Samedi matin pluvieux de novembre, dans le quartier montréalais de Notre-Dame-de-Grâce. Le perron de l'église St. Thomas est désert, les grandes portes, verrouillées. C'est plutôt vers une petite porte dérobée que convergent les paroissiens, résidants du quartier et simples curieux, venus en grand nombre - ça refoule même un peu à l'entrée - dans l'espoir de dénicher quelques trésors au grand bazar de Noël de l'église anglicane.

Au sous-sol, les tables s'enchaînent, chargées de plats cuisinés, de vêtements tricotés ou d'objets d'occasion. Derrière l'une d'elles, Alice Peters, 85 ans, vend ses tricots pour trois fois rien: 4$ pour une paire de mitaines rayées, 1,50$ pour un ensemble pour Barbie, entièrement tricoté et orné de boutons dorés. Elle y a travaillé toute l'année; en quelques heures, la table sera vidée.

Plus loin, Carmen Downes veille sur l'étalage de produits cuisinés par les paroissiens (qui s'avèrent souvent être des paroissiennes). Des pains au citron, aux bananes ou à la citrouille, des sablés, des brownies, des scones, emballés dans du simple cellophane. Mme Downes détaille sans se faire prier les ingrédients de son très populaire pain à la noix de coco, préparé selon une recette traditionnelle de sa Barbade natale: du beurre, du sucre, des raisins secs...

Juste à côté, deux bénévoles vendent des confitures, des marinades. Difficile de résister aux jolis pots de marmelade aux oranges de Séville, préparés par une paroissienne de 92 ans et décorés de tissus à fleurs. Près des étalages chargés de livres usagés, un homme a rassemblé des boîtes pleines de disques vinyles, de vidéos VHS et de cassettes audio, véritables antiquités qui mystifient les enfants d'aujourd'hui. Un autre vend des jouets récupérés, un troisième, des antiquités en étain. Personne ne fera une fortune avec la vente; tous les profits permettront de financer les activités de la paroisse.

Jusqu'à la mi-décembre, des dizaines de bazars comme celui de l'église St. Thomas s'organisent chaque week-end dans la grande région de Montréal. Pour les amateurs de marchés aux puces et les écumeurs de ventes-débarras, il peut s'agir d'un eldorado, même si la diversité et la qualité des objets varient d'un bazar à l'autre.

Les gourmets ont aussi de quoi saliver, surtout ceux en quête d'authenticité, plus intéressés par un gâteau sorti du four d'une mamie de 80 ans que par les dernières tendances d'un chef branché.

Mais peu importe ce qu'on y trouve, les bazars offrent l'occasion de se glisser doucement dans l'esprit des Fêtes, dans un esprit plus communautaire que mercantile, et de côtoyer les différentes communautés culturelles qui organisent ces foires. C'est le cas des Finlandais, des Ukrainiens, des Japonais et des Allemands, notamment.

«Pour nous, le bazar représente une des rares occasions de se retrouver, explique Marie Fuchs, présidente de l'Association tchèque et slovaque de Montréal qui tient un bazar de Noël depuis 58 ans. Pour le public, c'est un moment parfait pour découvrir nos plats typiques, comme la goulache, la soupe aux tripes, les saucisses ou les gâteaux.»

Pour le bazar de la communauté danoise, au début du mois de novembre, la salle paroissiale de l'église luthérienne de St. Ansgar était pleine à craquer. Des femmes vêtues d'habits traditionnels vendaient des décorations crochetées, des biscuits typiques, des fromages importés ou encore des pots de harengs marinés.

À 10h, il y avait déjà une file pour goûter les sandwichs ouverts, vendus 3,50$ chacun. Et tous préparés par Rosa Christensen. Pimpante dans son chandail fuchsia, l'oeil pétillant, la dame de 88 ans dirigeait une armada de bénévoles penchés sur des plateaux remplis de sandwichs au saumon fumé, aux crevettes, au rôti de boeuf ou au pâté de foie maison. «J'ai mis au moins trois jours pour tout préparer, dit-elle. J'ai acheté 30 lb de crevettes et 10 lb de saumon fumé.» Décorés d'un brin d'aneth frais et d'une tranche mince de citron, ses sandwichs aux crevettes valaient à eux seuls la visite.

En prévision des Fêtes, plusieurs visiteurs faisaient provision de wienerbrod, pâtisserie feuilletée à base de pâte d'amande très prisée au Danemark. Autour de la table où l'on s'était posé pour goûter les créations de Mme Christensen, nos voisines, Danoises d'origine, ont gentiment partagé avec nous leurs conseils culinaires pour servir notre tout premier wienerbrod. Faites chauffer doucement au four. Pas trop, il brûle facilement. Maximum 150 degrés Celsius. Oui, oui, vous pouvez le congeler...

C'est décidé. Cette année, on mange danois à Noël. Et peut-être un peu finlandais, allemand, polonais... Selon ce que les prochains bazars vont nous inspirer.

Quelques conseils

  • Tracez votre itinéraire à l'avance. Outre les bazars suggérés dans cet article, des dizaines se tiennent chaque week-end à Montréal, à Laval ou en Montérégie. Les communautés organisatrices étant souvent anglophones, les bazars sont la plupart du temps annoncés dans les médias de langue anglaise comme le quotidien The Gazette ou la station de radio CJAD.
  • Arrivez tôt. Les plats cuisinés traditionnels s'envolent souvent rapidement. Au bazar finlandais, par exemple, les pullas, petits pains briochés à la cannelle, disparaissent dans la première demi-heure!
  • Prévoyez de la monnaie. Impossible, évidemment, d'utiliser la carte de crédit ou la carte de débit ici. Au début de la journée, payer un objet à 2$ avec un billet de 20$ peut poser problème.
  • Marchandez avec respect. Il est parfois possible de négocier les prix, surtout en fin de journée, mais il faut garder en tête que les bazars servent à amasser des fonds pour des églises ou des organismes de charité.

Des bazars à venir

Pour Noël,presque chaque paroisse du Grand Montréal organise son bazar ou sa foire. En voici quelques-uns qui piquent notre curiosité ou qui nous ont été chaudement recommandés.