Avec 4,8 bêtes au kilomètre carré, la réserve faunique de Matane affiche la plus forte concentration d'orignaux du Québec. C'est dans ce paradis, loin de toute civilisation, que se dresse l'Auberge de montagne des Chic-Chocs. Récit d'un (trop) court séjour à la poursuite du roi des forêts québécoises, au milieu des sommets dénudés, des fougères géantes et des vallées.

Jour 1

9 h

Départ du bureau d'accueil, à Cap-Chat, pour 55 km de route de gravier à bord d'une fourgonnette. Aucun véhicule personnel ne peut atteindre l'Auberge.

10 h 30

L'Auberge ne se dévoile qu'au dernier tournant, campée à flanc de montagne, à 615 m d'altitude. Les visiteurs sont accueillis au son de la cloche, qui résonne à chaque nouvelle arrivée. Les membres du personnel sont dehors. On nous fait visiter: ici le bar, ici le spa extérieur, là les balcons suspendus... Avec la clé de la chambre, on remet un nécessaire de survie: gourdes et sacs en filet pour contenir les victuailles de randonnée. Ma chambre est au deuxième étage; la vue sur la chute Hélène et le mont Coleman est stupéfiante. La décoration? Épurée, un brin campagnarde, avec des touches amusantes, comme ces crochets faits à partir de panaches d'orignaux.

Midi

On s'assoit autour d'une grande table réfectoire. Les repas se prennent en groupe ici. Toujours. Au menu (le même pour tous): salade, saumon et carré au caramel décadent. Au milieu du repas, Julie et Philippe, les guides, se lèvent pour dévoiler les activités encadrées de l'après-midi: vélo de montagne jusqu'au lac Barbarin, randonnée pédestre jusqu'au pied de la chute Hélène... Ceux qui veulent partir seuls sur les sentiers peuvent aussi le faire, à condition d'indiquer leur destination et leur heure de départ sur le registre épinglé dans la grande pièce où sèchent manteaux et bottes (et où l'on peut emprunter bâtons de marche télescopiques et couvre-bottes). Avec ou sans guide, chaque client qui part en forêt doit apporter avec lui son émetteur radio, cordon ombilical qui nous rattache à l'Auberge (et aux secours) en cas d'incident. Cap-Chat est à deux heures de route, le plus proche hôpital à trois. On ne badine pas avec la sécurité ici...

13 h 30

Vélo? Rando? J'opte plutôt pour les trois S: sauna, spa et sofa. Sur la terrasse ensoleillée, au creux d'une chaise Adirondack, le paysage - et le silence - est carrément thérapeutique. Un bon bouquin déniché dans la bibliothèque de la salle commune, un verre de blanc. Décrochage complet réussi.

16 h

J'enfile mes bottes pour une courte promenade sur la boucle de l'Auberge. En moins d'une heure, j'ai accès aux plus beaux points de vue sur les montagnes et la vallée. À plusieurs endroits, le sentier est jonché de petites boulettes, signes indéniables d'orignaux dans le coin. J'ouvre les yeux et stoppe au moindre craquement. Pas un panache en vue. J'apprendrai plus tard que ces boulettes fécales sont vieilles de plusieurs mois, et que c'est le sapin, la nourriture d'hiver des orignaux, qui donne cette forme aux crottes.

17 h

C'est l'heure du 5 à 7. Le directeur, Guy Laroche, est sommelier de formation. Il présente ses choix de vins pour accompagner le souper. Autour du grand foyer central, les clients arrivés la veille se mêlent aux clients du jour. Les anecdotes fusent. Les conversations se poursuivent autour de la grande casserole de veau grillé, placée au centre de la table. Avant le dessert (tarte Tatin et étonnante glace à la mélasse), Julie et Philippe présentent les activités du lendemain, notamment un safari photo aux orignaux! Le choix est facile.

Jour 2

5 h

Réveil à l'aube, meilleur moment pour observer les orignaux. Derrière les rideaux, le ciel est menaçant, les bourrasques de vent, violentes. Je me recouche. Claude, le chasseur du groupe, me dira ensuite que, dans ces conditions, mes chances de voir LA bête étaient quasi nulles. «Je le savais», je lui réponds.

7 h 30

Petit-déjeuner: du pain doré, du bacon, des fruits, du fromage, des cretons, des muffins, du pain maison. Et pas de jus de chaussette: l'Auberge met à la disposition des clients une machine à espresso et un assortiment impressionnant de thés Kusmi.

