Dans la campagne québécoise d'antan, les soirées froides d'hiver étaient le moment privilégié pour se rassembler en famille et entre voisins autour du fameux conteur d'histoires. Chaque conteur possédait son propre répertoire de légendes, transmises de bouche à oreille, de génération en génération. En voici quatre, parmi les plus mystérieuses...

GROSSES-ROCHES ET LES CHAUDRONS DU DIABLE

L'origine de cette légende remonte au temps des draveurs, ces défricheurs de bois qui défiaient les rivières québécoises en crue lors du dégel printanier. À la fin du XIXe siècle, comme partout au Québec, le village de Grosses-Roches grossissait à mesure que l'industrie forestière de ce coin de la Gaspésie prospérait.

Un dimanche, après la messe, le propriétaire de la scierie serait allé confier au curé de la paroisse les problèmes qu'il avait depuis quelque temps avec plusieurs de ses travailleurs. Ceux-ci manquaient régulièrement à leur devoir, sous prétexte de se rendre en amont de la rivière pour pêcher l'anguille, dont les prises étaient divines! Le curé se déplaça pour voir de ses yeux cet endroit bien mystérieux. On dit que sa découverte fut surprenante et qu'il resta stupéfait devant trois grands bassins, qui ressemblaient à des chaudrons sculptés dans la rivière. Les deux premiers contenaient une eau si cristalline que seul Dieu pouvait l'avoir distillée; le plus haut chaudron était, quant à lui, rempli d'une eau si sombre que seul le diable pouvait l'en avoir rempli. Des dizaines d'anguilles nageaient à sa surface et le curé y vit un message diabolique. Il préféra maudire le lieu malfaisant et défendre à ses ouailles de s'en approcher à l'avenir, sous peine de subir la foudre de Dieu.

Les chaudrons sont aujourd'hui situés dans des terres privées, qui cherchaient encore récemment un nouveau propriétaire pour, qui sait, faire revivre ce lieu légendaire.

LA BÊTE DU LAC POHÉNÉGAMOOK

La plupart des légendes du Québec datent du temps de la colonisation. C'est le cas de la bête du lac Pohénégamook, dans le Bas-Saint-Laurent, qui a fait parler d'elle jusqu'à récemment. À l'instar du fameux monstre Memphré, dans le lac Memphrémagog, cette créature fantastique semble nager dans les eaux du lac depuis un bon siècle. Ses premières apparitions ont été rapportées vers 1901 et les témoignages se sont succédé au fil des ans. Certains l'ont décrit comme un poisson gigantesque, d'autres comme un serpent de lac. D'autres encore ont parlé d'un monstre pourvu d'une bosse sur le dos et de deux grandes cornes dorées. Après la diffusion de photos et de plusieurs films amateur, les médias se sont intéressés au phénomène dans les années 60 afin d'élucider le mystère. Baptisé Ponik par les habitants du village, le monstre aurait de nouveau été aperçu à plusieurs reprises dans les années 90, mais sans jamais se montrer au grand jour ni devant les scientifiques. Le tour du lac, d'une circonférence de 25 km, se fait aujourd'hui très facilement. Une belle façon de découvrir ce joli coin de pays.

LE VILLAGE DE GRAND-MÈRE ET SON ROCHER

Vous vous êtes toujours demandé d'où vient le drôle de nom attribué à ce village? Voici l'une des explications les plus romantiques - sûrement la préférée des habitants de Grand-Mère, en Mauricie. La localité tire son nom d'un rocher en forme de vieille femme. Selon la légende, une tribu amérindienne s'installa autrefois sur les berges de la rivière Saint-Maurice. Le chef accepta de marier sa fille à un brave jeune homme du clan en échange d'un canot rempli des plus belles fourrures de la région. Au moment du départ de celui-ci pour la chasse, les deux amants se promirent fidélité. Mais la jeune fille passa toute sa vie à attendre son bel aventurier, qui fut englouti par les eaux de la rivière. À la fin de ses jours, elle pria le Grand Esprit de laisser pour son amoureux un symbole du respect de sa promesse. Son souhait fut réalisé lorsque, à sa mort, un grand éclair frappa un rocher de la rive et y sculpta la silhouette de la vieille Amérindienne, le regard porté au loin sur la rivière.

Les Algonquins appelaient ce lieu Kokomis, qui signifie «notre grand-mère». Au début du XXe siècle, la construction d'une centrale hydraulique a conduit au déménagement du fameux rocher dans un parc municipal de la ville. On peut encore aujourd'hui l'admirer.

LE CHAMP DES GUÉRETS DE RIGAUD

La légende veut qu'il existe, dans les environs du village de Rigaud, un champ recouvert non pas de terre, mais de pierres! Surnommé «champ des guérets» (labour), ce terrain n'aurait pas toujours été aussi aride. On dit qu'il appartenait autrefois à un homme bien mystérieux, dont personne ne connaissait le passé. Peu affable et très secret, José-le-diable, comme on le surnommait, avait très mauvaise réputation parmi les villageois. Et, par-dessus le marché, il préférait travailler dans ses champs plutôt que se rendre, comme tout le monde, à la messe dominicale! Malgré les avertissements du curé de la paroisse et des autres paysans, il alla un dimanche bêcher son champ de pommes de terre. C'est alors que la colère de Dieu s'abattit sur lui et sur son terrain. Plusieurs versions de la légende existent. L'une d'elles raconte que des milliers de cailloux tombèrent alors du ciel; une autre prétend que les pommes de terre se seraient transformées en pierres.

Une histoire bien originale pour expliquer une singularité naturelle. Ce phénomène de champ stérile a depuis été rationnellement expliqué par les géologues. Les roches auraient été charriées par des glaciers lors de leur retrait de cette partie du Québec.