Depuis que la morue ne donne plus, ils se sont reconvertis : ils pêchent le homard, le crabe, le thon, les pétoncles. Il y en a même qui prennent désormais des touristes à bord pour leur faire vivre l'expérience de la pêche côtière. Récit d'une sortie en mer.

Certains pêcheurs le font officiellement ; d'autres vous emmèneront volontiers, comme on emmène des amis, si vous le demandez. Pas difficile : ils rentrent au quai vers 9 h le matin. Il suffit de les y attendre et d'entamer tranquillement la conversation, quitte à acheter, pauvre de vous, quelques homards à 5 $ la livre comme alibi (il faut ce qu'il faut !).

C'est ainsi (enfin presque) que nous nous sommes retrouvés à bord du Loulou57, le bateau de Steve McKinnon et Michel Arsenault, sur une mer heureusement assez calme - ce qui est loin d'être toujours le cas.

La vie de pêcheur peut sembler rude, mais c'est une bonne vie. Tellement que Steve McKinnon a abandonné son métier de vendeur de voitures pour devenir pêcheur de homard, il y a neuf ans. Son associé Michel Arsenault était quant à lui directeur du personnel d'un hôpital avant de se joindre à lui. À eux deux, ils partagent les frais du bateau et des permis, qui leur donnent droit à 435 cages en tout. Lors d'une saison normale, ils pêchent quelque 45 000 livres de crustacés, qu'ils vendent autour de 3 $ la livre (comme dans la construction, les mesures impériales ont la couenne dure dans les pêcheries). Ils arrondissent leur année avec la pêche au thon, à l'automne.

Quand ils se lèvent, bien avant l'aube, même les poules dorment encore. Dès 4 h, au quai, dans la lumière crue du projecteur qui crève la nuit, ils sont prêts à partir. Steve est à la barre, un oeil sur le GPS qui lui indique l'emplacement exact des bouées qui signalent les cages. Michel et les deux hommes de pont, Mario Trudel et Don Sutton, se chargent de tirer les pièges de l'eau, de les vider, de les regarnir d'appâts frais (qu'on appelle la boëtte - des morceaux de maquereau) et de les remettre à l'eau selon une séquence bien rodée à laquelle nul ne déroge.

Michel mesure les prises et rejette celles qui sont trop petites ou trop grosses ainsi que les femelles qui ont des oeufs, ce qui équivaut à 7 bêtes sur 10 environ. On rejette aussi tout ce qui n'est pas homard : oursins, lottes, etc. Les règles sont claires et sévèrement appliquées.

Les fous de Bassan suivent le bateau, attirés par la boëtte rejetée à l'eau. Leurs acrobaties défient la gravité. 

Les hommes de pont, pour qui ce spectacle est pourtant quotidien, semblent aussi émerveillés que nous et s'amusent à agiter en l'air des morceaux de poisson pour attirer encore plus d'oiseaux. Bientôt, dans le ciel rosi par le levant, c'est toute une escadrille de fous de Bassan et de goélands qui nous accompagne.

Au bout de deux heures, comme le manque de sommeil nous rattrape, Steve accepte de faire un crochet par le quai pour nous déposer avant de continuer sa pêche. À peine 200 lb de homards garnissent les bacs, Steve ne sourit pas trop (sauf pour se moquer gentiment des petites natures de la grand'ville). Une bonne pêche de quatre ou cinq heures donne normalement au moins le triple - les gars ont même eu des journées de 1500 lb. Mais la chance a fini par lui sourire (peut-être parce qu'il n'avait plus ses Montréalais à bord), et la pêche a finalement atteint 700 lb de bons gros homards bien grouillants. Beau souper en perspective... 

Infos: enmer.ca

Bon à savoir

Pour l'heure, seuls deux pêcheurs côtiers offrent des excursions en mer conformes aux normes des divers ministères concernés, mais d'autres sont en voie de certification. On peut les joindre sur le site www.enmer.ca.

Même en été, prévoir des vêtements chauds : sous-vêtements longs, chandail et chaussettes de laine, tuque et gants, bottes de caoutchouc, idéalement doublées. Les pêcheurs peuvent habituellement fournir le ciré. 

La mer peut être assez houleuse, même le long des côtes. Un médicament contre la nausée comme le Gravol sera une mesure de prévention judicieuse contre le mal de mer. Pour les petites natures, évidemment.