Un aller-retour Montréal-Paris, soit 11 000 km de vol, coûte parfois moins cher qu'un saut Québec-Sept-Îles, pour un trajet d'à peine 1200 km, retour compris. Et ça n'est pas près de changer, Plan Nord ou pas, même s'il arrive désormais que des sièges pour des vols au Québec soient soldés...

Cet été, Air Canada a brièvement proposé des sièges vers des destinations québécoises à 99$. L'aller-retour Montréal-Sept-Îles, en août, tous frais compris, se vendait alors à peine 314,17$, contre 863,75$ le reste de l'année. Est-ce le signe d'une baisse à venir des prix des vols au Québec?

Non, croient les experts. Voyager en avion au Québec continuera de coûter cher. Presque toujours davantage que vers le Sud et souvent plus que vers les États-Unis ou l'Europe.

Pourquoi? Il y a au moins trois bonnes raisons pour expliquer le phénomène: la faible densité de population et de la demande, un petit bassin de clientèle d'affaires et le quasi-monopole d'une ou deux compagnies aériennes desservant les destinations québécoises.

«L'ouverture d'une liaison aérienne est souvent motivée par la présence d'une liaison d'affaires», explique Paul Arseneault, titulaire de la chaire de tourisme Transat ESG-UQAM. Il cite notamment en exemple le couloir aérien Montréal-Toronto dans lequel trois transporteurs proposent plusieurs départs par jour à des prix compétitifs.

Il arrive qu'on trouve un aller-retour Montréal-Toronto à 200$. Un prix qu'on ne verra sans doute jamais pour un voyage aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple.

«Les relations d'affaires entre la métropole et les Îles-de-la-Madeleine sont plutôt limitées, précise M. Arseneault. Et ce sont les voyageurs en classe affaires qui, en payant le gros prix, subventionnent les vols et permettent aux passagers de la classe économique d'avoir des sièges à des prix intéressants.»

Ce sont les mêmes considérations, soit le manque de voyageurs en classe affaires, qui ont convaincu Air France de mettre fin à l'exploitation de l'Airbus 380 entre Montréal et Paris, poursuit le titulaire de la chaire de tourisme.

«Dans les plus petits marchés, le rapport entre l'offre et la demande est également un facteur puisque le volume de passagers est bas, tout juste suffisant pour remplir de petits appareils. Et puisque les avions sont plus petits, les coûts fixes (main-d'oeuvre, carburants, etc.) sont divisés par un plus petit nombre de places avec comme résultat des tarifs plus élevés», ajoute pour sa part, Isabelle Arthur, porte-parole d'Air Canada, l'un des rares transporteurs à desservir les différentes régions du Québec.

Par contre, les voyageurs qui ont volé cet été sur les ailes d'Air Canada à destination de Sept-Îles ou d'autres villes québécoises ont pu bénéficier d'un prix intéressant lors de l'achat de leurs billets. «Nous utilisons les ventes de sièges pour stimuler la demande et encourager les voyages, explique Mme Arthur. À l'exception des Îles-de-la-Madeleine, nos destinations au Québec sont principalement des destinations d'affaires et la demande diminue pendant la période estivale. Nous avons alors annoncé au printemps des ventes à 99$ pendant l'été pour toutes les destinations au Québec.»

Plan Nord

La mise en branle du Plan Nord, qui vise l'exploitation des ressources nordiques, amènera son lot de travailleurs qui devront prendre l'avion pour atteindre des territoires assez éloignés. Une baisse de prix des billets pourrait-elle donc se profiler à l'horizon pour des destinations comme Sept-Îles ou Rouyn-Noranda, ce qui pourrait stimuler le tourisme dans ces régions? Ginette Lehoux, directrice générale de la chambre de commerce de Sept-Îles en doute. Selon elle, les compagnies aériennes profiteront de cette clientèle captive et garderont les prix élevés. Une théorie également défendue par Paul Arseneault. «Si la joute devient rentable, je vois difficilement les joueurs diminuer les prix», croit-il.

Conclusion, les voyageurs qui souhaitent voler entre deux villes québécoises semblent condamnés à payer une facture salée...