1, rue du Parloir

«C'est derrière cette porte que commence le roman Kamouraska, d'Anne Hébert. L'héroïne, Élisabeth Rolland, est à sa fenêtre et se rappelle son passé, tandis que mari agonise», dit Marie-Ève Sévigny.

«Ma vie! Toute ma vie dans son tumulte et sa fureur m'attend là, derrière les volets fermés [...]. Une bête sauvage qu'on a enfermée et qui guette dans l'ombre pour vous sauter dessus. Ne puis-je fuir cette époque de ma vie?»

Kamouraska, Anne Hébert (1970)

Parc Cavalier du Moulin

«Pour son recueil Le regard infini, Pierre Morency a parcouru les parcs de la ville, à l'aube, et est tombé amoureux de ce parc. Il en parle comme un des lieux les plus poétiques de la capitale. C'est un secret bien gardé, qui donne une vue sur l'intimité des arrière-cours; un endroit tranquille dans lequel on entre comme dans une bibliothèque!», lance Marie-Ève Sévigny.

«Je ne saurais dire ce qui me charme le plus dans ce jardin de ville [...] Peut-être la joie de retrouver à chacune de mes visites le jeune catalpa qui persiste à offrir la beauté de ses larges feuilles en as de pique, lui, le seul représentant de son espèce à survivre si loin, au nord, de sa zone de rusticité.»

Le regard infini, Pierre Morency (1999)

Cimetière St. Mathews

«Jacques Poulin habite tout près du cimetière et dans un de ses romans, il y campe une très belle scène. La petite Limoilou, une jeune fille qui a vécu un gros drame dans sa vie, y arrive, les bras chargés de livres qu'elle dépose un peu partout, comme des bornes rassurantes», raconte la guide.

«Je la vis marcher tout droit vers une statue en bronze qui se trouvait dans une encoignure de l'ancienne église. C'était une sculpture de Lewis Pagé qui s'appelait La petite liseuse. Elle représentait une jeune fille assise en tailleur et penchée en avant: toute son attention était concentrée sur un livre qu'elle tenait à deux mains. Limoilou [y] plaça le roman.

-Ça peut réchauffer le coeur de quelqu'un, dit-elle en revenant vers moi.»

L'anglais n'est pas une langue magique, Jacques Poulin (2009)

Fontaine de Tourny

«À découvrir pour le très beau texte inaugural, écrit par Marie Laberge, qui présente l'eau comme la matière identitaire de tous les Québécois», explique Mme Sévigny.

Nous sommes d'ici, Hurons-Wendat, Innus, Cris, Abénaquis et tous nos frères,

Nous sommes de France, d'Écosse, d'Irlande, d'Angleterre et de plus loin encore

Depuis 400 ans,

L'eau coule dans nos mains ouvertes

Ces mains qui porteront le Québec

D'aujourd'hui à demain

Marie Laberge (2008)

Épicerie européenne, rue Saint-Jean

«La détective Maud Graham va y renifler les effluves épicés en rêvant d'un souper romantique avec son médecin légiste. Dans ses romans policiers, Chrystine Brouillet court-circuite l'horreur par un épicurisme à la Colette. Ses romans sont des vrais carnets d'adresses de restaurants à Québec!», souligne l'organisatrice des visites littéraires.

«Les odeurs qui embaumaient la boutique rassérénèrent Graham, lui firent penser à Alain Gagnon et à la France qu'ils s'étaient promis de visiter ensemble. Ils retrouveraient sur les marchés publics ces arômes suaves de café, ces chauds parfums de romarin qui imprégnaient les boiseries des étagères, ces pointes d'épices, ces effluves souples et verts des grandes huiles d'olive et le caractère corsé du parmesan.»

Les fiancées de l'enfer, Chrystine Brouillet (1999)

Quartier Saint-Roch

«Les auteurs de polars s'intéressent aux personnages plus louches, plus interlopes; Saint-Roch, c'était le quartier de la prostitution, de la criminalité. Celui où la fracture sociale était la plus apparente», relate Marie-Ève Sévigny. «Le soleil ne suffisait jamais à rendre le quartier Saint-Roch enjoué et chaleureux. La grisaille ajoutait à la lourdeur de la misère. Un ciel tuberculeux. Les poches de pauvreté se fichent des bienfaits de mère Nature.»

Le rouge idéal, Jacques Côté (2002)