Évalué à quelque 35 000 personnes, le Montréal vietnamien semble exister depuis très longtemps. Mais on oublie que cette communauté est encore assez récente, son noyau s'étant formé dans les années 70 et 80 avec l'arrivée massive de boat people et de réfugiés politiques. Leur spectaculaire intégration explique sans doute qu'on les remarque moins aujourd'hui. Les «Phós» (soupes) nous sont devenues aussi familières que les souvlakis et tous les Québécois savent désormais épeler le nom Nguyen. Pourtant, qui connaît vraiment le Montréal vietnamien? Bien que profondément enracinée, la communauté recèle toujours sa part de mystère et d'exotisme. La Presse a ouvert quelques portes...

Au-delà de la bonne soupe

Les restaurants de Phó (soupe tonkinoise) pullulent à Montréal. C'est la base, si vous voulez manger vietnamien. Mais la gastronomie du pays d'Hô Chi Minh ne se limite pas à ces bouillons réconfortants. Outre les fameux sandwichs vietnamiens, qu'on trouve un peu partout (particulièrement bons au Marché Hung Phat) on a particulièrement aimé découvrir le poisson caramel et la soupe aigre-douce aux crevettes, tomates et ananas du restaurant Phuong Thao, deux plats traditionnels raffinés qui ont défié notre habituelle palette gustative. C'est un peu plus coûteux, mais franchement, ça change du rouleau impérial. Demandez un café glacé vietnamien pour le dessert. Ce sont les plus étonnants qu'on ait bus depuis longtemps. Autre bonne raison pour aller chez Phuong Thao: la patronne et cuisinière Mme Thao est une personnalité bien connue du Montréal vietnamien, grâce à son implication à la radio vietnamienne et aux nombreux spectacles de musique pop qu'elle organise. Une bonne façon d'en savoir plus sur ce qui se passe dans la communauté.

Phuong Thao v 3181, rue Bélanger E., 514-759-5276

Marché Hung Phat, 2099 St-Denis, 514-272-1332

Faire son marché

Les épiceries vietnamiennes sont tellement nombreuses à Montréal (et on ne parle pas des dépanneurs!) qu'on pourrait vous envoyer aux quatre coins de la ville. Pour être plus efficace, on ne vous donnera qu'un nom: Kim Phat. Certes, le nom de cet immense supermarché est chinois. Et le fondateur est cambodgien. Mais puisque Kim Phat est un genre de Loblaws asiatique (c'est immense), on y tient aussi une grande variété de produits importés du Viêtnam, comme la sauce poisson (un classique!), le durian (le fruit malodorant) et la colocase (taro) de l'Inde, qui sert notamment à la confection des soupes aigres-douces. Attention, il y a trois succursales à Montréal! Si vous voulez plus petit, essayez le marché Oriental, emblème du petit quartier vietnamien qui se trouve près du marché Jean-Talon ou encore l'intrigant Long Phung, qui se spécialise dans la... saucisse vietnamienne.

Kim Phat v 3588, rue Goyer ou 3733, rue Jarry E., à Montréal, et 7209, boul. Taschereau, à Brossard, www.kimphat.com

Long Phung v 1760, rue Centrale, Sainte-Catherine, 450-638-6933

Marché Oriental v 7101, rue Saint-Denis, 514-271-7878



Photo: Martin Chamberland, La Presse

L'épicerie Kim Phat sur le boulevard Taschereau

Voir, écouter

Concurrencés par la télé satellite et le téléchargement illégal, les vidéoclubs et magasins de disques vietnamiens ont fermé les uns après les autres à Montréal. Rare rescapé, Video Diem My survit en vendant à la fois des films et des disques de musique pop vietnamienne. Soyons honnête: on ne connaissait aucun des artistes sur les présentoirs. Nous avons demandé à la caissière si Justin Nguyen était le Justin Bieber vietnamien, mais elle ne comprenait ni le français ni l'anglais. Dommage.

Vidéo Diem My v 407, rue Bélanger E., 514-279-2466

Prier

Partagée entre bouddhisme, catholicisme et caodaïsme, la communauté vietnamienne est multiconfessionnelle. On peut assister à des messes catholiques vietnamiennes les dimanches à 10h30 et 17h à l'église Saint-Philippe (1420, rue Bélanger E.) ou admirer le seul temple caodaïque du Canada (70 membres à Montréal) installé au 7161, rue Saint-Urbain, dans une ancienne synagogue. Pour ce qui est des temples bouddhiques, le choix est vaste. Mais en raison de son ancienneté, la Pagode Quan Am reste un bon choix. Les messes ont lieu le dimanche de 10h à midi. Un repas végétarien est ensuite servi au sous-sol, où vous pourrez aussi acheter divers articles reliés au boud-dhisme, certains plus kitsch que d'autres. Votre pèlerinage peut se terminer dans la cour intérieure, véritable oasis dans ce quartier semi-industriel de Côte-des-Neiges, où beaucoup de familles vietnamiennes se sont installées à leur arrivée à Montréal.

