Un peu trop souvent oubliée, la quatrième ville du Québec vit une petite mais savoureuse révolution. Avec ses restos, bars à vin et microbrasseries, Gatineau a maintenant tout ce qu'il faut pour séduire les touristes de passage dans la région de la capitale fédérale... par les papilles !

Envie de bien manger dans la région de la capitale fédérale ? Edgar et Soif sont à eux seuls d'excellentes raisons d'aller flâner du côté québécois.

Il faut vouloir aller manger chez Edgar pour le trouver. Situé dans un quartier résidentiel, le petit restaurant est pourtant plein en ce samedi matin, à peine deux minutes après l'ouverture. Il ne faut pas davantage de temps pour que des gens se mettent en file dehors, attendant patiemment leur tour pour goûter aux brunchs de l'endroit.

Il y a cinq ans, en passant devant le minuscule local à louer, Marysol Foucault s'imaginait pourtant seule à s'activer à la cuisine... et au service ! « Mon chum me disait : si tu fais quelque chose de bon, les gens vont venir. Je ne le croyais pas. » Une dizaine d'employés travaillent aujourd'hui chez Edgar, qui sert en saison estivale 150 brunchs et autant de sandwichs par jour.

La jeune chef offre une cuisine réconfortante, qui utilise les produits de la région. Une cuisine inventive, qui a été remarquée, avec raison.

« Je suis le genre de personne qui n'a pas peur. J'ai toujours osé et pris des risques, dit Marysol Foucault pour expliquer son succès. Je pense qu'un restaurant qui est stagnant, ça ne peut pas fonctionner pour toujours. On change constamment le menu. »

Renaissance gourmande

Formée dans divers restaurants de la région, tantôt du côté du Québec, tantôt de l'Ontario, Marysol Foucault aurait pu installer son restaurant à Ottawa, ou ailleurs. « Du côté de l'Outaouais, les loyers sont moins chers. Mais c'est aussi plus difficile de trouver des employés », dit-elle. Pourtant, elle constate que Gatineau vit une « renaissance des restos ».

Une affirmation qui n'est pas étrangère à la venue à l'automne du bar à vin Soif, de Véronique Rivest. « Je sens que j'arrive au bon moment, dit la sommelière. La restauration s'est développée à Ottawa, et ça s'en vient de plus en plus ici. Il y a un intérêt des consommateurs et un besoin. »

Pour cette native de l'Outaouais dont la réputation a depuis longtemps dépassé les frontières de la région, il était naturel d'ouvrir son restaurant à Gatineau.

« C'est chez nous, ici. C'est quand même plus facile d'aller au travail, dit-elle en riant. Ça fait une dizaine d'années que je fais des concours internationaux et personne ne me connaissait. Ça coûte très, très cher et j'ai fait ça toute seule. Pendant 10 ans, le seul soutien que j'avais était communautaire : les clubs de vin, les différentes écoles où j'ai enseigné, les médias, ils m'ont soutenu depuis longtemps. C'est une façon de redonner à la région. »

Dans son bar à vin qui fourmille, Véronique Rivest passe avec aisance de la fille du coin à la femme du monde. Un instant, un client lui demande des nouvelles de son père avec lequel il a joué au hockey ; tout juste avant, un autre prenait un selfie avec la sommelière devant une carte de la France vinicole. « Je ne la connaissais pas avant de la voir à Tout le monde en parle », dit-il, visiblement heureux de sa rencontre.

Au restaurant Edgar, Marysol Foucault a elle aussi parfois droit au regard soutenu de gens qui l'ont vu au Food Network ou l'ont entendue à la radio.

