À environ 90 km au nord de Saint-Michel-des-Saints, au bout d'une route de «gravelle» que les camions de pitoune dévalent à tombeau ouvert en soulevant des nuages de poussière blanche, le village attikamek de Manawan étale ses rues proprettes au bord du grand lac Métabeskéga.

Une humble chapelle de bois peinte en jaune tendre, une radio communautaire, une petite épicerie, deux écoles (primaire et secondaire), un bureau de poste qui abrite aussi le bureau du tourisme (ou est-ce l'inverse?), des maisons bien tenues... On le voit tout de suite, la communauté attikamek de Manawan va plutôt bien. Oh, il reste encore des plaies intérieures à panser, des cassures de l'âme à réparer. Ici comme ailleurs, la Loi sur les Indiens et les tristement fameux pensionnats «autochtones», entre autres choses, ont laissé des traces indélébiles... et en ont effacé d'autres qu'on aurait voulu garder.

Mais le simple fait que la langue attikamek soit toujours bien vivante, parlée tant par les tout-petits que par les anciens dans ce village pourtant pas si éloigné des villes, procure à tous un supplément d'espoir et de fierté.

La communauté déploie en outre de remarquables efforts pour se structurer, construire une économie viable, valoriser et transmettre ses traditions, encadrer sa jeunesse nombreuse - 25 % des quelque 2600 habitants ont moins de 11 ans, et l'âge médian est de dix-sept ans et demi!

C'est un peu dans cette optique que le conseil de bande a commandé, en 1998, une étude sur la valorisation du lac Kempt, immense plan d'eau créé par la mise en eau de deux barrages, en 1908 et en 1941.

Il y a huit ans, la communauté a donc mis sur pied le site Matakan (prononcé «Madagane», le mot signifie «lieu où l'on s'installe») afin d'y emmener les touristes désireux de faire l'expérience d'un séjour en territoire attikamek.

Matakan emploie 11 personnes à temps plein et procure des revenus à une vingtaine d'autres grâce à divers contrats - construction, entretien, artisanat, etc.

La communauté de Manawan possède également un petit hôtel de 10 chambres et offre divers forfaits (pêche, ateliers d'artisanat, soirées de contes et légendes, etc.) qui, tous, permettent de mieux connaître les Attikameks. Et, vrai de vrai, on ne peut que tomber sous le charme: leur accueil chaleureux, leur générosité, leur humour inimitable, la simplicité et la douceur avec lesquelles ils abordent toute chose sont autant de leçons de vie.

Certes, tout n'est pas parfait. Il reste pas mal de trucs à améliorer, reconnaît Patrick Moar, nouvellement arrivé au poste de coordonnateur de Tourisme Manawan. Mais il y travaille activement, conscient du fait que la communauté tient entre ses mains un véritable joyau qui ne demande qu'à être mis en valeur. 

La chose est en bonne voie.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L'humble chapelle de bois peinte en jaune tendre de Manawan.