C'est une visite qu'il faut faire le ventre vide: elle commence par un bol de soupe et se termine par un bâtonnet de tire sur la neige. Entre les deux, beaucoup d'histoire, un peu de marche et bien des dégustations.

Le Château Ramezay répète ce printemps sa série de visites guidées Suivez le chef sur l'histoire culinaire du Vieux-Montréal, en lieux et en saveurs - question de découvrir ce que les Montréalais mettaient dans leur assiette aux siècles passés.

Tout commence dans les voûtes du Château Ramezay par un minibol de potage à la vierge, costaud mélange de bouillon de boeuf, d'oeuf et de poitrine de poulet, épaissi de farine, pierre angulaire d'un régime qui reposait essentiellement, au début du XVIIIe siècle, sur la soupe, le pain et la viande. C'est plutôt bon. On mangeait bien à cette époque, voire mieux qu'en France. «La nourriture est savoureuse et abondante», explique la guide Eve Alexandre-Beaulieu, accompagnée tout le long de la visite par le sympathique chef Maupoint, responsable des cuisines de Claude de Ramezay en 1715 et bouffon de la visite d'aujourd'hui.

En Nouvelle-France, donc, les Montréalais avaient souvent un potager qui leur donnait des légumes frais, ils avaient accès à du gibier, du poisson, des oeufs, et on importait déjà de l'huile d'olive, des câpres, des anchois, des huîtres marinées, de la noix de coco et de la truffe! Le tout était apprêté en suivant les règles dictées par les grands chefs français. Plusieurs traités de cuisine française ont d'ailleurs été retrouvés dans les archives du Château. On utilisait beaucoup les fines herbes, moins les épices.

La donne a changé après la victoire des Britanniques, qui ont fait venir du sucre, des épices, du riz, de la marmelade, du fromage anglais (le Glouster) et du beurre d'Irlande. On goûte l'un des classiques de l'époque, une tartinade de jambon fumé, muscade et ciboulette dans le restaurant Les Filles du Roy, niché dans la maison de Pierre du Calvet, maître de l'import-export de la fin du XVIIIe siècle. C'est à ce moment qu'a commencé le règne de la pomme de terre, explique la guide. Les autres légumes se faisaient plus rares, petits accompagnements de copieuses portions de viande. La consommation de sucre a monté en flèche, passant d'à peine 87g par année à la fin du XVIIe siècle à plus de 4 kg en 1840! On s'est habitué aux desserts servis avec un thé bien sucré.

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Le restaurant Les Filles du Roy.

Arrêt au marché Bonsecours

Vient ensuite un arrêt au marché Bonsecours, où l'on tenait le mardi et le vendredi, au milieu du XIXe siècle, un immense marché de produits frais et de viande. C'est à la même époque que sont apparus les premiers restaurants du Québec, portés par l'arrivée des immigrants, venus principalement d'Italie. On a découvert les plats en sauce tomate; la première usine de pâtes a été construite en 1867 dans le Vieux-Montréal, rue Saint-Paul. La table est mise pour une petite portion de macaroni au Café des Arts.

À la même époque, l'influence des religieuses faisait en sorte que les Canadiens pratiquaient bien plus qu'un simple «lundi sans viande». Entre le carême et les autres jours saints, ils devaient s'astreindre à «manger maigre» l'équivalent de cinq mois par année. Un bon prétexte pour goûter à une omelette au rhum avec un verre de cidre chaud, dont on a produit jusqu'à 25 000 litres par année au XVIIIe siècle, avant que cette tradition ne sombre dans l'oubli, jusqu'à la fin des années 70.

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Le Salon des importations privées s'est tenu au Marché Bonsecours.

La visite se termine dans le petit musée des Délices de l'érable, histoire de souligner aussi l'apport des populations autochtones et d'avaler un trait de tire sur la neige. Un vif succès, comme le reste de la visite, d'ailleurs, visiblement très appréciée du groupe d'une vingtaine de personnes présentes dimanche dernier.

La marche n'est pas trop longue pour les tout-petits (on conseille tout de même d'attendre 8 ou 9 ans). Le ton est instructif, mais on rigole bien des blagues du chef Maupoint: franchement, voilà 15 $ (12 $ pour les aînés et les étudiants) très bien investis. Mais hâtez-vous de réserver: il ne reste déjà que quelques places.

Réservations: 514-861-3708, poste 221. Infos et recettes tirées de recueils anciens:www.chateauramezay.qc.ca

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Dégustation de tire sur la neige au petit musée des Délices de l'érable.