« Si je peux faire de la télé et montrer ce en quoi je crois, c'est-à-dire le Québec et nos produits, c'est un gros pas. Je ne fais pas de sacrifice juste pour bien paraître. J'ai eu des demandes où je sentais qu'ils avaient besoin d'une petite fille cute. Je ne suis pas là pour ça. Je suis cuisinière, pas animatrice de télé. Il faut qu'on me choisisse pour ça. »

« Elle me fait capoter, dit d'elle Véronique Rivest, qui en étonne elle-même plus d'un. C'est un petit bout de femme et elle a une énergie folle. Ce sont des gens comme elle que ça prend : ce sont des moteurs pour une région. »

La chef d'Edgar carbure aux plats qui « goûtent bon » et aux clients heureux. « Ça ne peut pas être juste un gagne-pain, parce que ce n'est pas vrai qu'on gagne notre vie avec ça, dit-elle. Il faut rendre ça joyeux et intéressant. On est passionnés - j'haïs le mot passionné, ça semble une excuse pour tous ceux qui travaillent dans une cuisine. Mais c'est ingrat, on travaille fort et j'espère qu'on a un peu de passion. »

Chez Edgar

60, rue Bégin, Gatineau, chezedgar.ca

Soif

88, rue Montcalm, Gatineau, soifbaravin.ca

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Au restaurant Chez Edgar

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Chez Edgar

Les brasseurs de Gatineau

L'Outaouais a mis du temps à brasser ses propres bières, mais Gatineau n'a aujourd'hui rien à envier aux autres villes québécoises quand vient le temps de lever son verre avec un brassin du coin.

Il y a quelques années de ça, les amateurs de bonne bière qui cherchaient des bières brassées à Gatineau peinaient à trouver de quoi boire. La « révolution brassicole » ne s'était pas encore rendue dans l'Outaouais.

« En Outaouais, on tardait, dit Alain Geoffroy, président et copropriétaire des Brasseurs du temps. Gatineau est la quatrième ville au Québec et on n'avait pas encore notre microbrasserie. Quand j'ai été contacté pour partir ce projet-là, j'étais certain que ça allait marcher dans l'Outaouais. »

Et ça marche. Les brasseurs du temps a ouvert il y a six ans, devenant ainsi la première microbrasserie de la région. Mais il aura fallu se battre, notamment pour mettre la main sur le magnifique lieu, un bâtiment patrimonial loué à la ville.

Depuis l'an dernier, ils sont accompagnés à Gatineau de la microbrasserie Gainsbourg, petite soeur du pub Chelsea, situé un peu au nord de la ville.

En plus d'avoir des parts dans la microbrasserie Gainsbourg, Mario D'Eer, qui se passe de présentation dans le monde brassicole québécois, est président du Festibière de Gatineau. Installé à Chambly pendant quelques années, voilà cinq ans que l'événement se déroule en Outaouais. Une fête familiale, à mille lieues d'un endroit où l'on boit sans modération. Qui attire tant les Québécois que les Ontariens.

« Ce qui est le fun, c'est que les anglophones connaissent la qualité et la variété des bières québécoises, ce qu'ils n'ont pas en Ontario. Ça fait juste commencer en Ontario la diversification microbrassicole », dit Mario D'Eer.

L'Outaouais aussi vit une diversification. Récemment, Montebello a vu s'installer les Brasseurs de Montebello, tandis qu'une nouvelle brasserie verra bientôt le jour à Gatineau.

« Il y a encore de la place pour d'autres microbrasseries dans l'Outaouais, dit Alain Geoffroy des Brasseurs du temps. Nous ne sommes pas vraiment compétitifs entre nous : plus il y en aura, plus ça va attirer du monde ! »

Les brasseurs du temps

170, rue Montcalm, Gatineau, brasseursdutemps.com

Brasserie Gainsbourg

9, rue Aubry, Gatineau, gainsbourg.ca

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Quoi boire quand on est à Gatineau ? Deux recommandations de Mario D'Eer.

Et la lumière fut, des Brasseurs du temps

« Quand je rentre aux Brasseurs du temps, ils ne me demandent pas ce que je veux boire, c'est ce qu'ils me servent. C'est une bière très satisfaisante, juste assez goûteuse pour dire que j'en ai sur mes papilles. Ça me fait voyager en Angleterre. »

La Fable, du Gainsbourg

« C'est une bière classique allemande de base. Elle est très douce, très maltée. Je bois ça et je me dis là, je peux prendre un break ! »