Pagode Quan Am v 3781, av. de Courtrai, 514-735-9425

Le pouvoir des fleurs

Phuc Nguyen est fleuriste, mais ne cherchez pas sa boutique. Toutes les ventes - ou presque - de Flora Exotica se font en ligne, ce qui lui permet d'avoir des clients jusqu'en Californie. Sa plante-vedette? Le célèbre mai, la «fleur du Têt (Nouvel An) vietnamienne», qu'il importe directement du Viêtnam une fois par an. «C'est notre fleur la plus appréciée. Mais nous avons aussi des grands-ducs, des manguiers, des arbres à papayes et toutes sortes d'autres plantes asiatiques», souligne M. Nguyen en faisant l'inventaire de son vaste catalogue. M. Nguyen a débarqué au Québec en 1979 et a travaillé pendant 20 ans pour le CN. À la retraite, sa vieille passion pour les fleurs l'a rattrapé et il a décidé d'ouvrir son propre commerce. Il est l'un des rares à Montréal à offrir ce genre de produits. Exceptionnellement, on peut l'apercevoir en «fleur et en os» dans les principales fêtes vietnamiennes, comme celle du Nouvel An au Centre Pierre-Charbonneau.

www.floraexotica.ca

Ne pas perdre sa langue

Fondé il y a 25 ans, à une époque où les Vietnamiens débarquaient encore en masse au Québec, le Centre culturel vietnamien oeuvre à la préservation de l'identité vietnamienne de Montréal, en donnant des cours de vietnamien aux jeunes de la deuxième génération, qui se considèrent souvent plus québécois que vietnamiens. «La langue se perd ici, J'ai des enfants nés ici qui ne connaissent pas leur syntaxe. Parler la langue à la maison ne suffit pas», confirme Bathai Nguyen, responsable du Centre. On peut aussi en savoir plus sur le Montréal vietnamien en passant par la Communauté vietnamienne de Montréal, une importante organisation qui chapeaute 27 organismes et qui aide à l'intégration des immigrants depuis 1976.

Centre culturel vietnamien v 5789, rue D'Iberville, 514-374-6888, www.hongduc.org

Communauté vietnamienne de Montréal v 514-340-9630, www.vietnam.ca

Tout savoir... en vietnamien

Depuis que CJNT a changé de mains, il n'y a plus d'émission vietnamienne à la télé montréalaise. En revanche, le journal Thoi Bao continue d'être LA référence en ce qui concerne les médias vietnamiens au Canada. Imprimée à 7000 exemplaires, l'édition montréalaise de cet hebdomadaire gratuit existe depuis 21 ans. On y trouve tout ce qui concerne la communauté à Montréal - incluant des dizaines de pubs de commerces -, mais aussi des nouvelles québécoises plus générales. Signe d'une nette ouverture sur la société d'accueil: le journal a mis le groupe Arcade Fire sur sa une après sa victoire aux Grammys! Vous ne lisez pas le vietnamien? Rabattez-vous sur la «radio allumée» du 103,3 FM, qui propose un bloc horaire entièrement vietnamien tous les dimanches de 19h à minuit. Évidemment, ça jase pas mal. Mais le choix musical aide à surmonter la barrière linguistique. «Sans cette station, il n'y aurait pas de voix pour les Vietnamiens à Montréal, clame Thao Nguyen, qui coordonne la programmation. S'il se passe quelque chose d'important, ça nous permet de le dire à la communauté.»

www.thoibao.com

Génération superstar

Avec le temps, Montréal a donné naissance à quelques créateurs vietnamiens dignes de mention. On pense bien sûr à l'écrivaine Kim Thuy, dont le roman Ru a connu un étonnant succès en France, avant d'obtenir le Grand Prix RTL-Lire dans le cadre du Salon du livre de Paris. Ces mémoires personnelles ont aussi séduit la critique qui a souligné ce style libre et éclaté. On pense aussi au DJ Thien Vu Dang (ancien DJ Pillow), qui se distingue à l'international par ses installations vidéo expérimentales, au réalisateur Kim Nguyen (Truffe, La cité) ou au réputé designer Andy Thê-Anh, toujours en activité malgré la fermeture de ses boutiques en décembre. Connaître ces artistes, c'est découvrir une nouvelle génération issue de l'immigration, qui ne correspond pas du tout au cliché que l'on se fait du Montréal vietnamien.

Participer aux fêtes des Vietnamiens

-Fête du Têt, le Nouvel An vietnamien Fin janvier, début février 1er jour du calendrier lunaire)

Le Nouvel An vietnamien se fête surtout en famille, mais il y a aussi quelques événements publics à Montréal, comme la fête au Centre Pierre-Charbonneau. Le traditionnel gâteau de riz du Nouvel An est un incontournable.

-Fête des soeurs Trung Mars (sixième jour du deuxième mois du calendrier lunaire)

La mémoire de ces soeurs, qui ont dirigé une révolution vietnamienne il y a 2000 ans, est encore honorée par plusieurs en mars. À Montréal, l'Association des femmes vietnamiennes organise chaque année un spectacle avec danse et discours à la mémoire de ces «Jeanne d'Arc vietnamiennes».

-Journée des boat people, 30 avril

Des événements rappelant le sort des milliers de réfugiés de la mer se déroulent ce jour-là.

-Fête de l'indépendance du Viêtnam, 2 septembre

L'événement fait référence à un discours de Hô Chi Minh, prononcé en 1945. Ce jour-là, le chef communiste a déclaré l'indépendance de son pays face au Japon et à la France. Cependant, les Vietminhs allaient mettre 30 ans de plus avant de se débarrasser de l'occupant occidental...

-Fête des enfants, fin septembre, début octobre (15e jour du huitième mois du calendrier lunaire)

Deuxième célébration en importance après le Têt, la Fête des enfants est célébrée au début de l'automne. Des plats spéciaux sont préparés pour les petits et des jeux leur sont réservés.

Photo: André Pichette, La Presse

Phuc Nguyen, vendeur de fleurs vietnamiennes