Au milieu des monts Chic-Chocs, entre des sommets de plus de 1000 m, une série de refuges attend les skieurs qui partent explorer une nature sauvage. Récit.

Ça ne fait pas cinq minutes que nous avons chaussé nos skis que déjà, nous apercevons des traces d'orignal qui s'entrecroisent dans la neige. Des empreintes particulièrement fraîches attirent notre attention. Nous les suivons du regard pour rapidement découvrir une grosse bête brune dans le sous-bois.

C'est Johan qui avait raison. Nous l'avons rencontré tout à l'heure au Centre de découvertes et de services du parc de la Gaspésie, dans le secteur du Mont-Albert. C'est l'homme qui enfourchera sa motoneige pour transporter nos bagages (un petit luxe!) au refuge La Paruline, sur le circuit de ski de longue randonnée Les Chablis.

Sur une carte, il a désigné les endroits que privilégient les orignaux. Effectivement, un gros cervidé est au rendez-vous. Pas très nerveux, il se couche dans la neige en continuant à nous observer.

Nous le laissons à son sous-bois et reprenons notre chemin. Nous devons parcourir une dizaine de kilomètres pour parvenir à La Paruline. Malheureusement, l'essentiel de ce tronçon emprunte une route fermée l'hiver. Il ne s'agit donc pas d'un sentier forestier bucolique. Nous pourrions nous consoler en admirant le paysage majestueux des montagnes Chic-Chocs, mais il neige et la visibilité est limitée.

La température s'améliore en fin d'après-midi alors qu'une douce lueur bleue glisse sur les montagnes qui se dévoilent peu à peu. Le sentier devient beaucoup plus joli au moment d'approcher du refuge. Nous sommes maintenant dans un ancien chemin forestier étroitement bordé de sapins couverts de neige.

Bonheur, un brin de fumée s'échappe de la cheminée de La Paruline. En déposant nos bagages, Johan, notre ange gardien, a allumé un feu dans le petit poêle à bois pour commencer à réchauffer le refuge.

Le refuge est rudimentaire, mais confortable: une table, des chaises, un comptoir, huit couchettes. Une grosse casserole sur le poêle permet de faire fondre de la neige. Nous sortons notre réchaud pour préparer le repas, ainsi que nos lampes et nos bougies pour nous éclairer. Pour les besoins «naturels», c'est la bécosse qu'il faut visiter.

Après une nuit entrecoupée de quelques réveils pour mettre des bûches dans le poêle, nous sommes prêts à affronter une nouvelle étape, une quinzaine de kilomètres jusqu'au refuge Le Pluvier.

La journée s'annonce froide, mais magnifique. Le soleil brille, le ciel est d'un bleu presque foncé, les sapins enneigés ont l'air de fantômes.

Comme la motoneige prend un autre chemin pour rejoindre le refuge Le Pluvier, il n'y a pas de trace de l'engin sur notre sentier. Celui-ci est étroit, superbe. Personne n'est passé ici depuis un moment. Nous ouvrons donc notre chemin dans une neige poudreuse. C'est un travail épuisant, mais en même temps, il y a un bonheur intense à évoluer sur ce terrain vierge.

Rencontres

D'étranges trous dans la neige, bordés de traces d'ailes, suscitent notre curiosité. Un hibou qui a saisi une petite souris? Peut-être. Mais plus probablement un tétras du Canada qui s'était caché sous la neige pour se tenir au chaud et qui a décollé en catastrophe.

D'ailleurs, un tétras gigote sur une branche au-dessus de nos têtes.

Une surprise nous attend un peu plus loin. Alors que nous débouchons dans une clairière, un gros coyote prend la fuite, soulevant dans son empressement des nuages de neige fine.

Nous nous approchons avec circonspection d'un gros trou d'où semblait émerger l'animal. Nous y trouvons les restes d'un orignal. Comme l'idée de se trouver entre un coyote et son repas ne nous séduit guère, nous quittons prestement les lieux.

Par les troués, nous avons une belle vue du mont Albert derrière nous et du lac Cascapédia devant. D'ailleurs, nous amorçons notre descente vers ce lac et vers notre objectif de la journée, le refuge Le Pluvier.

Lorsque nous l'atteignons, la chaude lumière du soleil d'après-midi rehausse sa couleur ocre. Encore une fois, un poêle chaud nous accueille. Tant mieux, parce que le thermomètre descend à vue d'oeil. À 21h30, il fait -32 °C. Heureusement, il fait bien chaud dans le refuge et il fait bon dans nos sacs de couchage. Nous ne nous levons même pas lorsqu'un étrange bruissement se fait entendre dans la pièce principale. Au petit matin, nous constatons les dégâts: une impertinente souris a croqué un de nos morceaux de fromage! La prochaine fois, il faudra suspendre notre nourriture pour éviter de nourrir la faune locale.

Le vent s'est levé, la visibilité en prend un coup. Ce n'est pas très grave, nous finissons notre randonnée aujourd'hui. Nous avons 10 km à faire pour retourner à la voiture. Le sentier emprunte à nouveau la route, mais cette fois-ci, nous sommes en descente presque tout le long. S'il y a un orignal en chemin, il ne doit apercevoir que deux éclairs colorés qui surgissent et disparaissent dans la poudreuse.

Repères

> Pour faire du ski de longue randonnée dans les Chic-Chocs, il est préférable d'avoir un équipement de ski nordique, avec des skis comportant des carres en métal. Au minimum, il faut des «peaux de phoque», soit des bandes de tissu qui permettent de monter les côtes en gardant les skis parallèles.

> Il est possible de louer cet équipement sur place, pour 27$ par jour.

> La signalisation est souvent déficiente dans le parc. Il faut donc impérativement se procurer la carte des sentiers. Celle-ci coûte 6$.

> Il faut ouvrir son portefeuille pour faire du ski de longue randonnée. Il faut compter l'accès au parc, soit 5,65$ par personne par jour. La nuit en refuge coûte 25,50$ par personne. Le transport de bagages, optionnel, coûte 22$ par bagage pour chaque étape.

> Le parc de la Gaspésie suggère divers circuits de deux, trois et cinq jours. Certains empruntent plus de routes et de grands chemins forestiers que d'autres circuits. Et qui dit transport de bagages dit pistes de motoneiges. Il faut donc bien choisir son circuit si on n'aime pas faire du ski sur des routes et des pistes de motoneiges. Pour un circuit de cinq jours, celui du mont Logan semble un bon choix.

> La Gaspésie, c'est loin, surtout l'hiver. Si tout va bien, on peut se rendre de Montréal à Sainte-Anne-des-Monts, aux portes du parc, en 9 heures en comptant des pauses. Notre retour, effectué en pleine tempête, a nécessité 13 heures.

Info: sepaq.com/pq/gas