« Découvert » en 1792 par l'Américain Ebenezer Hovey (alors que les Abénaquis y campaient déjà depuis belle lurette), le lac Massawippi vit un peu dans l'ombre de son voisin, le lac Memphrémagog, plus touristique et plus peuplé. Malgré sa taille considérable (18 km2), son accès est assez restreint au public, mais la donne est en train de changer, grâce à des bénévoles qui travaillent à la fois à le protéger et à le faire découvrir.

« Bien sûr. » Margot Heyerhoff se rappelle très bien le sourire de la journaliste à qui elle avait expliqué, il y a cinq ans, son projet pour le lac Massawippi et sa réponse, « bien sûr », l'air de dire : « Bien sûr que cela n'arrivera jamais ailleurs que dans vos rêves. »

« J'aimerais bien voir son air, aujourd'hui », dit Margot Heyerhoff, les pieds chaussés de ses espadrilles bleues toutes neuves, prête à attaquer un sentier de randonnée tout aussi neuf, qu'une équipe travaille encore à construire sur un terrain de quelque 800 acres, cédé par des propriétaires terriens à la Fondation Massawippi au fil des cinq dernières années (auxquels 390 acres supplémentaires s'ajouteront en août !). Le rêve de Margot, présidente de la Fondation, est en train de se concrétiser, littéralement, sous ses pieds, devant nos yeux. « Il y a cinq ans, nous n'avions rien. À l'été, nous inaugurerons notre deuxième sentier de randonnée, et l'on continuera à en rajouter chaque année au moins pendant cinq ans », lance-t-elle fièrement. 

Car le but de la Fondation n'est pas « seulement » de protéger la forêt, mais aussi d'en redonner l'accès à la population. Avant l'ouverture d'une première boucle près du village, dans le parc Scowan, en 2016, les sentiers de randonnée près du lac étaient quasi inexistants, la majorité du territoire entourant la vaste étendue d'eau étant privée. « Plus la population prendra goût à venir marcher dans les environs du lac, plus elle sera sensibilisée à l'importance de le protéger et à sa richesse », croit-elle.

En août, on inaugurera une première portion de quelque 3 km d'un sentier dans la montagne Massawippi surplombant le lac qui, à terme, avoisinera la trentaine de kilomètres pour relier North Hatley à Ayer's Cliff, l'autre village d'importance du lac.

Nautisme

Le lac Massawippi a connu de belles années au XIXe siècle, quand, dans la foulée de la guerre de Sécession, les riches Américains des États du Sud ont commencé à bouder les États du Nord pour leurs vacances estivales, et préféré venir se rafraîchir au Canada. De grands hôtels y furent construits. La fréquentation était telle qu'une liaison de train direct avait cours entre New York et North Hatley. Puis, les années ont passé, et le lac a connu de meilleurs et de moins bons jours. Mais, après une période plus tranquille, ses environs reprennent vie depuis quelques années. Le coeur de North Hatley est fleuri et animé, la promenade sur pilotis est bien entretenue ; quelques boutiques et cafés complètent le portrait d'un village qui a tout pour plaire.

De l'autre côté, Ayer's Cliff aussi va mieux, même s'il souffre encore de la comparaison avec North Hatley. « Ça change, et c'est là que ça va bouger le plus dans les prochaines années », assure toutefois Michèle Gérin, présidente de l'organisme Bleu Massawippi, voué à protéger le lac. On a franchi une étape importante, l'an dernier, en y créant une première plage publique, sur un lopin de terre acheté par les autorités municipales à l'Ordre des Servites de Marie. La plage est petite et pourrait être mieux aménagée. « Mais on part de loin, remarque Michèle Gérin. Elle était délaissée, pleine de déchets avant la reprise. »

Bleu Massawippi est responsable, pour les trois prochaines années, d'assurer la transition vers une gestion privée de la marina et la plage. « On veut que les choses soient bien faites, restreindre le plus possible le côté commercial de la chose », explique-t-elle, par exemple en encourageant la location de kayak plutôt que de bateaux à moteur.

Dans la même veine, on a lancé au printemps un projet-pilote de « nautisme intelligent », pour guider, à l'aide d'une application, les plaisanciers sur le lac de sorte qu'ils évitent les zones les plus sensibles. Comme tant d'autres, le lac Massawippi est aux prises avec des éclosions de cyanobactéries à l'occasion, et l'on s'inquiète de son eutrophisation, de la prolifération des herbiers qui étouffent ses rives, dispersées à grands coups d'hélices par les bateaux à moteur. En tenant ces derniers à l'écart de certains secteurs, « on gardera l'eau plus claire, on préservera de meilleures zones de baignade, on ralentira le vieillissement du lac, promet Mme Gérin. Le lac ne va pas mieux ni moins bien qu'avant, mais il faut y faire attention ».

Le lac Massawippi a connu de beaux jours, d'autres plus difficiles ; aujourd'hui, son avenir semble plein de promesses. Aux touristes maintenant de profiter de sa beauté.





Photo Martin Chamberland, La Presse

Le lac Massawippi vit un peu dans l'ombre de son voisin, le lac Memphrémagog.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Ayer's Cliff s'est dotée en 2016 d'une première plage publique.