Complètement détruite par les flammes le 19 novembre dernier, l'Auberge Port-Menier, dans l'île d'Anticosti, sera reconstruite. En fait, à peine quelques jours après l'incendie, les autorités avaient clairement annoncé cette intention, mais il était évidemment trop tôt pour en dire davantage.

Joint mardi dernier, Dave Boutet, de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), en savait déjà un peu plus. «La reconstruction est assurée; elle se fera durant l'été et l'automne 2012, pour une ouverture au printemps 2013. Nous allons en profiter pour faire mieux.»

Faire mieux, c'est-à-dire plus beau, plus fonctionnel, plus confortable. Ça ne devrait pas être difficile. En effet, le bâtiment initial, construit à l'origine pour héberger les employés de la Consolidated Bathurst, ne se distinguait pas par son charme - surtout depuis qu'on l'avait habillé de tôle émaillée.

«Nous allons privilégier les matériaux nobles et construire l'auberge plus près de la rive. Nous aimerions que toutes les chambres ainsi que la salle à manger aient vue sur la mer», explique M. Boutet. De plus, alors que les 24 chambres de l'ancien bâtiment offraient toutes le même confort de base, on compte en aménager 4 plus luxueuses, 12 standard et 10 d'entrée de gamme, pour un total de 26. Au total, on s'attend à investir quelque 4 millions de dollars dans l'affaire.

Appels d'offres

Les appels d'offres de services professionnels, destinés à trouver un architecte, se feront au début du mois de janvier, et la construction devrait commencer au printemps. «Il est intéressant de noter que nous recourrons probablement à un concept modulaire pour accélérer la construction», précise M. Boutet.

L'établissement vise une classification trois étoiles. «Essentiellement, ce qui nous différenciera d'un quatre-étoiles, c'est qu'il n'y aura ni spa, ni piscine, ni salle de gym puisque les gens ne vont pas là pour ça.»

Dans l'intervalle, les amoureux d'Anticosti ne seront pas laissés en plan: la SEPAQ met à leur disposition 6 pavillons de chasse, en plus de la petite auberge de Chicotte-la-Mer, qui compte tout de même 12 chambres. L'inconvénient, c'est que certains de ces chalets se trouvent à l'écart des attraits prisés par les amateurs de villégiature, de randonnée et d'observation. Qu'à cela ne tienne: la SEPAQ offrira un service de navette par minibus sans coût supplémentaire. Tant il est vrai qu'on n'empêche pas un coeur d'aimer, la plupart des clients qui détenaient une réservation à Port-Menier ont souhaité la maintenir malgré ces quelques désagréments.

Quand le chocolatier Henri Menier acheta l'île d'Anticosti pour la somme de 125 000$, en 1895, il s'y fit construire une somptueuse villa de style anglo-américain. Fenêtres aux vitraux ornés de fleurs de lys, profusion de meubles importés du monde entier, oeuvres d'art en abondance, il ne ménagea rien. À sa mort, en 1913, son frère Gaston hérita de l'île, qu'il jugea peu rentable. En 1926, il la vendit pour quelque 6 millions de dollars à la société Wayagamak Pulp and Paper Company. Cette dernière, devenue en 1931 la Consolidated Bathurst, n'en avait que pour l'exploitation forestière et se souciait fort peu d'entretenir un bâtiment, fût-il historique. Ainsi, prétextant un risque d'incendie, l'entreprise, sous la direction d'un certain Frank Wilcox, ordonna que l'on mît le feu à la villa après l'avoir dépouillée de ses trésors. Le matin du 3 octobre 1953, Wilcox répandit lui-même de l'essence sur les planchers de la maison, et les habitants de l'île regardèrent, impuissants, s'envoler en fumée ce qu'ils appelaient «le château», dont il ne subsiste plus qu'une tourelle et les fondations.

En savoir plus: Anticosti au temps des Menier, film documentaire de Jean-Claude Labrecque, ONF, 1999.