrive», explique la guide. Mais aujourd'hui, il y a de toute évidence trop d'humains au goût des ours...

Comme pour tous les animaux sauvages, l'observation n'est pas ici garantie. Mais elle est très, très probable. Le taux de réussite tourne autour de 95 %. «Le meilleur moment pour voir les ours noirs ici est peut-être de la mi-juillet à la fin de la première semaine d'août. Ils sont alors habitués à notre présence et la saison des petits fruits n'est pas commencée. Certains soirs, on peut voir jusqu'à 10 ours différents et parfois une femelle avec ses petits. Lorsque les bleuets sont en grandes talles, les ours sont davantage dispersés sur le territoire.»

Notre groupe n'a pas eu cette chance, mais il a pu assister à un face à face tendu entre un ours et un porc-épic frondeur. L'ours a dû insister pour chasser le porc-épic de son festin. Ce dernier est parti à contrecoeur, les épines toutes hérissées de mécontentement.

Repères

L'observation de l'ours noir est offerte du vendredi au dimanche, jusqu'à la fin août, à la réserve faunique des Laurentides. Prix: 27 $ par adulte, 13,50 $ pour les 17 ans et moins. Des sorties avec guide privé sont aussi possibles.

Visitez le site de la SEPAQ: http://www.sepaq.com/rf/lau

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Pour quiconque est déjà allé au zoo, voir un ours n'a rien d'exceptionnel. Mais dans son habitat naturel, loin de la civilisation, c'est lui le roi et chaque nouvelle apparition a déclenché une vague d'excitation dans les miradors.