On y passe sans s'arrêter, en coup de vent, en se rendant d'un endroit à un autre. On oublie que le métro de Montréal recèle des dizaines d'oeuvres d'art, réalisées par des artistes de renom. Une véritable galerie underground!

«Il y a des trésors méconnus que les usagers ne prennent pas la peine de remarquer», note Benoît Clairoux, qui se passionnait pour l'histoire du métro bien avant de travailler pour le service des communications de la Société de transport de Montréal. Il partage quelques-uns de ses secrets.

Art figuratif contre art abstrait

Le premier directeur artistique du métro, pendant sa construction dans les années 60, était Robert LaPalme, l'un des plus grands caricaturistes au Canada, pourfendeur de Maurice Duplessis, qui a publié ses dessins dans LeDevoir, La Presse et de nombreux autres journaux canadiens, américains et français.

LaPalme a invité des artistes à créer des oeuvres racontant l'histoire de la ville. Mais il n'acceptait que des oeuvres figuratives, ce qui a causé des frictions avec des artistes se réclamant du mouvement des automatistes, signataires du manifeste Refus global qui dénonçait les règles établies et l'immobilisme de la société québécoise.

Les orientations artistiques n'ont changé que dans les années 70, quand l'automatiste Jean-Paul Mousseau a remplacé LaPalme et qu'on a demandé aux architectes de chaque station d'intégrer des oeuvres dans leurs plans.

Voici un circuit qui vous permettra de découvrir quelques-uns des joyaux artistiques et architecturaux qui se cachent sous terre. Avec un peu de chance, vos découvertes s'accompagneront d'airs joués par des musiciens du métro.

Ligne verte

Monk

Les deux personnages géants imaginés par le sculpteur Germain Bergeron, fabriqués à partir de morceaux de métal récupérés, manient la pelle et la pioche pour rappeler le dur labeur des ouvriers qui ont construit le métro.

Charlevoix

L'une des stations les plus profondes du réseau (son quai inférieur est à 29 mètres sous la surface). Ses entrailles sont égayées par de spectaculaires vitraux aux couleurs vives, oeuvres de Mario Merola et Pierre Osterrath.

Peel

Les cercles composés de carreaux de céramique sont des créations de Jean-Paul Mousseau. À l'origine, il y avait 48 cercles de tailles et de couleurs différentes, le long des quais, sur les planchers et dans les corridors, mais il n'en reste plus que 31.

McGill

Malheureusement, la longue verrière surplombant le quai, côté sud, vient d'être retirée pour restauration. Réalisée par Nicholas Sollogoub, elle présente le Montréal du XIXe siècle: portraits des deux premiers maires de Montréal (Jacques Viger et Peter McGill), logements typiques, bâtiments d'époque, bateaux à vapeur et canots sur le Saint-Laurent. Elle doit reprendre sa place en 2014. Mais une autre oeuvre plus discrète vaut aussi le détour: une énorme carte en relief de Montréal, qui donne l'impression de voir la ville du haut des airs, avec ses monuments, ses édifices et son mont Royal. Située près des Promenades de la Cathédrale, elle a été réalisée par Richard Purdy, François Hébert et Alain Cadieux à partir de cartes et de photos aériennes. Elle passe malheureusement un peu inaperçue parce qu'elle doit être observée à travers un mur de blocs de verre.

Place-des-Arts

La première oeuvre du réseau a été créée par Frédéric Back, peintre et cinéaste d'animation, surtout connu pour son film L'homme qui plantait des arbres. La verrière, longue de près de 14 mètres, est composée de milliers de pièces de verre peintes, superposées et insérées dans une armature de fer, éclairées par l'arrière. Elle raconte l'histoire de la musique à Montréal, des autochtones jusqu'au jazz et à la musique rock des années 60. Parmi les personnages représentés: Calixa Lavallée, compositeur de l'hymne national du Canada, et Emma Albani, première cantatrice canadienne à obtenir un succès international.

Berri-UQAM

La station la plus fréquentée du réseau abrite un imposant vitrail qui rend hommage aux trois fondateurs de Montréal: Jérôme le Royer de la Dauversière, Jeanne Mance et Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve. On y dépeint aussi les anciennes fortifications, au milieu des arbres où apparaissent les silhouettes de guerriers iroquois - pour rappeler que Maisonneuve était déterminé à établir la ville même si «tous les arbres de l'île devaient se changer en autant d'Iroquois», selon une citation célèbre. C'est une création de Pierre Osterrath et Pierre Gaboriau. Gaboriau est le fils de Robert LaPalme. Il était cependant en désaccord avec la décision de son père de bannir l'art non figuratif du métro. Il a donc créé une oeuvre aussi abstraite que possible et a adopté le nom d'artiste de Gaboriau, pour ne pas être lié à son père.

