Tout en cheminant dans la toundra, nous voyons peu à peu surgir à l'horizon de grands pans rocheux vaguement rougeâtres, qui détonnent dans ce paysage essentiellement horizontal. Nous continuons à marcher, avec nos gros sacs à dos, sur un terrain où alternent des champs de pierrailles et des sections humides marquées par la linaigrette, cette fleur arctique qui ressemble à une boule de coton.

Puis, devant nous, la toundra semble s'entrouvrir. C'est le canyon de la rivière Puvirnituq, au nord du parc national des Pingualuit. Le site est parfaitement isolé. Pour s'y rendre, il faut traverser le lac Manarsulik en bateau, ce qui représente 10 km, et parcourir les derniers 10 km à pied.

Il n'y a pas de sentier. Ce qui nous procure un intense sentiment de liberté. Et la récompense est grande. Le canyon nous offre des perspectives superbes. Et le petit camp rustique, perché au dessus d'un coude de la rivière, nous semble particulièrement accueillant.

Nous passons les deux jours suivants à marcher, marcher sans cesse.

Au début, la toundra peut sembler vide, monotone. Nous découvrons cependant rapidement ses richesses, sa vie. Les lemmings prolifèrent et courent sur les petites autoroutes qu'ils se sont creusées au fil du temps.

Nous jouons à cache-cache avec une hermine curieuse. Elle sort la tête entre deux pierres, disparaît, réapparaît trois mètres plus loin, disparaît, réapparaît à mes pieds, gamine, disparaît avant de me laisser le temps de faire la mise au point de mon appareil photo.

Au loin, un caribou. Nous nous asseyons, tranquilles. L'animal se rapproche, curieux, nous contourne, passe son chemin.

Je marche presque sur un lagopède, pas très content, qui s'éloigne avec des camarades.

Bien que nous soyons à la fin de l'été, il reste encore quelques fleurs sauvages. Au ras du sol, la végétation commence à prendre des couleurs d'automne.

Nous marchons au milieu de la toundra, sur le bord du canyon, pour admirer la vue, et nous finissons par marcher en bas, sur d'étroits passages de pierre entre les falaises et la rivière agitée. Et c'est un autre monde. Des faucons pèlerins nous survolent, nous observent. Et peu à peu, nous nous prenons de passion pour les cailloux et les rochers qui nous entourent. Plusieurs sont couverts d'un beau lichen orange vif. D'autres sont carrément rouges.

Dans un secteur, la falaise et les rochers qui se sont détachés sont d'un rouille profond en raison du minerai de fer qu'ils contiennent. Certains ressemblent à s'y méprendre à des poutrelles d'acier bien rouillées.

Un petit caillou que je soulève semble contenir des fibres: de l'amiante? Un rocher est traversé d'une bande d'un bleu royal brillant. Probablement de l'azurite.

Ce n'est pas étonnant qu'il y ait quelques exploitations minières dans le secteur, dont la célèbre mine de nickel de Raglan, et la future mine de Canadian Royalties. Mais on ne les voit pas du parc, on ne les entend pas non plus. Nous rencontrons d'ailleurs un jeune homme qui effectue des tests de son dans le cadre d'une étude d'impact environnemental. Rien. Pas un son ici. Que le bruit du vent et les cris des faucons.