La raquette à neige gagne en popularité partout au Québec, mais le tapage sur les pistes balisées des parcs ne fait pas que des heureux. Pour assouvir leur soif d'aventure, des adeptes se tournent vers le hors-piste. Une pratique en essor à laquelle les autorités doivent s'adapter, mais qui soulève des questions sur la sécurité et la conservation de la nature.

Un dimanche comme les autres, milieu d'après-midi. Sur le sentier qui longe le lac aux Castors, dans le parc du Mont-Royal, les raquetteurs rythment leurs pas en file indienne. La piste est tracée, le trajet, connu et la neige... tapée. Petits et grands affichent des sourires béats sous un soleil ardent. Mais d'aucuns, dont nous sommes, aimeraient explorer davantage, marcher là où la neige est vierge et folle. « L'expérience générale d'une section hors-piste est nettement supérieure. La liberté de mouvement, le fait de pouvoir choisir le trajet, l'absence de balises... », acquiesce Marc-André Lebuis, fondateur de l'agence de tourisme sportif Éco Plein Air.

Or, dans le parc du Mont-Royal comme dans bien d'autres espaces publics au Québec, la réglementation empêche les randonneurs de s'aventurer au-delà des pistes damées. Les autorités veulent ainsi protéger les jeunes pousses, dont le piétinement peut compromettre la croissance.

M. Lebuis, qui organise des expéditions hors-piste depuis 1999, plaide pour une plus grande accessibilité au territoire, et ce, dans le respect des contraintes environnementales. Seulement, selon lui, l'éducation devrait prévaloir sur la réglementation.

« L'idée n'est pas de dire "go" partout, mais les gestionnaires ont tendance à bannir la raquette à tous dès qu'il y a des risques, dit l'aventurier expérimenté. Chaque utilisateur devrait être responsable de connaître les dangers inhérents, les techniques d'orientation, son niveau d'expérience, etc. »

Bien que marginaux, des espaces en milieu urbain permettent de fouler le sol gelé sans encombre. C'est le cas de la majorité des membres du Réseau des grands parcs de Montréal, qui n'aménagent pas de sentiers mais permettent l'usage des raquettes.

La SEPAQ se lance

L'exotisme d'une randonnée toute blanche et intime réside toutefois dans les vastes espaces, et la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) a entrepris, ces dernières années, de rendre accessibles ses parcs aux explorateurs de l'arrière-pays. « Cette décision a permis de répondre aux besoins de randonneurs qui étaient tannés de faire les mêmes sentiers, qu'ils trouvaient trop larges, trop fréquentés », explique Gilbert Rioux, conseiller en plein air à la société d'État.

La SEPAQ a identifié six sites où la résilience de la végétation permettait le martèlement des raquettes et des skis.

« On a misé sur des zones visuellement intéressantes, qui pouvaient tolérer les impacts de la circulation humaine. On s'est assuré qu'elles n'abritaient pas d'animaux en danger ou de plantes rares, par exemple. »

Les courageux doivent toutefois s'enregistrer et s'enquérir des risques : gelures, bris matériels, frais liés à une éventuelle opération de sauvetage, etc. « Vous voulez vous sentir comme [l'explorateur] Daniel Boone ? On dit : "OK, allez-y", mais vous êtes autonomes et vous assumez les conséquences », résume M. Rioux.

Alors, que ce soit pour une balade pépère dans le parc du Mont-Royal ou une grande odyssée nordique, le Québec déroule son tapis blanc !

Trouver raquette à son pied

Quelles raquettes choisir ? « Il s'agit de trouver le juste équilibre entre mobilité et flottement sur la neige », explique Marc-André Lebuis. Pour cette deuxième considération, le hors-piste exige de plus gros gabarits. Par ailleurs, depuis 2012, l'agence de tourisme Éco Plein Air mise beaucoup sur les skis-raquettes, un équipement hybride spécialement conçu pour les randonnées en forêt et en montagne.

Où faire du hors-piste dams les parcs de...

...Montréal

Dans les parcs-nature, « le ski de fond, la raquette et la marche sont interdits, sauf aux endroits spécifiquement aménagés et réservés à cette fin », stipule le règlement municipal, et ce, pour protéger la jeune végétation. En outre, dans les grands parcs tels la Promenade Bellerive et les parcs des Rapides, Jarry et La Fontaine, la raquette est permise, bien qu'aucun sentier ne soit aménagé. Dans les parcs Angrignon et Maisonneuve, où des sentiers ont été tracés, le hors-piste est aussi autorisé.

...la SEPAQ

Règle générale : le hors-piste est interdit dans les sites gérés par la SEPAQ, notamment à Saint-Bruno et à Oka, au vu de la densité de la circulation. « La flore est sensible au piétinement, explique l'organisme. Quand on multiplie les impacts de milliers de visiteurs, on comprend facilement pourquoi il est obligatoire de demeurer dans les sentiers de randonnée aménagés. » La SEPAQ a toutefois donné son feu vert au hors-piste dans six parcs nationaux, où l'impact de l'activité humaine est jugé minime : ceux d'Aiguebelle, du Fjord-du-Saguenay, de la Gaspésie, des Grands-Jardins, Jacques-Cartier et des Monts-Valin.

...Parcs Canada

La majorité des parcs de Parcs Canada autorise la raquette hors-piste, notamment les promenades du canal de Chambly et du canal de Lachine, où les pistes ne sont ni surveillées ni entretenues. L'organisme rappelle toutefois qu'« il est interdit de s'aventurer sur les glaces qui se forment sur le canal ». Le hors-piste est aussi permis dans les parcs nationaux Forillon et de La Mauricie, « dans la mesure où les visiteurs respectent la faune et la flore et ne circulent pas dans les pistes tracées pour le ski de fond ».