À l'étage inférieur, dans le corridor qui mène à la ligne jaune, Robert LaPalme est lui-même à l'honneur: trois de ses murales créées pour l'Expo 67 ont pour thèmes la science, la culture et le divertissement.

Enfin, à la sortie de la rue Sainte-Catherine, une statue de bronze de mère Émilie Gamelin, création de Raoul Hunter, tend la main aux passants, à l'endroit même où la religieuse a fondé son Asile de la Providence. Pendant 120 ans, l'établissement a distribué aux affamés des milliers de bols de soupe. Signe de la sympathie qu'elle suscite auprès du public, sa main tendue est patinée par les nombreux contacts.

Papineau

Louis-Joseph Papineau est en vedette dans la station qui porte son nom. Des fresques de George Juhasz et Jean Cartier présentent divers événements de la révolte des Patriotes de 1837: maisons en feu, soldats britanniques en armes et paysans en colère.

Ligne orange

Côte-Vertu

Une oeuvre d'Éric Lamontagne, datant de 2005, présente l'Homo urbanus: 185 petites photos de personnages découpés se reflètent dans un miroir. Hypnotisant!

Du Collège

Les amateurs de vitrail trouveront ici quatre verrières de styles différents, aux couleurs chaudes, qui rappellent l'histoire de Saint-Laurent. Trois ont été réalisées par Pierre Osterrath et une par Lyse Favretti.

De la Savane

Un puits de lumière permet aux rayons du soleil d'éclairer la monumentale sculpture d'acier inoxydable de Maurice Lemieux, appelée Calcite, qui évoque des éclats de ce minerai - dont on a trouvé des traces en creusant la station.

Namur

Suspendue au plafond de la station, l'immense sculpture spatiale de l'artiste Pierre Granche, composée de métal et de néons, en forme de molécule, est digne d'un décor de film de science-fiction.

Snowdon

Les oeuvres du métro ne sont malheureusement pas à l'abri des vandales, comme peuvent en témoigner les murales de Claude Guité représentant les quatre saisons, face à chacun des quatre quais de la station Snowdon. Les peintures, sur lesquelles on voit des fleurs et des feuillages aux lignes vaporeuses, ont été la cible de graffiteurs, même si elles sont situées de l'autre côté des rails. Comme il était impossible d'effacer les graffitis sans retirer aussi la peinture originale, elles ont dû être repeintes par l'artiste et recouvertes d'une protection. En raison des coûts de l'opération, les panneaux composant les murales n'ont pas encore tous été réintégrés.

Square-Victoria

Pour être transporté dans la Ville lumière l'espace d'un instant, il faut emprunter la sortie Saint-Antoine, où est installé un authentique portique du métro de Paris en fonte ouvragée, de style Art nouveau, oeuvre de l'architecte Hector Guimard.

Petite expérience amusante: dans le couloir de la sortie Saint-Jacques, installez-vous au milieu de la rotonde, tapez des mains et écoutez l'étrange écho qui vous revient.

Champ-de-Mars

Grâce aux superbes vitraux de Marcelle Ferron, des éclats de couleur parviennent jusqu'aux quais. L'artiste, membre du mouvement des automatistes et signataire de Refus global, a dû se battre pour qu'on lui permette de réaliser cette oeuvre aux formes abstraites, qui contrevenait aux directives de Robert LaPalme. C'est l'une des oeuvres les plus admirées de cette figure marquante de l'art contemporain.

Sherbrooke

Une murale en mosaïque de Gabriel Bastien et Andrea Vau, la seule du réseau, rappelle ici les réalisations de la Société Saint-Jean-Baptiste.

Ligne bleue

Jean-Talon

La voiture de tête du métro a inspiré à l'artiste Judith Klein une imposante murale, sur le quai en direction Snowdon, dont les couleurs évoquent la rencontre des lignes orange et bleue.

De Castelnau

Nous sommes ici près du marché Jean-Talon, ce qui explique que l'artiste Jean-Charles Charuest ait choisi d'évoquer les différents métiers du marché dans ses 30 bas-reliefs gravés dans la pierre, sur les quais et dans les corridors. On y observe le poissonnier, le boulanger, le maraîcher, la fleuriste, etc.

Acadie

Dans cette magnifique station aux formes géométriques marquées, des murs sont décorés de photos de personnages qui volent. Ce sont les collaborateurs et la famille de l'architecte de la station qui sont ainsi immortalisés.

Pour les amateurs du métro qui veulent en savoir plus:

> Le site www.metrodemontreal.com, conçu par un maniaque du métro

> Guide Ulysse Montréal en métro

> Livre Métro: design en mouvement, de John Martins-Manteiga