9 h

C'est le départ pour le safari photo. Patrick, l'un des marcheurs, a pris sa plus grosse lentille, un long trépied déjà vissé à son boîtier. Encombrant pour marcher, mais il ne veut rien rater... On emprunte le sentier du Grand Fond qu'on quitte parfois pour plonger en plein bois, des fougères jusque sous les bras. Les traces (fraîches) de la présence des orignaux sont nombreuses, mais après 4 km, toujours rien. Nada. On aura peut-être plus de chance du côté du bûcher, surnommé le «garde-manger». Patrick, lui, décide de rentrer à l'Auberge; il a fait ce sentier la veille, sans succès. «Mais je vous interdis de voir quoi que ce soit.» Il n'est pas parti depuis 5 minutes qu'un immense mâle apparaît, à 30 mètres du sentier. Notre guide le reconnaît: c'est Fourche, un mâle de 4 ans au panache imposant. Pas trop nerveux, ce Fourche. Pendant 20 minutes, il va manger sans s'inquiéter de notre présence.

Midi

Au menu: soupe aux tomates, côtelettes de porc, gâteau au chocolat... et présentation des photos de Fourche à un Patrick exsangue.

13 h 30

Le groupe est en jambes. On décide de grimper le mont 780 (l'altitude au sommet), d'où l'on voit jusqu'au fleuve et au mont Logan (le plus haut des Chic-Chocs). La vue est stupéfiante et le calme complet. Pas un humain en vue. Plutôt que de rentrer directement, on s'offre un détour de 3 km par l'Épaule et le mirador du bûcher. Fourche nous attend, au même endroit que ce matin, accompagné cette fois d'un adolescent curieux et d'une femelle plus timide. Patrick? Il a choisi de rester à l'Auberge pour profiter des trois S...

19 h

Entre le rôti de cerf rouge et les carrés au chocolat, le directeur sort de la cuisine pour annoncer qu'une femelle orignal et son veau sont en pleine collation dans la saline, près de l'entrée. Patrick est invité à sortir en premier. Il les aura enfin, ses photos...

22 h

Après une bière Pit Caribou (format gaspésien de 500 ml), 15 km de randonnée et un copieux souper, je m'endors avant que ma tête touche l'oreiller.

Jour 3

7 h

La navette de retour quitte à 11 h 30 et je n'ai toujours pas vu la chute Hélène. «Venir à l'Auberge sans voir la chute, ce serait comme aller à Paris sans voir la tour Eiffel», m'a dit Guy Laroche. À 7 h 15, je suis sur le sentier, seule, avec ma radio, testée deux fois plutôt qu'une. Je descends pendant 3 km, en direction de la chute. La pente est raide. Dans certaines sections, des cordes ont été installées pour aider à la descente. La chute, haute de 70 mètres, vaut l'effort. Enveloppée par les brumes du matin, elle se fracasse sur les rochers dans un nuage d'embruns. Ne reste ensuite qu'à remonter les 300 mètres de dénivelé...

Bilan du séjour: six orignaux, des montagnes en quantité et une chute plus belle que la tour Eiffel.

À savoir

Plus courts séjours

Cet été, l'Auberge de la montagne des Chic-Chocs (propriété de la SEPAQ) offre plus de flexibilité. Il est désormais possible d'y passer une seule nuit, voire de prolonger son séjour d'une nuit, ce qui était impossible l'an dernier. En effet, le transport à partir (et en direction) de Cap-Chat est maintenant offert du dimanche au vendredi.

Autre nouveauté: jusqu'à récemment, les clients du week-end n'avaient qu'une option: arriver le vendredi et partir le lundi. Impossible d'opter pour un séjour de deux nuits ni de revenir à Cap-Chat le dimanche.

C'est désormais possible. La SEPAQ offre d'ailleurs un forfait pour le mois d'août, avec des séjours de fin de semaine (2 ou 3 nuitées) à prix réduit. L'arrivée doit se faire le vendredi, les 13, 20 ou 27 août. Le prix pour deux nuitées est de 399$ par personne, en occupation double. Pour trois nuitées, le prix grimpe à 589$ par personne. Ces prix incluent le transport vers l'Auberge, l'hébergement, les repas, les activités guidées et le matériel de sécurité. Ne sont pas incluses: les taxes et les boissons alcoolisées.

Quand y aller?

Pour l'observation des orignaux, le meilleur moment est sans conteste septembre, pendant la période de reproduction. L'Auberge termine sa saison estivale le 23 septembre, pour la saison de la chasse. Elle rouvre ensuite ses portes du 27 décembre au 13 avril. Parmi les activités hivernales offertes: raquette, ski de haute route et ski méta (à mi-chemin entre le ski de haute route et la raquette).

www.chicchocs.com

Photo: Mathieu Dupuis, fournie par la Sépaq